mercredi 18 novembre 2015

Il est cinq heures. Paris.




Bon. Je vais faire un post.
Essentiellement pour moi, parce que je ne suis pas sûre que ça serve à grand chose.
Pas que mes posts servent à grand chose de manière générale, cela dit.
Je ne pense pas que le fait de raconter que j'ai vomi sur les Stan Smith d'un mec fasse particulièrement avancer la société.
Mais bon. Bref.
Je vais faire un post.

Je ne sais pas très bien par où commencer.
Peut-être par ce qu'il m'est arrivé à moi vendredi soir.
Pas que ça soit révélateur de quoi que ce soit ou très intéressant, j'ai vécu la même chose que beaucoup de gens, rien d'héroïque, rien d'épique, rien de tragique non plus, mais bon, c'est un témoignage comme un autre. 

Vendredi soir, c'était l'anniversaire de la mort de ma mère.
Ca ne regarde personne mais bon voilà, après tout je ne suis pas tellement réputée pour ma pudeur, donc voilà : le 13 novembre c'est l'anniversaire de la mort de ma mère.
J'ai passé la soirée en famille avec mon père, mon frère et ma belle-mère à picoler et à rigoler, et c'était émouvant parce que c'était la première fois qu'avec mon père et mon frère on en parlait vraiment. Pas de la mort de maman, bien sûr. La mort de maman n'est pas un sujet tabou. Mais du fait qu'elle était morte le jour-même. 
Ca fait 24 ans aujourd'hui qu'on ne dit jamais rien le 13 novembre. Ce n'est pas un jour où je vois ma famille, et si jamais on se voit (quand j'étais plus jeune, on se voyait par la force des choses parce qu'on habitait ensemble), on n'en parle pas. Vendredi dernier, c'était la première fois qu'on abordait le sujet, la première fois qu'on s'avouait qu'on était au courant qu'on était le 13 novembre et qu'on savait que le 13 novembre, c'était la mort de maman.
Ca n'était pas une soirée de pleurs et de recueillement du tout. On n'est pas du genre à se retrouver à date fixe pour pleurer. C'était une soirée normale. Une chouette soirée en famille à papoter, bien manger, boire du bon vin. C'était chouette. C'était juste une soirée émouvante. 
On n'a pas allumé la télé. On n'a pas écouté la radio. On n'a pas consulté nos portables. On était seuls dans notre bulle avec nos souvenirs, nos histoires de famille, notre amour les uns pour les autres et nos bouteilles de Pink Flamingo.
Puis à 22h j'ai pris le métro pour rentrer chez moi, et c'est là que ça a commencé. Que j'ai su.
A l'avenir, le 13 novembre ne sera plus jamais une date qu'on pourra passer sous silence. 
A l'avenir, malheureusement, nous ne serons plus la seule famille endeuillée en silence le 13 novembre. Parce que vendredi dernier, pour 130 morts, combien de centaines de personnes endeuillées, combien qui ont perdu un père, une mère, un frère, une soeur, un fils, une fille, une ou un ami, une cousine, un cousin, un amoureux, une amoureuse ? 
J'en suis malade. J'en crève de douleur pour eux.

Je vais bien. Je n'ai perdu personne. J'ai fini la soirée seule chez moi à écouter France Info, très sonnée, un peu tremblante, scotchée à mon portable et à Facebook pour échanger avec mes proches, m'assurer que tout le monde allait bien, rassurer les gens sur le fait que j'allais bien.
C'est comme ça que ça a commencé. J'étais encore dans le métro quand MoMa m'a écrit de Berlin pour savoir si j'étais en vie. Sur le coup, je vous avoue que j'ai pas bien compris.
Ensuite, je me suis laissée prendre dans le tourbillon des échanges de textos, les "Tu vas bien ?", "Je m'inquiète", "Donne moi des nouvelles s'il te plaît", "Ouf", "Merci", "Je suis tellement soulagée", "Reste où tu es", "Je pense à toi", "Je t'aime". 

J'ai eu tellement, tellement peur pour mes proches.
Parce que comme tant de gens l'ont déjà dit, ceux qui étaient visés, c'étaient les jeunes adultes bobo qui vont boire des coups dans le 10ème et le 11ème à Paris le vendredi soir, à savoir moi et mes amis. Apparemment, on a désormais un nom. On serait "la génération Bataclan". 
Ca a eu lieu là où on habite, là où on sort, là où on vit. 
La rue Bichat, la rue de Charonne, la rue de la Fontaine au Roi, la rue Amelot, c'est chez nous. C'est des lieux de notre quotidien, des lieux de notre histoire, des lieux qu'on connaît par coeur.
Vendredi soir, c'était nous et les nôtres, très précisément, qui étions visés.
Ca ne m'était jamais arrivé.

"It means very little to know that a million Chinese are starving unless you know one Chinese who is starving," disait Steinbeck.
En France, on appelle ça la loi "mort-kilomètre", celle qui dit qu'un seul mort à un kilomètre de toi te touchera autant voire davantage que mille morts à mille kilomètres. Celle qui dit que tu es plus bouleversé par un fait divers dans la Drôme que par un massacre en Syrie, parce que tu t'identifies davantage aux victimes.
Ce week-end, j'ai entendu des gens déplorer la réaction des français, qui réagissent comme s'ils apprenaient tout juste l'existence de Daesh : comme si l'horreur ne faisaient que commencer. J'ai entendu des gens dire qu'il était regrettable que notre effarement et notre indignation actuels soient si éloignés de notre semi-indifférence face aux attentats précédents et au quotidien des Syriens.
Il est vrai que ce n'est pas le premier attentat cette année. Depuis les attaques de janvier, il y a en effet eu Le Bardo à Tunis (22 morts), puis Sousse (encore en Tunisie) (38 morts), puis Suruç (Turquie) (33 morts), puis Sadr City (Irak) (90 morts), puis Ankara (97 morts), et dernièrement Beyrouth (43 morts). Ca ne nous a pas mis à ce point dans tous nos états. C'est vrai.
Mais en même temps j'ai envie de dire que putain heureusement , parce que je peux vous assurer que si j'étais aussi mal dès qu'il y a une attaque à la bombe dans ce bas monde, je ne ferais pas long feu.
Donc oui, j'avoue, j'ai déploré la mort de tous ces gens (quand j'étais au courant) mais je ne les ai pas pleurés comme je pleurs aujourd'hui les victimes des attentats de vendredi, que je ne connais pourtant pas davantage. Parce que vendredi, les attentats, c'était tout près de chez moi.
C'est certainement répréhensible, mais qui oserait prétendre échapper à cette loi ? On est tous pareil.

Jamais mon quotidien n'avait été attaqué de façon aussi directe.
J'avais un copain au Bataclan qui s'en est sorti mais a vu des choses que je n'ose même pas imaginer, et j'ai des copains qui avaient des copains au Bataclan ou en terrasse et qui eux, malheureusement, y sont restés.
BB, qui habite à deux pas, a vu des gens couverts de sang courir sous ses fenêtres, puis des flics arriver de partout. Elle a vu l'explosion, comme une éclair dans le ciel.
Depuis, ma page Facebook ressemble à une rubrique nécrologique. Les gens enterrent leurs morts.
Ce soir-là, au Petit Cambodge, à la Terrasse de la Belle Equipe, c'aurait pu être n'importe lequel d'entre nous. C'était nous. Pas vendredi soir, mais d'habitude c'est nous. Mes collègues, mes amis, les amis de mes amis, les amis de mes collègues, les collègues de mes amis, leurs familles, les amis de leurs familles... On se rend compte au fur et à mesure des heures à quel point Paris est petit, à quel point on est effectivement tous liés à seulement quelques personnes d'intervalle, à quel point on avait tous des amis au Bataclan, à quel point on vit tous dans un mouchoir de poche. 
C'était très près et c'était très réel.

Le Bataclan, c'est là que je suis allée voir mon premier concert : c'était le concert de Suede le 22 novembre 1994. J'avais 13 ans. C'est aussi là que je suis allée voir mon deuxième concert : Oasis, le 20 avril 1995. J'avais toujours 13 ans. (Cette année de mes 13 ans, maintenant que j'y pense, c'était aussi l'année des premiers attentats islamistes à Paris). C'était juste après la sortie du Péril Jeune - à cette époque où on connaissait tous le film par coeur et où certains s'amusaient à répondre "14%, monsieur" à n'importe quel prof qui nous demandait de répéter ce qu'il venait de dire - et je me souviens que Romain Duris était arrivé à vélo devant la salle à la sortie du concert et que toutes les petites nanas avaient crié "Ah y a Thomasi !!!" et s'était jetées sur lui. D'ailleurs, à propos du Péril Jeune, cette image me semble de circonstance :

                                                        
C'était il y a 21 ans.
J'étais à peine pubère et je commençais déjà à traîner dans Paris et à fréquenter ces rues que je n'ai jamais quittées. Je ne m'attarderai pas sur les différentes histoires et anecdotes qui peuplent toutes ces rues et ces terrasses dans nos esprits à tous, ce que signifient pour moi et mes amis ces lieux où depuis des années on boit des coups, on rit, on pleure, on roule des pelles, on tombe amoureux, on se fait larguer, on danse, on chante, on se la raconte et on paye nos tournées... Je n'y passerai pas cent ans, vous voyez bien l'idée.
Et donc, comme Titiou Lecoq le disait ce matin (je suis sur ce post depuis samedi, mais je l'écris lentement : je le réécris, j'ai du mal à écrire, j'ai peur de dire des conneries, j'ai besoin de faire des pauses régulièrement pour m'aérer l'esprit), comme Titiou le disait elle-aussi ce matin, donc, j'ai beau n'avoir pas vécu les faits et n'avoir perdu aucun proche, je me sens très mal. Anormalement mal.
Et je m'interroge.
Est-ce que je réagis aussi violemment parce qu'on est à la mi-novembre et que je suis toujours plus sensible et déprimée à la mi-novembre ?
Est-ce que c'est parce que je passe trop d'heures par jour à lire les informations et que donc je me plombe le moral parce que ça me fait vivre les attentats et le deuil des proches de victimes par procuration ?
Est-ce que c'est parce que je suis une pauvre hystérique ?
Parce qu'il me semble que rien ne justifie que je me mette dans un état pareil : ça n'était pas moi.
Et pourtant ça fait aujourd'hui cinq jours que je ne suis bonne à rien, cinq jours que je ne pense qu'à ça, cinq jours que je suis mal et larmoyante.
Lundi matin, quand je suis arrivée devant mes élèves à 8h et que j'ai voulu commencer à parler, j'ai pleurniché. Ils se sont immédiatement tous attroupés autour de moi pour me demander, catastrophés, si j'avais perdu quelqu'un. Une heure plus tard, la classe suivante m'a encore posé la même question en voyant ma mine défaite : "Oh mince madame, vous avez perdu quelqu'un ?" A chaque fois, je leur ai fait la même réponse : Non. Non, je n'ai perdu personne.
Alors pourquoi est-ce que je pleurniche ?
Qu'est ce que c'est que ce cinéma ?

A côté de ça, Achille - le mec que je vois en ce moment - se sent coupable de ne pas ressentir davantage. A le sentiment d'être insensible.
J'imagine qu'aucune réaction ne semble appropriée.
Rien ne semble approprié.
D'ailleurs je ne suis même pas sûre que ce que je dis ici soit approprié. Que ce post soit approprié.
Je suis comme tout le monde. Je suis un petit peu larguée.

