jeudi 16 août 2012

Hier ou demain, mais pas aujourd'hui

(Bayane et les garçons formidables)



Un jour, j'ai rencontré un garçon dans le métro. Je me suis assise en face de lui, nos regards se sont croisés, et il m'a tendu une des oreillettes de son casque sans un mot. On a dû faire cinq stations comme ça, à écouter sa musique et à se regarder sans rien dire. Puis il a récupéré son oreillette, il m'a dit que je faisais partie de ce que Brassens appelait les belles passantes, et il est parti.
(Good line, mec).



Les rencontres se font parfois de la façon la plus improbable.
Pour citer la pub meetic (Au secours, je suis perdue) :
"Les belles rencontres, elles se font partout, mais surtout ailleurs". 

- Mon oncle Jean a par exemple rencontré ma tante Françoise (avec qui il a eu six enfants) un jour qu'il revenait d'Italie en voiture. Passant par hasard dans un tout petit village de Bourgogne, il s'est arrêté pour demander son chemin à la première personne qu'il a croisée : une belle brune qui lavait du linge au lavoir près de la rivière. Une semaine plus tard, il lui demandait sa main. 
S'il n'était pas passé par ce village là, ou s'il y était passé une heure plus tôt ou une heure plus tard, leurs vies auraient été différentes. Tout aurait été différent. 
- Si ma mère ne s'était pas assise à côté de mon père en amphi ce jour-là, il y a quarante ans, je ne serais peut-être pas ici aujourd'hui. 
- Si mon frère n'avait pas recroisé Mélanie par hasard dans la rue le soir de la fête de la musique il y a toutes ces années, ils ne se seraient sans aucun doute jamais revus, et ils n'auraient pas passé toutes ces années ensemble.
- Si, il y a dix ans, mon amie Molly n'avait pas croisé par hasard, sur la place de la Concorde, en pleine manif contre la guerre en Irak, le garçon que j'avais repéré dix jours plus tôt dans une soirée sans oser aller lui parler, et si elle n'avait pas été le trouver pour lui parler de moi et lui dire qu'il devait absolument faire ma connaissance, je n'aurais jamais connu Gentleman Joe.
- Si Jeanne n'était pas tombée dans le métro, elle n'aurait jamais rencontré le garçon formidable.




Ca tient à si peu de choses.
Et pour ne rien arranger (sinon c'est pas drôle), c'est déjà très difficile de rencontrer quelqu'un qui te plaît et à qui tu plais aussi, et en plus, cerise sur le gâteau que tu ne pourras pas manger donc crève la dalle et tais-toi, ça ne suffit pas.

"Tu te rends compte à quel point c'est dur de rencontrer quelqu'un qui te plait à ce point et avec qui tu t'entends aussi bien, tu te rends compte à quel point c'est rare et précieux ?" ai-je demandé à Monsieur W après qu'il m'a fait son grand discours pour me dire que je lui plaisais vachement mais que non, il ne pouvait pas. Il a murmuré "Ouais. Je sais" en regardant ses pieds. Je l'ai raccompagné à la porte. On s'est regardés. On se plaisait beaucoup. On est restés plantés là comme deux cons pendant quelques instants. Il a dit "C'est horrible !" l'air désespéré en me regardant une dernière fois, puis il a appuyé sur le bouton de l'ascenseur et j'ai fermé la porte.
On est restés très vaguement en contact pendant deux ans, on s'est écrit un peu, on a prévu de se revoir et on a repoussé, annulé, on s'est revus quelques fois et on a dit qu'on se reverrait mais en fait non, et aujourd'hui il s'est remis avec son ex, il m'a viré de ses amis Facebook, et quand il me croise avec elle dans les bars il me dit bonjour du bout des lèvres et il disparaît.
J'aurais bien aimé qu'on devienne au moins amis. Mais j'imagine que c'était impossible.
Un cas d'Eros manqué.

John Doe, à qui je n'ai finalement consacré qu'un seul paragraphe dans ce blog, fait partie de ceux-là : ceux avec qui j'aurais pu vivre quelque chose de vraiment bien, et puis finalement, pour diverses raisons, non. John Doe et moi sommes passés l'un à côté de l'autre.
Je trouve ça un peu triste.

Je connais John Doe depuis deux ans, mais je ne l'ai vu que trois fois dans ma vie. La première fois, c'était il y a deux ans, en septembre 2010. On s'est rencontrés, on a passé une nuit fantastique ensemble, mais on ne s'est pas revus pour les raisons qu'on sait. Quelque temps plus tard on a été prendre un café (j'étais en plein dans mon histoire avec Mister Duplicity), puis un an plus tard, à l'automne 2011, on s'est revus à une fête où il est venu avec sa nouvelle copine.
Trois fois en deux ans. Autant dire rien.
Sauf