Le retour en classe a été difficile. On est tous arrivés lundi matin un peu tremblants, un peu sonnés.
La principale nous a accueillis en salle des profs à 7h30 et on a un peu parlé de ce qu'on allait dire et de ce qu'on allait faire pour la minute de silence mais c'était rapide, confus, on était tous un peu hagards, et inquiets pour un collègue qui pleurait doucement dans son coin.
Après ça, à 8h, on a été lâchés devant nos élèves sans trop de préparation digne de ce nom - comme en janvier - et avec pour consigne essentielle de les laisser s'exprimer parce qu'ils en auraient besoin.
Or, il s'est avéré très vite que les élèves allaient beaucoup mieux que nous.
Nous, on étaient comme des zombies à bafouiller et à se tordre les mains. Eux rigolaient entre eux comme n'importe quel autre jour. Sûrement parce que pour eux, ces lieux ne signifient rien. Ils ne s'identifiaient pas autant que nous. Ce n'était pas chez eux.
Pour la plupart d'entre eux, c'était un événement important, mais ça n'allait pas changer leur vie. (Sauf si bien sûr il fallait fermer tous les établissements de France ou du moins d'Ile de France pour les protéger, ce que certains se sont évidemment empressés de conseiller). Ils n'avaient pas l'air vraiment tristes ni vraiment effrayés, ils avaient surtout l'air de ne pas très bien comprendre.
Quand j'en ai parlé en classe, la grande majorité de mes élèves ont été extrêmement calmes, attentifs et respectueux. Parce que le sujet les intéressait, évidemment, mais aussi - et je l'ai réalisé avec stupéfaction - par respect pour moi. En effet, certains sont venus me voir à la fin de l'heure pour me dire que les quelques élèves qui avaient bavardé et parfois ri entre eux pendant le cours les avaient choqués parce que "C'est un manque de respect alors qu'on sent que c'est important pour vous".
Pour vous.
Pour eux, c'était choquant parce que c'était un manque de respect pour ma peine.
Ca m'a fait drôle.

Depuis lundi, donc, j'ai du mal à faire cours. Donc les deux premiers jours, j'ai parlé des attentats.
Je pensais qu'en parler avec eux mardi serait inutile parce qu'ils auraient déjà passé la journée de lundi à le faire mais il s'est vite avéré que très peu de profs avaient voulu en parler. Parce qu'ils ne se sentaient pas compétents ou ne voulaient pas alimenter la psychose et/ou redire ce que leurs collègues avaient certainement dit avant eux. Certains voulaient laisser ça derrière eux, reprendre une vie normale, avancer dans le programme.
Je les comprends. Chacun réagit différemment. Moi, clairement, j'étais incapable de faire cours.
Alors j'ai parlé avec les élèves. Longtemps. Et je leur ai demandé d'écrire des textes, en anglais ou en français, ou de faire des dessins. Parce que c'est plus facile de s'exprimer en privé que devant toute la classe, et parce qu'il faut un peu de temps pour pouvoir organiser sa pensée. Et puis à la fin de l'heure j'ai tout ramassé. Certains de leurs textes et images seront peut-être publiés dans le journal du lycée. On verra.
Je ne sais pas si ça leur a fait du bien. Certains, très clairement, n'étaient pas inspirés : "Mais vous voulez que je dise quoi ? Je dormais, moi, vendredi soir, j'étais pas au courant, et puis j'ai passé un week-end normal, quoi, ça va pas changer ma vie". D'autres l'étaient beaucoup plus et ont écrit des textes très émouvants et/ou ont fait de super dessins.
Je ne sais pas si ça leur a fait du bien mais ça m'a fait du bien à moi, ça c'est plus que certain. Ils ont écrit des trucs bateaux, corny, prévisibles, tout ce que vous voudrez... mais quand même, moi j'ai trouvé ça beau. (C'est peut-être parce que je suis en état de choc).

Voici quelques unes de leurs productions (j'espère qu'elles vous feront du bien aussi).

Des dessins, d'abord :

Lisa, 2nde.
Reda, 2nde.
Le dialogue, si vous n'arrivez pas à le lire :
Le terroriste : Je comprends pas. On n'a pas bu d'alcool, on n'a pas insulté Allah...
Le diable : Ni mangé de porc, petit...

Alan, 2nde.
Le diable dit aux terroristes : Vous vous attendiez à quoi ?


Lola, 2nde
Les terroristes cassent la Tour Eiffel en deux et les gens se portent les uns les autres et forment une pyramide pour la soulever et l'empêcher de tomber.
                          

Elia, 2nde
Un djihadiste lit le Coran à l'envers.
"Ne confondez pas ces personnes avec des musulmans".

Abdesalam, 2nde.

Encore Elia, 2nde.
"Ils ont essayé de nous enterrer.
Ils ne savaient pas que nous étions des graines".
Proverbe mexicain.

Puis des textes :

"(...) Je trouve que c'est bien d'en parler en cours, car c'est mieux d'en parler avec des professeurs que d'écouter les médias car ils ne disent pas la vérité, il ne faut pas les écouter. (...)"
Tristan, 2nde.
(C'est bien la première fois qu'un élève préfère m'écouter que de regarder la télé). 

"Les attentats de vendredi ont été un choc,
J'ai tout appris samedi matin, en bloc.
Il y a eu atteinte à la sécurité,
Il y a eu des morts et des blessés.
J'ai une amie qui était au stade,
Elle a été blessée, franchement, quelle rigolade...
Et pourtant aujourd'hui on généralise,
On ne parle que de Paris et pourtant on s'enlise.
Beaucoup veulent jouer au président,
Mais voyons la réalité en face, nous sommes encore enfants.
La violence résout à la fois tout et rien,
Est confondue la limite du mal et du bien,
Tout n'est ni tout blanc ni tout noir.
On ne cesse d'en parler, nous ne pouvons oublier,
Que notre capitale a été gravement touchée,
Et pourtant il faut garder espoir.
Nous ne devons pas abandonner, 
Un jour reviendra la paix,
Cette troisième guerre mondiale ne fait que commencer,
Alors restons forts, pour toujours et à jamais".
Florence, 2nde.

"Le vendredi treize est un calvaire.
Un bruit troublant et attaquant sème la misère.
Quinze, trente, puis cent-vingt morts.
Pourquoi tous ces corps ?
Ces assassins ont eu tort.
Nos coeurs qui saignent de douleur
Nous appellent à la rancoeur,
Ce n'était point l'heure de ces personnes,
O quel malheur.
France, ma triste France.
Assemblons nous pour la résistance, 
Et nous vaincrons par notre persévérance".  
Elodie, 2nde.

"Ce samedi une tragédie s'est produit
Des milliers de français en deuil
Ce jour-là des personnes mal intentionnées ôtaient des vies
Durant cette saison où le sol était couvert de feuilles"
Signé : Farès de la Fontaine.
Farès, 2nde.

"(...) Je me demande énormément de choses. Mes questions n'ont pas toujours de réponses mais cet événement fait prendre conscience selon moi de la chance qu'on a d'être à [ville de banlieue où se trouve mon lycée]. Au milieu de tant de différences, de cultures et en même temps de beaucoup de points communs. Et cette beauté là je suis persuadée qu'aucun terroriste ne peut nous l'enlever. (...)"
Pénélope, 2nde.

Evidemment, il y a certains élèves qui ne se sentaient pas concernés et semblaient simplement excités par le côté fait divers sanglant, mais dans leur immense majorité ils ont été très bien. Je redoutais les cours de lundi mais ça n'avait rien à voir avec janvier. Il n'y avait plus un seul élève pour me dire que les victimes l'avaient cherché ou qu'on les avait tuées pour défendre l'honneur de l'Islam et des musulmans. Et puis je suis en lycée, et mes élèves sont plus mûrs. Nettement plus mûrs. Mes collégiens ne faisaient pas bien la différence entre réalité et film d'action et avaient les yeux qui brillaient dès qu'il était question de flingues, de morts et de sang. En lycée, c'est différent.
Evidemment, tout n'a pas été parfait. Comme quand j'ai parlé du fait qu'une photo de la boucherie du Bataclan avait été publiée et republiée sur internet mais qu'il était désormais officiellement interdit de la publier dans la presse et que Facebook s'appliquait à l'effacer dès qu'elle apparaissait : 1) plusieurs élèves à moi se sont immédiatement exclamés qu'ils l'avaient vue, voire partagée, comme si c'était normal, 2) l'une d'entre eux s'est écriée "Ah madame vous l'avez pas vue ?!" (un peu sur le même ton que prenaient mes collégiens l'année dernière quand je leur disais que j'avais pas la télé) avant de me fourrer son portable sous le nez. Avec la photo. Cette fameuse photo d'abattoir que je ne veux pas voir. J'ai heureusement détourné les yeux suffisamment vite pour ne rien distinguer de précis. Sa réaction : "Mais madame c'est de l'information !"... Crétine.
Cela dit, dans l'ensemble, tout s'est très bien passé : aller au lycée et parler à mes élèves m'a fait du bien. Rien à voir avec janvier dernier, où mes échanges avec mes collégiens avaient simplement achevé de me plomber. A l'époque, en écoutant mes élèves, j'avais parfois eu l'impression que le monde s'écroulait sous mes pieds... J'y avais peut-être été plus utile que je ne l'ai été ces derniers jours, mais ça avait été dur. Très dur. Ces jours-ci, au contraire, les réactions de mes élèves m'ont plutôt portée. M'ont rassurée. M'ont apaisée. Et ça, c'est énorme.

Ce qui m'a apaisée aussi, ce sont les différentes choses que j'ai lues sur le net et qui, entre deux articles et émissions de radio, m'ont fait rire.


D'abord évidemment la vidéo de John Oliver, que tout le monde a vue, et que j'ai moi-même regardée une vingtaine de fois samedi après-midi, en boucle, tellement je la trouvais cathartique :




Et puis il y a eu ces tweets :

Flash: Les agences de notations dégradent la note du monde qui passe ainsi de "monde de merde" à "monde de merde de merde".

On devrait prêter Guéant et Balkany à Daesh. Dans 6 mois les caisses sont vides.

Surtout n'avertissez pas Morano que la minute de silence est terminée !

Dans son communiqué, Daech appelle Paris "la capitale des abominations et de la perversion". La flatterie ne les mènera nulle part.

Moi je dis faut envoyer Pascal le grand frère en Syrie : un parcours d'accrobranche et c'est réglé.

Si boire des coups, aller au concert ou au match, ça devient un combat alors tremblez, terroristes! Parce qu'ON EST SURENTRAÎNÉS !!!

Et ma préférée :

Toi le touriste qui tente de profiter de l'état d'urgence pour rester à gauche dans les Escalators, sache que les parisiens ne lâchent rien. 

Bref, la vie reprend.




On est encore sous le choc, on est encore fébriles, et ceux qui ont perdu quelqu'un vont évidemment souffrir encore pendant un long moment quand déjà les autres auront repris leurs esprits, mais -  doucement mais sûrement - tous, on retourne au boulot, on reprend le métro, on retourne boire des coups. On recommence même à faire des blagues ("Celui qui s'est fait exploser tout seul au stade de France, ça devait être un belge").
On réinvestit la ville.
Petit à petit, on va finir par réussir à parler d'autre chose. On va recommencer à lire des livres, à regarder des films et des séries, et bientôt, plus vite qu'on ne le croit, on recommencera à sortir faire la fête sans avoir le sentiment que la moindre gorgée d'alcool et la moindre chanson sont un cadeau de ciel et un hymne à la vie.
On va de nouveau oublier la chance qu'on a d'être encore là, et la chance qu'on a d'avoir nos amis à nos côtés. On va recommencer à se plaindre de devoir aller bosser demain, d'avoir froid, d'avoir mauvaise mine et d'être trop pauvre pour pouvoir se payer un week-end au ski. On va recommencer à faire chier nos parents comme s'ils étaient éternels. Bref, on va recommencer à vivre sans y penser.
Et c'est bien. C'est comme ça que ça doit être.
On va redevenir des petits cons pourri-gâtés. Ces privilégiés qui sortent le soir pour s'éclater, boire, rire, chanter et danser avec leurs amis, en public, en sécurité et en toute liberté, et ce sans même être reconnaissants, et même on se permettra de ronchonner, parce qu'il fera moche, qu'on aura mal aux pieds dans nos nouvelles pompes et que vas-y fait chier il/elle nous aura toujours pas rappelé(e) - chienne de vie. Et puis très vite les autres pays du monde vont recommencer à nous trouver aussi imbuvables que les vins qui ne viennent pas de chez nous. Les choses vont rentrer dans l'ordre.
Vous verrez : ce sera chouette.
Vivement.




PS : Je m'excuse si vous trouvez cette reprise tellement nulle qu'elle vous fait perdre tout espoir en l'avenir de la France - voire de l'humanité. (Moi je l'aime bien. Je la trouve euphorisante).

Si vous préférez, je finis avec la lettre à Daesh de Simon Casteran. Parce qu'elle est bien.

dimanche 15 novembre 2015

Je vais bien. J'espère que vous aussi.

Juste un mot pour dire que je vais bien.
Je suis sous le choc, très secouée, et absolument effondrée pour toutes les victimes et ceux qu'ils laissent endeuillés, je connais des gens qui ont perdu des proches et dont je partage la douleur, je suis malade de savoir que tant de vies ont été brisées, mais dieu soit loué je n'ai perdu personne, les gens que j'aime vont bien, et je remercie le ciel chaque seconde de m'avoir épargnée une aussi grande douleur.
Je redoute un peu la rentrée demain, la discussion avec les classes, la douleur en salle des profs de mes quelques collègues qui ont perdu un être cher. J'écrirai un post un peu plus tard pour parler de tout ça plus longuement.
Bonne nuit à tous. 


jeudi 5 novembre 2015

Bang bang shoot shoot.


Chers lecteurs, vous l'aurez compris : j'attends un coup de téléphone.
C'est ce qu'illustre la photo ci-dessus.
Oui, je vous le confirme, c'est une photo en sépia prise au début du siècle dernier, mais c'est que, voyez-vous, j'attends depuis très longtemps (un peu comme vous pour ce nouveau post).
D'ailleurs, pour être honnête, j'aurais plutôt dû publier ça :

 

Mais, comme j'ai une once de dignité, je ne vais pas le faire. (Ah c'est trop tard ? Ah bon ben tant pis alors, hein. Au point où j'en suis de toute façon...).

J'attends un signe d'un homme, donc. Ou plutôt, je n'attends plus.
Parce qu'en fait ça y est, il m'a écrit.
Un message qui se trouve là, dans la messagerie de mon portable, au moment où je vous parle.
Un message où il me dit de ne plus attendre. 

Enfin, encore une fois, pour être honnête, je me dois de rectifier : la vérité est que je ne l'ai pas lu. 
Je l'ai reçu il y a trois heures, et depuis je fuis mon portable comme la peste. 
Je pense d'ailleurs que, jusqu'à nouvel ordre, je ne communiquerai plus que via internet. 
Parce que si je touche mon portable, je risque de tomber par inadvertance sur le début de son message. Or, je ne veux pas le lire. Non non non non non. 


Marilyn me somme de l'ouvrir sur le champ (alors que je suis dans un studio à Paris, donc ça va être difficile). Elle me dit qu'à ma place elle se serait jetée dessus et que rester là à imaginer le pire au lieu de faire face à la vérité, si sombre soit-elle, n'est pas la solution. Sauf que voyez vous, j'ai un instinct de survie très développé. Je fais l'autruche, donc. (L'autruche a une espérance de vie de 70 ans). (Dois-je par ailleurs rappeler à votre mémoire cet ouvrage plein de sagesse appelé L'Eloge de la Fuite d'Henri Laborit ?).


Mais revenons au tout début et à comment j'ai rencontré Lazare. 
(Non, il ne s'appelle pas vraiment Lazare. Mais son prénom est tout aussi improbable, croyez-moi). 

J'ai rencontré Lazare (39 ans) (si) sur OkCupid.
Il m'a d'abord contactée en juin dernier, et nous avons longuement débattu par écrit et tenté de déterminer la réponse à plusieurs questions de la plus haute importance, comme par exemple :
1) de Kazan, Mankiewicz ou Hitchcock, lequel fait le plus de points au Scrabble ?
2) si le Velvet et les Pixies s'étaient unis, leur meilleur morceau se serait-il appelé "I'm waiting for my mind", "This monkey's gone to the wild side"' ou "Cactus in furs" ?,
3) si Visconti avait réalisé un blockbuster, se serait-il appelé "Mort-vivant à Venise" ?
Bref, nous avons refait le monde. 
En vérité je vous le dis, ces sites de rencontre sont de véritables think tanks.
Il m'a également fait découvrir cette vidéo fantastique, que je comptais vous garder pour Noël mais soyons fous : The Auteurs of Christmas.
Malheureusement, quand Lazare m'a proposé qu'on se rencontre, j'ai dit non. Parce que je venais de revoir Quentin et que je pensais qu'on commençait un truc (ce qui était le cas, sauf qu'on a atteint la fin avant même d'avoir atteint le milieu). 
En août, voyant que j'étais de nouveau connectée sur le site, Lazare m'a recontactée. Sur le coup j'ai hésité, puis j'ai dit oui mais il n'était pas dispo avant trois semaines, et puis... on s'est enfin rencontrés en fin septembre-début octobre, à peu près quatre mois après notre premier échange.
On s'est retrouvés dans un café. On a pris l'apéro. On a parlé à bâtons rompus jusqu'à l'heure du dîner. Puis on est allés au restau. On a pris une bouteille, on est restés là à parler jusqu'à la fermeture du restau (ils étaient en train de mettre les chaises sur les tables). Il a insisté pour m'inviter (tu ne payes pas une addition de 100 euros pour une fille qui ne te plaît pas, si ?)(Qui a dit "A moins d'avoir très envie de la sauter" ?), puis au lieu de se dire au revoir on a cherché un bar encore ouvert dans le quartier, et on a bu trois derniers verres sur la banquette du bar, où il m'a embrassée. 
Tout allait pour le mieux. On s'entendait bien, on se plaisait, on passait une excellente soirée. Tout guillerets, on a fini par quitter le bar. De là, il a pris son vélo à la main, il m'a raccompagnée chez moi à pied, il m'a de nouveau embrassée dans la rue et puis... (wait for it)... j'ai vomi. 


Oui, vous avez bien lu. 
J'ai vomi. #glamour #laclasseinternationale #femmefatalepourvousservir.
En pleine rue, là, à deux centimètres de ses Stan Smith blanches.
(C'est mon petit côté Jessica Rabbit).

Je propose donc que vous lisiez la suite de ce post avec cette chanson en bande son. Ou celle-là


(Les trois derniers verres étaient de trop, donc). 
(Et moi qui, dans mon dernier post, me moquais du mec bourré qui me parlait de mes petits seins). 

Lazare, gentleman, a été adorable. Très galant.
Il est monté avec moi, et il m'a mise au lit (avec mes vêtements) et il est resté là à côté de moi tout habillé à me tenir dans ses bras jusqu'à 5h du mat'. Puis à un moment je me suis levée pour aller boire de l'eau, il m'a demandé si je me sentais mieux, j'ai dit que oui, et il m'a dit que dans ce cas il allait y aller. Parce qu'il n'était pas censé monter au départ, qu'on était tout habillés, que ça n'était pas censé se passer comme ça, que c'était mieux qu'il parte. J'ai dit ok (probablement d'une voix lente avant de me mettre à ronfler) et il est parti en me disant "See you soon". Après quoi j'ai sombré dans un sommeil profond et pu oublier la sombre vérité avant de me réveiller enfin et de... me souvenir. 


Je me suis réveillée mortifiée et accablée du mal de crâne le plus abominable de mon existence. 
J'ai regardé autour de moi : je l'avais accueilli dans un studio dévasté et dans un lit sans drap, taie d'oreiller ou housse de couette (qui étaient en train de sécher en plein milieu de la pièce, à côté d'un bordel innommable et d'un carton plein de trucs à recycler que je n'avais pas encore descendu). (Est-il nécessaire de préciser que je n'avais pas prévu de le faire monter ?).
Bref, j'ai cru mourir de honte.

J'ai écrit pour m'excuser et dire que j'étais mortifiée.
Il a répondu que ce n'était pas grave mais qu'il avouait qu'il allait avoir besoin d'un peu de temps pour nous relancer... Hum.
J'ai attendu deux semaines, vaillamment. Rien.
J'ai fini par le recontacter, et il m'a gentiment fait comprendre qu'il n'avait (en dépit du bon sens le plus élémentaire) (la dernière parenthèse est de moi) pas envie qu'on se revoie. (Mais que ça n'avait rien à voir avec moi, qu'il avait juste trop de travail et envie d'arrêter les sites de rencontre qui ne donnaient jamais rien, et puis que sa grand-tante était morte et que son chien avait mangé sa copie).
J'ai dit ok.
Puis, une semaine après, comme j'avais trop les boules, j'ai renvoyé un message pour lui dire que c'était quand même bien dommage et que si jamais il changeait d'avis, je n'oubliais pas que je lui devais un restau. 
Il a attendu une semaine de plus avant de me répondre pour dire qu'il gardait mon numéro mais qu'il n'était "qu'à moitié convaincu que ça soit une bonne idée qu'on se revoie"...
...


Bref, si jamais vous ne comprenez toujours pas, laissez moi vous éclairer par l'image :
Les vingt premières secondes de cette vidéo résument assez bien la situation. 
(Même si je vous le confirme, les coups du gros sumo suggèrent un coït qui, je vous le rappelle, n'a pas eu lieu - sigh). (De plus, Lazare était habillé et, contrairement au sumo, tout à fait girond) (Et aussi, il n'y avait pas d'éléphant) (Par contre, rien à redire sur le personnage de Chun-Li : c'est tout à fait moi) (J'ai d'ailleurs émis exactement le même son en recevant son dernier message). 
Retenons par ailleurs que la vidéo est d'autant plus parlante que, comme Chun-Li dans ces vingt secondes, je me suis fait laminer dès le début et pourtant je suis revenue à la charge trois fois
D'abord pour lui proposer qu'on se revoie.
Il a dit non.
Puis pour lui dire que "ouais ok mais quand même ce serait cool qu'on se revoie".
Il a dit - je traduis le message sous-jacent : écoute poulette t'es mignonne mais non.
Et puis une dernière fois, encore une semaine plus tard (hier), pour lui demander comment diable ça se faisait qu'il ne veuille pas me revoir alors que certes j'avais dégueulé à ses pieds (sexy bitch que je suis) mais qu'avant ça c'était top et que donc merde, z'y-vas, ouin. 


Il m'a répondu tout à l'heure.
Mais je pense que plutôt que de lire sa réponse, je vais racheter un nouveau portable.
Ca me semble plus sage. Non ?  


Bref, je vais laisser cette sombre histoire derrière moi et m'atteler à la faire sombrer dans l'oubli le plus total, comme il se doit. (Ah je viens d'en parler publiquement sur internet ? Ah bon ben tant pis alors, hein. Au point où j'en suis de toute façon...).

jeudi 17 septembre 2015

Okcupid, des partouzes, des chats, et un vilain con.



Petit aperçu des messages qu'une fille (moi, en l'occurrence) reçoit sur OkCupid au jour le jour :
(je les ai copiés-collés tels quels)

(Oui, je suis très branchée gif animé en ce moment)

43 ans, Paris :
"Bonjour, Je crois que nous avons quelques points communs (la cinéphilie, la lecture, et l'athéisme entre autres...)"
Wow. Vous êtes vous aussi un français athée qui aime lire et regarder des films ? Grands Dieux. Vous avez raison, tous ces points communs, c'est... uncanny.

23 ans, Agadir (true story) :
"QUELL SON LES PLUS mechant peuple dans le monde"
Diantre.  

Un mec de 28 ans aux Etats-Unis :  
"hi, you look gorgeous. I am working as fitness trainer, i am here for making friends around the globe to know them, their thoughts, their culture. i love to make people happy to make this world more peaceful."
Sa photo de profil était un selfie de ses carrés de chocolat.
J'ai ri.

28 ans, Paris :
"Votre vue me trouble au point de me faire défaillir sur cette ligne qui me sépare de vous comme d'un espace sacré, tel un croyant trop insistant devant une madone trop sensuelle."
Euh... Ah ?

Message du mec qui m'a envoyé la vidéo du chien qui léchait l'écran il y a deux mois (je ne lui ai jamais répondu mais il ne se démonte pas) : "https://www.youtube.com/watch?v=NlMzlXZRXdA"

29 ans, Paris :
"Salut ça va ? Aimerais tu que je sois tout a toi pour répondre au moindre de tes désirs ? Tu pourrais faire de moi ce que tu veux : m humilier me faire lécher tes pieds me diriger ou plus.. Ou me demander d être plus directif... Seule ou avec tes amies... Intéressée ?"
Non. Mais merci de proposer.

29 ans, Paris :
"Dear [censuré], 
When will you grow up and find a man?
Lovely mom
Xoxo
"
Le message d'accroche what the fuck.

35 ans, Texas :
"Je t'aime".
Ah ? Cool.

34 ans, Dubaï :
(business man en costard, gourmette, portable à l'oreille)
"hi. you are so BEAUTIFUL. i will VISIT paris in september ..i was wondering if you like to have dinner with me and get to know each other, i'm sure we will get along very well and i can add so much HAPPINESS and pleasure to your life."
No comment.

40 ans, Paris :
"Salut! Nous sommes deux amis d enfance derriere ce profil ... Nous trouvons le tiens intéressant ... Est ce que ca te dit de discuter un peu avec nous? Nous recherchons une copine pour déjeuner avec elle de tp en tp le midi (nous sommes en couple chacun de son cote)"  
??

32 ans, Paris :
"Je suis soumis".

28 ans, Paris :
"Salut, 
Ta description n'est pas très claire. Impossible de deviner si tu aimes la bière ou pas. J'imagine que tu as peu de succès en cachant cette information capitale. Alors si tu veux que cette conversation se poursuive, il va falloir te mettre à table."
Huhu. (Celui-là, je lui ai répondu).

40 ans, Paris :
"Tu m'as l'air d'être une personne sensée. Du coup tu as peut-être la réponse à ma question : d'après toi, qui est le plus fort, Babar ou Goldorak ?"
Oh. My.
(Je n'ai pas répondu. Il va sans dire que je refuse de débattre avec quiconque remettrait en question l'hégémonie de Babar) (Non mais oh).

40 ans, Paris 16ème :
"Bonjour j'organise un diner à la maison ce soir. Au menu champagne et homard. Êtes vous disponible ? Vous pouvez venir avec une amie..."
Eurk. Crade.

35 ans, Paris :
"Bonjour. Je ne suis pas très doué pour les premiers messages. Tu vas souvent au ciné ?"
(Pas très doué, chouchou, en effet).

Pas d'âge, pas de ville, bref pas d'info :
"Gros seins ?"

29 ans, Vanves :
"Tu serais mieux sans vêtements". (Romance).
Puis, 24h plus tard :
"C'est ça, ignore moi et reste célibataire, connasse".
(...).

28 ans, Paris :
"Jolie robe. Si on avait rendez-vous, qu'est ce que tu porterais ?"
Euh... un oozie ?
(Je ne porte pas de robe sur mes photos).
C'était la deuxième fois qu'il m'envoyait ce message. Les mecs qui envoient des copier-coller oublient souvent à qui ils ont écrit, donc ils te renvoient le même chose plusieurs fois.
Si j'avais été sympa, je lui aurais répondu ne serait-ce que pour lui signaler à quel point sa phrase d'accroche était minable - mais en même temps je ne pense pas que je rendrais service à la gent féminine en permettant à ce mec de parvenir à séduire qui que ce soit. 

36 ans, Paris :
"Tu es très belle. Dommage que tu ne cherches que des hommes célibataires..."

Et je m'arrête sur celui-là :
Il y a un nombre terrifiant de mecs en couple sur ce site.
Des mecs qui ne disent rien sur leur page à part qu'ils n'ont pas mis leur vraie photo parce qu'ils ne sont pas célibataires mais qu'ils sont prêts à sortir de l'anonymat et à envoyer des photos d'eux en privé à quiconque serait intéressée. 
(Et vous croyez que de vraies femmes vont vous écrire ? Mais vous vivez dans quel monde ?). 
Par ailleurs, j'ai envie de leur dire qu'il y a des sites pour ça.
J'ai également envie de le dire aux mecs qui sont à la recherche d'une partie fine avec une ou plusieurs femmes. 
Car oui, il existe des sites spécifiques pour les libertins qui cherchent des plans cul particulièrement olé olé et - à priori - OkCupid n'en fait pas partie.


En effet, grâce à ma douce amie BB, j'ai pu entendre parler de netechangisme, le Airbnb du sexe. 
(Oui : BB n'a pas cessé de coucher avec le sexe opposé. Simplement, maintenant, elle le fait avec sa femme) (Oui, je sais, BB est le rêve éveillé de tous les hommes). 
Je ne suis pas allée sur le site à proprement parler, mais on m'a raconté :
Netechangisme, comme je disais, c'est le Airbnb du sexe. Tu te présentes, tu dis ce que tu cherches, et tu trouves un ou des partenaires pour réaliser tes rêves les plus fous. Ensuite, après chaque échange, comme sur Airbnb, les personnes avec qui tu as couché laissent un commentaire à ton sujet : "Marko a été fantastique. Il s'est très bien occupé de nous quatre" ou encore "Rocco m'a beaucoup fait jouir. Mon mari le remercie. On en redemande". Il y a donc des gens dont la vie sexuelle se résume à des parties fines à plusieurs avec des inconnus (Marko avait beaucoup beaucoup de commentaires). (Marko est un homme occupé. Et endurant).
BB me racontait qu'en se baladant sur le site elle était aussi tombée sur l'annonce d'une jeune fille qui expliquait qu'elle était à la recherche d'hommes pour organiser une petite partouze avec ses amies à l'occasion de ses 19 ans. (Diantre). Maintenant la question est : s'agit-il d'un fake ? (Tous les mecs avec qui j'en parle me disent en effet qu'il y a un nombre terrifiant de faux profils de femmes sur les sites de rencontre. Et les derniers événements à propos de ce fameux site de rencontre américain dont j'ai oublié le nom (celui qui a été hacké) le confirment : apparemment, il n'y avait pas un seul profil de femme authentique).

Bref, les gens ont vraiment une sexualité fort débridée. 
Prude que je suis, j'en apprends tous les jours.


Mais bon, je suis un cas particulier.
En effet, l'autre jour, BB m'a fait passer le test Griffor ou "test de pureté" sur internet.
Le maximum de points est 450. Elle était à 270.
Moi, j'ai eu... 115 points.
Hum.


Le même jour, j'expliquais aux copains que je devais rencontrer un mec d'OKCupid mais que j'étais un peu perturbée parce qu'à la réponse "Y a t-il une photo de vous nu(e) sur internet ?", il avait coché la réponse "Oui, mais on ne voit pas mon visage", ce qui sous-entendait qu'il était sur un de ces sites (où les gens publient des photos de leur corps uniquement, donc).
Charlie : Oh, ça va, on a tous des profils sur ce genre de site !
Euh... Ah ?
(Parce que moi, à part sur okCupid, ma seule photo de profil c'est sur Facebook et c'est une image de Martine au zoo..).



Mais revenons-en à Okcupid, justement, ce site où on ne trouve pas de DonQuiChoppe ou de J'EmballeJean (ils sont sur Adopte) (que j'ai quitté) (quelle déprime, ce site), mais tout de même quelques beaux spécimens de pseudos comme... wait for it... Bootycelli. (Pas mal). 
Je crois que je commence à avoir fait le tour du site, mais ça reste intéressant de lire les réponses aux questions des gens. 
Par exemple, j'ai pu noter que tous les mecs avaient répondu "oui" à la question "Avez vous déjà simulé ?", ce qui est quand même assez frappant. (Même si oui, je sais, on a déjà eu cette conversation).
Ils ont aussi tous répondu que leur sex-drive était "higher than average", ce qui m'a fait bien rigoler parce que, les mecs, si vous avez TOUS une libido supérieure à la normale, alors vous êtes la norme. Right ? (Ca m'a fait penser à cette fameuse scène dans l'Age des Possibles où une fille va à la pharmacie pour s'acheter des tampons et constate que, comme d'habitude, les tampons Super qu'elle veut acheter sont épuisés. Elle se fait alors cette réflexion : si la majorité des femmes utilisent des Super, ces derniers ne devraient-ils pas s'appeler des Normal (qui sont, en dépit de leur nom, moins prisés, et jamais épuisés) ? Conclusion : il s'agit d'un truc marketing, et il est donc vraisemblablement plus valorisant pour une femme d'avoir des règles abondantes. CQFD). 
Les membres mâles du site répondent également quasiment tous que oui, ils ont déjà couché avec une fille dans les 60 minutes après l'avoir rencontrée pour la première fois. (Bref, ils font les kékés).
Et là, permettez moi de réagir : dans l'heure ?!
Est-ce qu'ils mentent ou est ce qu'il y a réellement beaucoup de gens qui, souvent, 1) se donnent rendez-vous uniquement pour baiser et donc passent à l'acte sans même prendre un petit café avant, ou 2) baisent sur place, là, dans les bars ou les boîtes, juste après s'être vaguement rencontrés ?
Certes, je suis rentrée avec Virgile ou Raphaël le soir-même mais j'ai attendu... trois heures, quoi.
(Ou comment différencier une femme facile d'une midinette de nos jours : la midinette attend deux heures de plus avant de coucher. CQFD bis).

Je me demande vraiment ce que les filles répondent.
Il faudrait que je me fasse un profil de mec, juste pour aller voir.
Le seul aperçu que j'ai des profils de filles pour l'instant, je l'ai en tant que modératrice. 
Car oui : Okcupid m'a promue modératrice du site, ce qui veut dire que je suis invitée à voter pour savoir quoi faire des photos signalées par les membres. Et là, vous allez me dire : "Tu dois voter pour effacer les photos de cul, c'est ça ?" Eh bien pas tant que ça. Croyez-le ou non, les photos dont les membres se plaignent le plus sont des photos... de chats. Il y en a beaucoup beaucoup. Ce qui, notez-bien, ne veut pas forcément dire qu'il y a davantage de photos de chats que de photos de cul sur ce site (l'éternel combat sur internet : du sexe ou du chat, qui l'emportera ?) mais simplement que les utilisateurs se plaignent davantage des premières que des deuxièmes. (J'ai vu quelques photos de bites et quelques photos de seins, mais franchement, surtout des photos de chats).

(rhoooo)

Il y a beaucoup de fakes, aussi. De photos dont les membres mâles se plaignent qu'elles ne sont pas des photos de l'utilisatrice mais des photos de bimbos (souvent des actrices porno) facilement retrouvables sur Google Images. Ca, il y en a une quantité folle. Et je veux bien les effacer, mais j'aurais tendance à penser que si un mec est suffisamment naïf pour croire que ces profils sont authentiques, alors il mérite ce qui lui arrive. La grande question maintenant c'est : qu'est ce qu'il lui arrive ? qui se cache derrière ces profils ? Plus j'y pense plus je me dis que je vais me créer un compte d'homme pour aller enquêter.
Autre chose que je sais à propos des profils de filles : elles sont plusieurs à se dire "sapiosexuelles". ("Sapiosexuelle" veut dire "qui est attirée par le cerveau"). (Mais en vrai, ça veut surtout dire qu'elles ont pas eu le brevet) (BB : "En psychanalyse, on appelle ça le syndrome de la blonde stupide").
J'ai appris ça quand j'ai lu le profil d'un garçon qui se moquait d'elles en disant : "I'm sapiosexual too. Too bad, with all the booty around". (Ca m'a fait rire).

Mais cessons de tergiverser et passons au sujet qui nous intéresse : mon date désastreux avec un homme qu'on appellera Joe Dalton. Parce qu'il était brun, petit et détestable. (Quoique Joe Dalton est malin. D'où l'inadéquation du pseudo).
Ou comment j'ai été boire un verre avec un mec avec qui j'avais très peu parlé et dont je soupçonnais déjà qu'il n'avait pas inventé l'eau chaude, par bêtise et désoeuvrement.
On s'est retrouvés au métro. En chemin entre le métro et le bar, il a annoncé la couleur (ou comment émoustiller une fille en deux phrases) en me disant qu'il habitait "dans un taudis" ("Tu vois l'appart' où vivent Edward Norton et Brad Pitt dans Fight Club ? Là où ils font du savon ? Ben c'est chez moi"). Voilà qui vous pose un homme. (Un mec qui sait se vendre, donc). Quand je lui ai fait remarquer que c'était pas très vendeur, il m'a dit que "Ben autant que tu sois prévenue !". Donc il envisageait ouvertement de m'y ramener. J'étais là depuis deux minutes. Hmm.
Pendant les deux heures qui ont suivi (j'ai menacé de partir dans la première demi-heure, mais il m'a suppliée de rester, alors je suis restée pendant deux heures, fascinée comme un lapin pris dans les phares d'une voiture, avant de finir quand même par le planter en pleine conversation, parce que bon, y a des limites), il s'est passé ça :

1) il a comparé le port du voile au fait de porter un costume de Star Trek ("Non mais n'importe quoi :  les filles elles veulent aller à l'école avec un voile. Non mais on va à l'école habillé normalement, quoi. Est-ce que les mecs ils vont à l'école habillés en Star Trek ?!!").


2) il m'a demandé si je n'étais pas trop déçue par son physique. J'ai répondu poliment que non, que je l'avais vu sur les photos. (Ce qui me décevait, c'était pas son physique - mais ça je ne le lui ai pas dit, je suis une fille polie). Pour remédier à ma non déception, il m'a alors montré ses bourrelets et ses poils dans le dos ("Oui mais sur les photos t'as vu que mon visage ! T'as pas vu ça !").

3) il m'a raconté que sa mère avait fait une tentative de suicide. Pourquoi ? Parce qu'elle allait très mal et que, dans sa grande sagesse, il lui avait dit d'arrêter les anti-dépresseurs (et elle l'a écouté, cette cruche !) parce qu'il pensait que les anti-dépresseurs c'était mal parce que 1) ça te rendait heureux artificiellement et que 2) il avait lu quelque part que c'était mauvais pour la mémoire. (...)
Mon dieu... (J'étais atterrée) (Et furieuse).

4) il m'a raconté que sa mère était en HP, donc, et a ajouté que son beau-père était mort et puis son père biologique aussi, parce qu'il avait voulu sauter dans la piscine du deuxième étage et qu'il avait loupé la piscine (!), avant de me dire assez agressivement qu'il ne voyait pas le problème de me raconter tout ça dès la première heure, qu'il n'avait aucun problème à parler de tout ça, que ça ne lui faisait ni chaud ni froid, que si je ne pouvais pas parler de mes propres tragédies familiales c'était que j'avais un problème et qu'au moins "ça nous fai[sai]t un sujet de conversation".


5) il m'a regardée manger (c'était l'heure du dîner, j'étais affamée) en enchaînant les pintes et a vite perdu toute inhibition (s'il en avait au départ).


6) il s'est étonné que je sois sur le site : "Mais qu'est ce que tu fais sur ce site ? Parce que... ben... t'es mince ! Sur ce site y a que des grosses" (...) avant de développer et de me dire qu'il n'aimait pas les grosses : "C'est à la mode d'aimer les grosses mais moi j'aime pas, les grosses c'est moche, elles ont les seins qui tombent". (La classe internationale).

7) Il a ajouté qu'en ce moment il couchait "avec une grosse" et qu'elle était très amoureuse de lui mais que lui n'avait pas envie de lui faire des câlins après l'amour parce qu'il n'était pas attiré par son corps. (J'étais sans voix). Interdite, je lui ai poliment fait remarquer que peut-être il ne voulait pas lui faire de câlins parce qu'il n'était pas très attaché à elle, tout simplement, ce à quoi il a protesté d'une voix fortement alcoolisée :
"Mais je suis amoureux de son cerveau, tu vois !".
(Ah). (Et elle du tien ? Ben vous vous méritez, alors).

8) De plus en plus bourré, il a enchaîné en me disant (d'une voix de plus en plus zombiesque) qu'il adoooorait mes petits seins (qui ne tombaient pas, donc) et qu'il était prêt à les zoooonooorer jusqu'au bout de la nuit. Il l'a répété une bonne dizaine de fois. En mode "J'adoooore tes petits seins ! Attends je vais pisser... (de retour) qu'est ce que je disais ? ah oui : j'adoooore tes petits seins. Parce que j'aime pas les grosses, tu vois, elles ont les seins qui tombent, mais toi j'adoooore tes petits seins". (C'était comme de regarder un accident de voiture).


9) Il a dit des choses stupides et désobligeantes à propos d'un membre de ma famille. Ca, ça a été la goutte d'eau, je me suis levée et je suis partie. (J'aurais pu partir avant, bien sûr, mais il n'avait pas été à proprement parler désagréable avec moi avant ça, et puis je ne regrette rien, c'était un peu comme de regarder Striptease). Et non (la question que tout le monde se pose), je ne lui ai pas balancé ma pinte à la gueule en partant. (C'eut été gâcher). Je l'ai finie cul-sec (je méritais bien ça) et je suis enfin partie. Voilà...

Conclusion : mes petits padawans, n'allez pas boire des verres avec n'importe qui.
Méfiez vous.
Jon Snow, par exemple, aussi sexy soit-il, ne sait lui non plus pas se comporter en société :


*****

Bref, voilà pour mes récentes aventures OkCupid.
Dans le prochain épisode, je vous raconterai ma rentrée.
D'ici là, je vous envoie plein de bisous pailletés.
Et aussi le lien vers une série de Chinese traduction fails, parce que c'est rigolo.
(Vous remarquerez d'ailleurs que les fails de traduction commencent dès le titre, vu qu'en anglais on dit translation - sans vouloir faire ma prof relou). 

jeudi 30 juillet 2015

La Réforme du Collège (en très long)

Deux élèves à moi, en 6ème, à la fin de l'année scolaire :
- T'as reçu ton bulletin du troisième trimestre, toi, ça y est ?
- Ouais... Mais heureusement c'est le ramadan, donc ils peuvent pas me crier dessus.


 Il fallait que j'en parle, quand même.
Ca va être long, je vous préviens.
Très long.
Je m'en excuse d'avance.


Le Ministère de l'Education Nationale compte réformer le collège à la rentrée 2017, donc. Or, comme beaucoup de professeurs, je m'oppose très fort à cette réforme avec mes petits points serrés levés vers le ciel.


Lendemain de la première journée de grève, discussion en classe avec mes 5ème :
Moi : Vous savez pourquoi j'étais absente, hier ?
Un élève : Parce qu'il y avait la grève, c'est ça ?
Moi : Voilà. C'est ça. Moi et mes collègues on était nombreux à être absents hier parce qu'on était en grève. On a été manifester dans les rues. Vous savez pourquoi on a été manifester ?
Un élève : Contre Ebola, non ?
...
Je leur explique tant bien que mal. Que le collège va être réformé et qu'on fait grève parce qu'on est contre, tout ça.
Un élève : Ca va vous donner plus de travail, c'est ça ?
(Ou comment des gosses de 5ème ont déjà intégré l'idée bien répandue selon laquelle les profs sont des glandeurs finis qui ne foutent rien et font la grève régulièrement pour s'assurer que ça ne change surtout pas).

Je vous aide : la réponse est non. 
Non, nous n'avons pas fait grève parce que la réforme voulait nous donner plus de travail et qu'on n'était pas d'accord. On n'a pas non plus fait grève parce qu'on aime s'opposer « pour s'opposer », comme j'ai entendu tant de personnes le dire depuis que je suis prof. Des gens qui ne sont pas profs, qui ne savent rien des réformes, qui ne savent rien de la réalité de notre métier, mais qui discréditent d'office notre opposition parce qu'un prof, ça s'opposerait systématiquement à tout, et ce uniquement « pour le principe ». Un peu comme un enfant de 3 ans en pleine période d'opposition.
De toute façon, prof, c'est un métier terrible pour ça. Comme tout le monde a été à l'école, tout le monde a son mot à dire sur ce qu'est un « bon prof ». Et donc se permet, avec beaucoup d'aplomb et souvent un poil de condescendance, de te donner des conseils. Vous n'imaginez pas le nombre de personnes qui m'ont dit dans ma vie, surtout au début de ma carrière quand j'en prenais plein la gueule au collège : « Est-ce que tu leur as fait étudier des chansons ? ». (Ca m'a toujours fait un peu le même effet que quand, à l'adolescence, je disais à des gens de mon âge que j'avais perdu ma mère en primaire et qu'ils me répondaient « Ma pauvre, je comprends ce que tu ressens. Moi aussi, l'année dernière, j'ai perdu mon grand-père »). Mais passons.

Je vous la fais courte : nous avons fait grève parce que cette réforme – pour ce qu'on en a compris, parce que croyez-moi, c'est pas clair – n'est selon nous pas une bonne idée.
Un ami de ma tante : « Ben j'ai entendu dire que le but de la réforme c'était de venir en aide aux élèves en difficulté pour que tout le monde puisse réussir. C'est bien, ça, non ? ».
Ah ben oui, tiens, une réforme pour faire de l'école un truc qui essaye de faire réussir les élèves, quelle riche idée ! C'est vrai, on avait bien besoin d'une réforme pour ça, parce que nous à l'école, ça fait des décennies qu'on fait des scoubidous. Merci, Mme Vallaud-Belkacem. 

Mais tentons de résumer ce que j'ai compris de la réforme en quelques points.
J'ai décidé de faire ça en 6 points.
1) La suppression des classes d'élite.
2) Les EPI ou Enseignements Interdisciplinaires
3) Les heures d'accompagnement personnalisé
4) La réforme de l'enseignement des sciences
5) La méthode actionnelle
6) Le contrat d'objectif
(Le tout fait l'équivalent de 10 pages Word. Pire qu'un post de l'Odieux Connard. Surtout que j'ai apparemment un discours très conservateur, donc peut-être qu'à l'avenir certains m'appelleront l'Odieuse Connasse. Bref, tenez vous prêts. Vous pouvez décider de ne lire qu'un point par jour pour vous ménager...). 

1) Suppression des classes « d'élite ».
Les classes bi-langue et les classes européennes vont être supprimées, comme les classes avec option latin, parce qu'elles seraient réservées à une élite, et que l'élite, c'est mal. 
Je suis la prof d'anglais des classes bi-langue anglais-allemand depuis le début de ma carrière (les classes bi-langues ont deux langues vivantes dès la 6ème). Ce sont effectivement d'excellentes classes, où le niveau est homogènement bon, et avec qui on avance beaucoup plus vite qu'avec les autres élèves, ce qui est un immense plaisir. C'est un peu pareil pour les classes de latin : on est généralement obligés de réunir les élèves qui font latin dans une seule et même classe pour des questions d'emploi du temps, et de ce fait, en s'inscrivant en option Latin, les élèves sont à peu près sûrs de se retrouver dans une bonne classe. Donc oui, à bien des égards, on peut parler de classes d'élite. Question : en quoi est-ce mal ?
Réponse de plein de gens avec qui j'en ai parlé : Parce que s'il y a des classes d'élite alors les autres sont des classes-poubelle, et que l'école de la République n'est pas censée laisser les plus défavorisés sur le bas de la route, et que dans ce cas autant rétablir la ségrégation (en gros). Parce que l'école est là pour confronter les élèves à la diversité, et que les « classes d'élite » vont à l'encontre de la mixité sociale chère à notre République.
(Comme si mes élèves de classe bi-langue et option Latin étaient des petits bourgeois de Neuilly qui venaient dans le 93 uniquement pour aller à l'école et restaient tous dans la même classe uniquement pour ne surtout pas se mélanger avec les autres...Duh).
BB, avec ses élèves de latin dans son collège de banlieue :
Elève : Mais madame, pourquoi ils veulent arrêter les cours de latin ?
BB : Parce qu'ils pensent que c'est réservé à une élite, que c'est pour les bourgeois. Alors que vous êtes la preuve du contraire.
Elève : Pour les "bourgeois" ?! Mais madame ça existe plus, les bourgeois ! Ca existe qu'à la télé ! Enfin en tout cas moi j'en ai jamais vu... 

Personnellement, je ne vois pas en quoi les classe bi-langue et option Latin enlèvent quoi que ce soit aux autres élèves.
Rappel : les langues s'enseignent « en spirale » (terme d'IUFM à la con), c'est-à-dire qu'en gros on revoit tous les ans la même chose dans le même ordre (le présent simple, le présent en -ing, le prétérit, les comparatifs, etc.), mais en complexifiant un peu plus à chaque fois, et en variant le plus possible pour ne pas trop mourir d'ennui). Dans l'état actuel des choses, je ne constate qu'une chose : si je prends mes 5ème, par exemple, j'avance bien plus vite dans le programme avec les bi-langue (qui sont super bosseurs et maîtrisent les bases) qu'avec les autres avec qui c'est plus long parce que je suis toujours un peu obligée de revenir sur les cours de 6ème avant de complexifier. Cela dit, je fais les mêmes cours à tous mes 5ème, à très peu de choses près (je complexifie parfois un peu plus avec les bi-langue, avec qui je peux me le permettre).
Cet état de fait peut sembler choquant, mais je trouve que c'est plutôt une bonne chose dans le sens où je peux faire cours, dans chaque classe, à un public au niveau relativement homogène et donc m'adapter à ce niveau et permettre aux élèves de tous avancer à leur rythme : je permets aux 5ème1 de revoir les bases de 6ème plus en profondeur quand les 5ème4 (les bi-langue), eux, peuvent avancer plus vite sans s'éterniser sur des choses qu'ils maîtrisent déjà. Au final, en fin d'année, les classes bi-langue ont en effet parfois deux leçons d'avance sur le programme. La belle affaire. Les autres, eux, ont eu la possibilité de consolider leurs bases.
Bref, oui, c'est vrai, les classes bi-langue et Latin sont généralement de très bonnes classes (parce qu'il faut être bosseur pour être prêt à apprendre deux voire trois langues au lieu d'une), mais je ne vois pas en quoi il est politiquement répréhensible de permettre aux élèves qui en ont l'envie et les capacités de se retrouver entre eux dans des classes où les cours seront, du fait de leur niveau, un peu plus poussés. Je ne vois pas ce que ça enlève aux autres. Je ne vois pas ce que le fait que Sonia soit en 5e4 enlève à Tania, 5e1. Je ne vois pas en quoi le fait de supprimer les classes bi-langue et l'option Latin rend l'école plus égalitaire.
Réponse des gens avec qui j'en parle : Parce que l'école n'est pas là pour créer une élite mais pour enseigner les bases à tout le monde sans stigmatiser personne, qu'elle n'est pas là pour séparer les bons des nuls et les riches des pauvres dès l'adolescence.
Grands Dieux. C'est à croire que les gens pensent que le matin on sépare les élèves dans la cour et qu'on donne des bonbons à ceux qui ont choisi l'option Latin (qui ont des cheveux blonds bien peignés et des uniformes) pendant qu'on donne des bonnets d'âne et des coups de bâton aux autres (qui, à en croire les gens, seraient forcément des petits noirs et des petits arabes défavorisés).
Dans mon collège, ce ne sont QUE des petits noirs et des petits arabes. Plus ou moins défavorisés, c'est vrai. Mais aucun ne roule sur l'or, croyez moi. Ils ont tous grandi dans la même banlieue un peu perrave du 93. Ils se connaissent tous très bien. Et ils n'ont pas attendu d'être au collège et d'être ou non dans une classe bi-langue pour constater que certains d'entre eux étaient plus bosseurs et/ou plus scolaires que les autres.
Ensuite, on peut évidemment arguer que mélanger les élèves de classe bi-langue avec les autres relèveraient le niveau des classes dans son ensemble. Mais je crains malheureusement que ça ne soit faux. Ca n'engage que moi, mais je ne pense pas que l'hétérogénéité des classes soit forcément une bonne chose. Car dans le cas d'une classe hétérogène, soit 1) les élèves les plus doués accaparent la parole et les autres se cachent derrière eux et en profitent pour se tourner les pouces, parce qu'ils sont intimidés ou parce qu'ils se disent que c'est l'occasion de tirer sa flemme, soit 2) ce sont les plus doués qui s'écrasent de peur de passer pour des petits premiers de la classe, et du coup au lieu de tirer la classe vers le haut, ils passent juste le cours à s'ennuyer. Généralement, c'est ça qui se passe. Devant une classe homogène, au moins, on peut faire des cours adaptés à tous ses élèves sans léser personne. Si tous les élèves ont le même niveau, personne ne se sent humilié ou écrasé, personne ne s'ennuie ou s'impatiente, et tout le monde avance.
Réponse des gens avec qui j'en ai parlé : Mais alors tu veux faire des classes de niveau ?! Des classes de bons et des classes de débiles c'est ça ?! Mais c'est horrible !!
Alors : non. Faire des classes de bons et de mauvais est impossible pour la bonne raison que personne n'est bon ou mauvais en tout. Mais par contre, je suis à fond pour les cours de niveau.
En gros, je serais pour qu'on casse le groupe classe. Les élèves ne seraient plus toujours dans la même classe, mais iraient pour chaque matière dans un cours qui correspond à leur niveau. Ils auraient des matières à « valider », un peu comme nous à la fac. Par exemple, un élève de sixième pourrait passer au niveau 5ème dans toutes les matières sauf celles où il n'a pas atteint le niveau requis, ce qui l'obligerait par exemple à redoubler en anglais et en musique. Ce serait un bordel incommensurable à organiser mais je pense vraiment que ça serait idéal.
Au lieu de faire automatiquement passer des élèves dans la classe supérieure même s'ils ont 5/20 de moyenne générale, on ne les ferait passer que dans les matières qu'ils maîtrisent. Ce serait moins stigmatisant pour eux, et ils ne se retrouveraient pas largués dans la classe supérieure dans les matières qu'ils ne maîtrisent pas.
Réponse des gens à qui j'en ai parlé : Et donc ceux qui ne valident rien et qui restent coincés en 6ème en tout, on les laisse crever ? Sympa.
Ben oui mais bon, si jamais un élève ne dépasse le niveau 6ème dans aucune matière après quatre ans au collège alors que les autres avancent, on ne peut pas y faire grand chose. Soit c'est parce qu'il a un réel problème d'apprentissage, auquel cas il devrait être dans un truc spécialisé, avec moins d'élèves et des profs formés pour (mais il y en a plein dans mon collège et les parents refusent de les stigmatiser en les mettant dans un truc spécialisé, comme s'ils n'étaient pas stigmatisés en ayant 2/20 partout année après année), soit c'est parce que, comme beaucoup de mes élèves, il vient sans cahier, sans crayon, et passe le cours à dessiner des bites et à dire des conneries pour se faire remarquer. Et ceux-là, évidemment que ce sont des adolescents paumés et qu'il faut leur laisser une chance, mais même un collégien doit faire face aux conséquences de ses actes, et si après quatre ans ils n'ont rien foutu, eh ben tant pis pour eux. C'est sûrement parce qu'ils ont une vie compliquée, je n'ai jamais dit le contraire. Mais l'école n'a jamais prétendu être capable de gommer toutes les inégalités du monde. Les élèves ne partent pas tous avec les mêmes chances dans la vie, c'est évident, mais l'école est là pour donner les mêmes chances à tous quel que soit leur milieu. L'école est là pour rétablir un peu d'égalité dans un monde profondément inégalitaire. A eux d'en profiter un maximum ou non.

2) Les EPI ou Enseignements Pratiques Interdisciplinaires. 
L'enseignement du latin ne disparaît pas, nous dit-on. Il est encore présent dans une proposition d'EPI : « langues et cultures de l'Antiquité ».
Je vous explique ce que sont les EPI :
Les EPI seront mis en place dès la 5ème. Il s'agit de travail interdisciplinaire organisé par deux professeurs de disciplines différentes avec de petits groupes d'élèves. Huit thèmes sont au choix :
- développement durable,
- information, communication et citoyenneté
- langues et cultures de l’antiquité
- langues et cultures étrangères et régionales
- monde économique et professionnel
- corps, santé, sécurité
- culture et création artistiques
- sciences et société.
Les élèves devront assister à deux EPI par an (3h par semaine) de la 5ème à la 3ème, et donc en faire six sur les huit pendant leurs années de collège. (A chaque établissement de définir, pour chaque niveau, quels thèmes seront travaillés à quel niveau et quelles matières seront impliquées, donc c'est flou. En espérant que les enseignants auront leur mot à dire sur quel EPI faire et quand). 
Il y aura 3 heures d'EPI par semaine, « le volume exact étant toutefois défini localement par les recteurs d'académie » (bref, encore une fois, c'est flou). Une chose est claire, cependant : « Les heures d'EPI seront prélevées sur les disciplines impliquées dans chaque projet ». 
Traduisons : les heures d'EPI sont prises sur nos cours. Donc si une prof de maths fait une heure d'EPI avec un prof de techno, il faudra toujours payer les deux profs (donc pas d'économies de ce côté là), mais ça ne fait plus qu'une heure de cours au lieu de deux pour les élèves, donc au final un emploi du temps moins chargé (les élèves vont perdre de 3 à 8 heures de cours par semaine).

Exemple d'un emploi du temps de 3ème après la réforme :


A partir de la rentrée 2017, 20% des cours de chaque professeur auront lieu dans le cadre d'un EPI. Un prof ne passera plus 100% des heures dont il dispose à enseigner sa matière à proprement parler, donc (déjà qu'on galère avec les heures qu'on a), puisqu'il devra consacrer 20% de son temps à faire un EPI avec un autre prof. Donc moi par exemple (mais je vais en lycée, donc ça n'arrivera pas), au lieu d'utiliser toutes mes heures pour m'acharner à leur faire maîtriser les bases de la langue anglaise, j'aurais été amenée à passer mes heures d'EPI à faire... quoi ? Parler de l'Empire colonial britannique ou de l'esclavage avec le prof d'Histoire ? Faire un cours sur le pop art avec le prof d'arts-plastiques ? Ou sur le blues, la pop ou le rock'n'roll avec le prof de musique ? Moi je veux bien, hein, c'est pas inintéressant en soi mais... est-ce vraiment plus utile qu'un cours d'anglais ou de musique classique ? Parce que moi personnellement leur parler de la culture et de l'histoire du monde anglophone, je m'en sors très bien toute seule dans mon cours... Et j'imagine que le prof de musique n'a pas besoin de moi pour leur parler de musique anglophone non plus.
L'interdisciplinarité a du bon, évidemment, et beaucoup de professeurs n'ont pas attendu la réforme pour monter des projets interdisciplinaires quand ça leur semblait pertinent. Mais quand ça leur semblait pertinent uniquement. Et si vous voulez mon avis, ce qui va se passer dans la majorité des cas, c'est qu'on va faire des ateliers gadget. Et ça au détriment de l'enseignement des bases. Mais bon, l'heure est au gadget... 
Ce qu'ont voit surtout, nous, les profs, c'est qu'on aura moins d'heures pour enseigner notre matière, et ça, on pense que ça ne va pas du tout dans le bon sens. (Comment une réforme qui prétend remédier aux lacunes des élèves dans les enseignements de base peut-elle proposer un allègement des cours de maths et de français ?).
Sans compter que les heures d'enseignement du tronc commun ne vont pas seulement être amputées par les EPI mais aussi par les heures d'accompagnement personnalisé, qui, elles aussi, seront prises sur les heures de cours (alors qu'aujourd'hui elles sont en plus des heures de cours). Du coup, le plus grand nombre perdra des heures de cours qui seront utilisées pour donner des cours supplémentaires aux élèves les plus en difficulté.

3) Les cours d'accompagnement personnalisé.
L'accompagnement personnalisé, réservé aux 6ème actuellement, sera généralisé à toutes les classes (dès la rentrée 2017, il y aura 3h d'accompagnement personnalisé par semaine en 6ème et au moins 1h dans les autres classes). Mais, je le répète, ces heures ne seront pas en plus comme aujourd'hui mais à la place des cours du tronc commun. (En même temps, l'heure n'est évidemment pas à la création d'heures supplémentaires, on l'aura compris).
Donc si je comprends bien, permettre à certains élèves de prendre l'option Latin en plus du tronc commun c'est élitiste et inégalitaire, mais par contre prendre à la majorité pour aider les élèves les plus en difficulté, ça c'est ok ?
Je ne suis évidemment pas contre le soutien scolaire, mais 1) pas au détriment des cours obligatoires pour tous et 2) ça dépend pour qui. Parce que, je suis désolée, mais je réfute l'idée si souvent avancée selon laquelle certains élèves ont besoin d'être aidés à l'école en dehors des cours parce qu'ils n'ont pas la chance d'avoir des parents pour les aider à la maison. Pourquoi ? Parce que les professeurs fournissent en cours les outils nécessaires aux élèves pour réussir et que, de ce fait, il suffit d'écouter en classe pour être capable de comprendre ses leçons et de faire ses devoirs. (Sachant, en plus, que dans mon collège on est nombreux à ne plus donner de devoirs du tout, précisément parce qu'ils ne les font pas). De plus, plein d'élèves s'en sortent très bien alors que leurs parents ne parlent pas un mot de français et n'ont pas le niveau bac, ce qui prouve bien que ça n'a rien à voir. Je voudrais qu'on arrête d'excuser les élèves qui ne branlent rien par le fait que leurs parents n'ont pas fait suffisamment d'études pour faire leurs devoirs à leur place. L'école, déjà aujourd'hui, donne les mêmes chances à tous. Mes élèves dans le 93 ont l'occasion d'apprendre les mêmes choses que n'importe quel élève en France, et ce parce qu'ils ont des profs qui, comme mes collègues et moi, se battent jour après jour pour leur enseigner les mêmes programmes nationaux qu'à tout le monde. Et tous les élèves d'une même classe assistent aux mêmes cours, ils ont donc virtuellement les mêmes chances de réussir. Si certains ne réussissent pas, c'est le plus souvent parce qu'ils ne s'en donnent pas les moyens. Tout simplement. Certains ont de réelles difficultés et de réels problèmes de compréhension, et ceux-là ont évidemment réellement besoin d'assistance. Mais il est aussi essentiel que chacun reconnaisse une bonne fois pour toutes que la grande majorité des élèves en échec ne le sont pas parce que l'école les a abandonnés mais parce qu'ils ont, eux, abandonné l'idée de faire quelque chose à l'école.
On a beaucoup trop tendance à tenir les profs pour responsable de l'échec scolaire en France.
Quand je pense que, cette année, des bacheliers ont fait un barouf pas possible et signé une pétition pour faire annuler la question M du bac d'anglais parce qu'elle était « intretable » (!!).
Ce qu'ils reprochaient à cette question ? Elle contenait le verbe « to cope », qu'ils ne connaissaient pas. Quand j'ai vu ça, je suis tombée sur le cul. (De tout temps, des élèves passant des examens sont tombés sur des termes - même des termes français - qu'ils ne comprenaient pas, et il me semble qu'ils se sont toujours dit - et ce fort justement - que c'était ballot mais que tant pis pour eux, ils n'avaient qu'à savoir). D'autant que « To cope », c'est pas non plus la mer à boire. (D'ailleurs, si vous connaissez vous mêmes la définition du verbe "to cope", vous remarquerez l'ironie de toute cette histoire). Que ces gamins aient le réflexe de faire un scandale pour accuser les concepteurs du bac d'avoir fait un sujet trop difficile, et ne soient même pas foutus de rédiger le titre de leur pétition correctement (« La question M était intretable »), ça me tue. Littéralement. (Bientôt, ils vont demander un bac sous forme de QCM avec possibilité d'appeler un ami ou de consulter le public). 
Et ensuite on les encourage encore à penser que s'ils échouent, c'est parce que l'école est nulle.
L'enfant roi et le professeur incompétent. Le pauvre petit loulou et la méchante école.

Une idée que les parents véhiculent.
Mot de la mère d'une élève que je venais de coller parce qu'elle bavardait comme à son habitude depuis le début de l'heure au lieu de travailler (elle n'avait ni fait l'exercice, ni noté la correction) :
« Ma fille Florine ne fera pas son heure de colle de mercredi parce qu'elle a des choses de prévues qui sont plus importantes qu'une heure de retenue, et ce jusqu'à la fin de l'année scolaire ». (!!)
(J'ai du convoquer la mère dans le bureau du principal adjoint pour obtenir que la gamine fasse son heure de colle – heure de colle que j'ai passée à lui faire refaire l'exercice qu'elle n'avait pas fait en cours. Comme si on n'avait que ça à faire). 

Et pour un peu de comic relief avant d'enchaîner (et pour rester dans le thème du bac), je me permets de vous faire découvrir cette petite vidéo, si vous ne la connaissiez pas :
(NB : ce sont des acteurs, mais ils jouent des saynettes à partir de "perles du bac" réelles).




4) Les cours de science.  
Même si je n'ai trouvé aucun article en parlant sur internet, mes collègues m'expliquaient que la réforme prévoyait un changement majeur dans l'enseignement des sciences. Je n'ai pas tout compris, donc je vais peut-être dire des conneries, mais en gros ce que j'ai cru comprendre c'est que :


Au lieu d'avoir des programmes précis de SVT et de Physique-Chimie en 6ème, 5ème, 4ème et 3ème, les élèves devront désormais simplement avoir étudié tous les points de ces programmes à la fin de leurs quatre années au collège, peu importe dans quel ordre. Ce qui est bien joli mais comment on fait quand un élève quitte l'établissement en cours de scolarité ? Il débarque dans un nouveau collège où on a étudié des trucs qu'il ne verra du coup plus jamais et où il étudiera une deuxième fois ce qu'il a déjà vu ? Et les profs d'un même collège, ils feront comment pour éviter ce problème ? Ils se mettront d'accord pour étudier les mêmes choses à chaque niveau (en reprenant les programmes d'avant la réforme en douce pour rétablir un peu de cohérence) ? Ou bien chaque élève gardera le même prof pendant quatre ans pour éviter le risque de doublons ? Je ne comprends pas bien. (Il y aura sûrement des lecteurs profs pour m'éclairer).
Sans compter que, si j'ai bien compris, les cours de SVT, Physique et Techno deviennent en gros un seul gros bloc de « Science », c'est-à-dire que 1) on pourrait finir par en étudier surtout une au détriment des autres et 2) petit à petit, les disciplines telles qu'on les connaissait, avec un prof par matière, sont vouées à disparaître, et que, vraisemblablement, les profs de SVT vont bientôt devoir éventuellement enseigner également la Physique ou la Techno, et inversement. 
Il y a beaucoup de pays en Europe où les profs sont formés dès le départ pour enseigner deux matières au lieu d'une, comme ça on peut plus facilement les faire bosser à la carte. Mais du coup ils sont moins spécialisés que les français dans les matières qu'ils enseignent. Sachant qu'aujourd'hui les profs français ne sont tous formés à enseigner qu'une seule matière. Si ça doit changer, il va également falloir changer leur formation.
Bref, si j'ai bien compris, désormais les élèves devront simplement avoir validé, à la fin de leurs quatre années de collège, un certain nombre des compétences liées à ces trois disciplines.
Oui parce qu'on est en train de supprimer les notes pour passer à la pure et simple évaluation par compétence. J'avais déjà deux classes pilote sans notes ces deux dernières années : l'année prochaine dans mon collège l'évaluation par compétences concernera tous les 6ème. (Ah oui parce que j'oubliais : désormais la 6ème fait partie du cycle 3 avec la primaire alors que les trois autres classes du collège relèvent du cycle 4). On les évaluera désormais non plus avec des notes mais en précisant les compétences évaluées et en mettant à côté de chaque compétence un ou deux points de couleur : deux ronds verts pour Expert, un rond vert pour Acquis, un rond Orange pour En Acquisition, un rond Rouge pour Non Acquis. (Quatre possibilités uniquement. C'est vague. Et ça amène à "surnoter" à un point que vous n'imaginez pas). (Mais c'est un autre débat).

5) La « méthode actionnelle »
Je n'ai évidemment pas pu me pencher sérieusement sur la réforme des programmes dans les matières autres que la mienne (je ne serais de toute manière pas en mesure de vraiment comprendre les changements), mais il semble que l'idée soit de mettre partout en oeuvre ce qui est de mise en cours de langues depuis quelques années déjà et qu'on appelle la méthode actionnelle. (Qui sera particulièrement mise en place dans les EPI, si j'ai bien compris, du moins s'ils s'y prêtent).
La méthode actionnelle stipule que l'école est là pour permettre aux élèves d'"agir sur le monde" et doit donc leur permettre de mettre en pratique les compétences et connaissances acquises pour constater leur utilité dans la vraie vie. L'idée est de mettre en place un enseignement moins magistral, où les élèves ne seront plus de simples réceptacles mais les « acteurs de leur apprentissage ». Un principe qui marche particulièrement bien pour l'enseignement des langues vivantes, puisqu'on leur enseigne une langue qui leur servira d'outil pour communiquer dans le monde extérieur. Mais qu'en est-il vraiment des autres matières ? En effet, je vois mal comment les élèves pourront mettre en pratique, dans leur quotidien, leurs nouvelles connaissances sur la Mésopotamie. Donc bon : c'est compliqué. Car même si je suis en effet favorable à ce que les élèves soient le plus possible "mis en activité" – j'enseigne une matière où le cours magistral est impossible et où ils sont sans arrêt en train de mettre en pratique leurs nouvelles connaissances – je ne pense pas qu'il faille cracher sur les cours magistraux, qui sont parfois inévitables et peuvent souvent avoir du bon.
Depuis que j'enseigne, j'entends qu'il faut motiver les élèves et leur donner envie d'apprendre. Certes. Bien sûr qu'il faut savoir enthousiasmer les élèves et retenir leur attention, et les profs font de leur mieux (croyez moi, ne serait-ce que pour leur bien propre, ils veulent que leurs cours marchent) mais je pense qu'on va trop loin dans l'idée que l'école doit être "ludique". Les élèves ont déjà trop tendance à vouloir s'amuser tout le temps et ne jamais se fatiguer le cerveau, je doute que ce soit une bonne politique d'abonder dans leur sens. Or, c'est ce que l'école ne cesse de faire. Supprimer le redoublement, supprimer les notes, supprimer la grammaire, supprimer les devoirs, bref supprimer tout ce qui fait que l'école n'est pas juste un centre aéré. J'exagère, bien sûr. Mais c'est un peu vrai.
Je ne pense pas non plus qu'il faille encourager l'idée déjà bien répandue selon laquelle les professeurs font des cours ennuyeux où les élèves s'endorment et que c'est pour ça que l'école française est à la traîne. Les cours seraient poussiéreux, d'un autre temps, et la réforme serait là pour remettre un peu de vie dans une école élitiste et pontifiante. Bref, encore une fois, un argument qui plaît aux masses : les élèves s'emmerdent parce que les profs sont nuls.
Il faut arrêter de taper sur les profs. Ils font de leur mieux avec ce qu'on leur donne.
Et ils pourraient faire encore mieux si on leur donnait davantage. Si au lieu de mettre de l'argent dans une réforme à la con, on mettait plutôt de l'argent dans les écoles elles-mêmes (histoire que les classes soient moins surchargées, par exemple), ils s'en sortiraient beaucoup mieux, croyez-moi. Et sans changer ni les profs ni les élèves, on obtiendrait comme par magie de meilleurs résultats.
Et puis, mesdames et messieurs de l'Education Nationale, si vous êtes tellement inquiets de la qualité des cours que reçoivent les élèves, pourquoi ne faites vous pas en sorte qu'ils aient toujours de vrais professeurs dignes de ce nom, au lieu d'engager des vacataires sans aucune formation ?
Vous me répondez que vous engagez des vacataires parce que plus personne ne veut être prof et que les gens qui se présentent au Capes ont un niveau tellement déplorable qu'on ne peut pas leur donner le concours ? J'ai bien entendu ? Et ça ne vous fait pas vous poser des questions, ça ?!

6) Le contrat d'objectifs
« En cohérence avec le projet d'établissement adopté par le conseil d'administration, le contrat d'objectifs est en effet conclu entre l'établissement et l'autorité académique à partir d'un diagnostic partagé. Il définit, au regard du programme annuel de performance académique, un petit nombre d'objectifs à atteindre (de trois à cinq), centrés sur les résultats des élèves, sur la base des orientations nationales et académiques ; il est doté d'indicateurs qui permettent d'apprécier la réalisation des objectifs. (…) Le contrat d'objectifs fera l'objet d'une évaluation interne et d'une évaluation externe ».
Dans les faits, le contrat d'objectif existe depuis dix ans déjà, même si la réforme insiste pas mal dessus, parce qu'il s'agit apparemment à l'avenir de donner davantage d'autonomie aux établissements afin d'établir entre eux une « saine » concurrence qui les obligera à donner le meilleur d'eux-mêmes.
Dans les faits, ça donne ça :
Nous avons une chef d'établissement particulièrement carriériste et il semble évident à tout le monde que ce qui la soucie est davantage la « réussite » du collège – et par là j'entends sa réputation auprès du rectorat – que la réussite réelle des élèves.
Quand elle est arrivée au collège, elle nous a annoncé à la réunion de début d'année que notre collège était un des plus mauvais de l'académie. « Or, a t-elle précisé, il n'y a absolument aucune raison que nos élèves soient plus mauvais que les autres : c'est donc que vous êtes trop sévères ». (Dire ça à des profs qui ont abaissé leurs exigences année après année pour se mettre au niveau de leur public et qui surnotent déjà comme des oufs parce qu'ils croient à la « pédagogie de l'encouragement », croyez-moi que c'est un peu fort). Bref, on nous a purement et simplement demandé de surnoter encore plus histoire que le collège ait moins mauvaise réputation, surtout maintenant qu'elle en était à la tête, parce que si les notes montent juste après son arrivée, c'est que c'est une bonne principale (comme si c'était elle qui faisait les cours!).
Avec le contrat d'objectifs, j'ai l'impression que ce qui était officieux s'officialise : on a désormais très clairement une politique de rendement, une obligation de résultat, un peu comme un flic qui doit verbaliser le plus possible pour être bien vu de ses supérieurs. On doit « faire du chiffre ». Et si tes élèves ont de mauvaises notes, c'est que t'as pas fait ton boulot.
Il en va de même pour les exclusions : si on exclut trop d'élèves du collège, ça va apparaître dans les chiffres du Rectorat, et ça, ça la fout mal. Du coup, on n'exclue quasiment jamais personne. On laisse tout passer aux gamins. Cette année, les élèves qui ont été exclus définitivement l'ont été parce qu'ils avaient vraiment vraiment dépassé les bornes. (Exemple : deux 3ème ont tabassé un 6ème dans un coin parce qu'il avait eu le malheur de les charrier sur le fait que l'Algérie avait perdu le match de foot, et ils ont été exclus uniquement parce qu'ils étaient déjà exclus « avec sursis » à cause de vandalisme dans le collège et que donc on ne pouvait pas faire autrement). Bref, les élèves sont surprotégés. Or, je ne suis pas pour qu'on exclue à tout va (un élève est toujours mieux suivi par une équipe qui le connaît et connaît ses parents, et puis pour nous ça ne change rien vu que quand on vire un emmerdeur, on en récupère un autre direct après), mais je pense qu'il est important que les élèves comprennent que certains actes sont inacceptables (je peux vous assurer que les deux 3ème en question étaient sidérés qu'on les vire pour de vrai : ils étaient persuadés que ça n'arriverait jamais). 
Et bien sûr, autre point : on fait passer absolument tout le monde en Seconde Générale, même avec un bulletin scolaire de 3ème absolument calamiteux.(Soit disant parce que des études auraient prouvé que le redoublement ne servait à rien. Mais les véritables raisons sont que 1) les établissements sont stigmatisés par leur nombre de redoublants, 2) faire redoubler un élève coûte de l'argent à l'Etat, 3) quand un élève est en difficulté, c'est également souvent un élève perturbateur, et on ne veut surtout pas avoir à le garder plus de quatre ans).
Bref, on surnote, on exclut un minimum, et on cache la merde sous le tapis pour soigner la vitrine. Par là-dessus, on nous demande d'organiser des ateliers Cirque et des ateliers Rubik's Cube, on organise de grandes portes ouvertes où on fait des gâteaux, et tout le monde peut s'imaginer qu'on est un collège sans problème où les élèves progressent en s'amusant, comme les textes le préconisent.
A ce propos, saviez vous que la loi relative au budget de l'Education Nationale s'appelait la LOLF ? (Ca ne s'invente pas).

**********

Au Ministère, on essaye de nous vendre la réforme avec des petites BDs comme celle-là :  
Oh. Mon. Dieu. C'est absolument affligeant.
Point 1, pas caricatural du tout, on va passer de classes surchargées à des petits groupes. 
=> Avec la suppression des établissements APV qui avaient au moins le privilège d'avoir des classes de minimum 25 élèves et les économies drastiques qui font qu'on a de moins en moins de profs (ce qui explique qu'on engage des vacataires avec un niveau bac s'il le faut) et de moins en moins de classes (surcharger les classes, c'est moins cher que d'en créer de nouvelles), on ne va pas vers des groupes-classe réduits. Alors évidemment, les EPI seront en plus petits groupes, mais ils ne représentent que quelques heures de la semaine des élèves.
Point 2, les élèves commenceront désormais effectivement leur LV2 dès la 5ème.
L'idée, c'est qu'on supprime les classes bilangue anglais-allemand qui commençaient dès la 6ème et qu'on fait commencer la LV2 à tout le monde dès la 5ème. On passe donc de 3h de LV2 en 4ème et 3ème à 2,5h tous les ans à partir de la 5ème. Pourquoi pas. Je ne suis pas contre en soi du tout. J'ai deux objections, cependant :
  1. Aujourd'hui, l'enseignement de l'anglais en primaire est très succinct (ils apprennent les couleurs, les animaux domestiques, les nombres jusqu'à 20, et basta) : les élèves ne commencent donc vraiment leur LV1 qu'en 6ème. Or, on ne peut pas commencer à leur enseigner une LV2 tant qu'ils ne maîtrisent pas un peu leur LV1, ça me semble risqué. Il faudra donc réellement intensifier l'enseignement des langues en primaire. Ce qui est prévu.
  2. Je serais d'avis qu'au lieu d'emmerder les élèves avec une langue étrangère en primaire, on se concentre à fond sur l'enseignement du français. Car Dieu sait que c'est là que le bas blesse.
Point 3, foutage de gueule suprême.
On ne supprime pas le latin, puisque maintenant on va en faire dans des cours interdisciplinaires, et donc rendre le cours de latin vivant, le mettre en pratique : on va faire des pièces de théâtre en latin, ça va être mer-veil-leux. Non mais allo, j'ai envie de dire. T'es ministre de l'Education Nationale, t'as pas de cerveau ?
Point 4, démagogie bonjour.
Mais on en a déjà parlé. (Remarquez quand même que l'élève en difficulté est blanc quand son camarade, celui qui s'en sort apparemment mieux que lui à l'école, est noir. (On ne pouvait pas représenter uniquement deux petits blancs ou deux petits noirs et on ne pouvait décemment pas sous-entendre que les blancs réussissaient mieux que les noirs à l'école, donc on a explicitement suggéré le contraire) (Ce qui n'est pas répréhensible en soi, mais c'est so obvious).
Point 5, la cantine.
Personnellement dans mon collège on a déjà 1h30 pour manger, et c'était déjà le cas dans tous les établissements où j'étais avant. Ils mangent en une demi-heure, ensuite ils jouent une heure dans la cours, ou alors ils vont lire des BDs au CDI s'ils en ont envie. Bref c'est peut-être pas le cas partout mais ça me semble déjà pas mal généralisé. Donc bon, pas vraiment de réforme ici.

Bref : La communication de l'Education Nationale, ou comment prendre les gens pour des cons.
Mais cette petite BD n'est pas le plus beau. Oh que non.
Le plus beau, c'est la série Parlons Passion. (Aka « OuiOui à l'école »).
Croyez-moi, c'est encore plus beau que le Lip Dub del'UMP.
Je vous mets la vidéo de Didier Laporte comme ça, telle quelle, et je vous laisse découvrir par vous-même. Préparez-vous : ça laisse sans voix. 



**********
Alf : C'est bien joli de dire que c'est les gamins le problème, mais les gamins ils vont pas changer ! Donc c'est l'école qui doit changer à leur place.
Don Valdès : Mais de toute façon l'école ne marche pas ! Donc il faut que ça change ! Peu importe comment ! Et si ça marche pas non plus, on essaiera autre chose. 


Evidemment, on est tous impuissants devant le désintérêt total des élèves pour l'école, et il n'y a pas grand chose qu'on puisse faire pour qu'ils cessent de s'intéresser davantage aux Anges de la Téléréalité, aux jeux vidéo et au foot qu'à ce qu'on leur apprend en classe. Mais on va continuer pendant combien de temps à revoir les objectifs de l'école à la baisse pour s'adapter à des élèves de plus en plus immatures et de moins en moins respectueux de l'autorité et de la culture ?
Je sais que j'ai l'air d'une vieille conne réac en tenant ce genre de discours, mais quand je vois un élève à moi qui ne fout rien depuis la 6ème et qui, le jour de l'épreuve de français du Brevet, rend une copie blanche sur laquelle il a simplement tenu à écrire deux mots, « Le foot », je suis démunie.
Et quand, à la librairie, j'entends une mère chercher un bouquin pour sa fille de sept ans et lui lire l'histoire d'une petite fille dont la maîtresse ne cesse de répéter aux élèves d'arrêter de bavarder en classe jusqu'à ce que la petite fille – héroïne de l'histoire – fasse un coup d'éclat et dise à sa maîtresse avec autorité « Vous, taisez vous ! et laissez-nous travailler ! » (la mère a dit "Super, on le prend !"), ça me rend folle.
Je n'ai pas la solution. Vraiment, je ne l'ai pas. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait plus de profs et plus de classes. Tout simplement. Parce qu'on travaille tellement mieux à 20 qu'à 25, qu'on est plus disponible pour chaque élève, pour les encadrer et les aider, et que ça change tout pour tout le monde. (Mes élèves bavards qui ne foutent rien, je vous assure qu'ils sont beaucoup plus performants quand on est en petit groupe, que je peux davantage les fliquer et leur tenir la main). Mais je sais que ça n'arrivera jamais.
Alors... je ne sais pas.
Tout ce que je sais, c'est que je suis immensément soulagée de quitter ce merdier.


En fin d'année, à la cantine :
Moi : Je vais échapper à la réforme du collège, youhou !!
Mes collègues : Lâcheuse !!
La principale : Mais vous n'échapperez pas à la réforme du Lycée...
Arf.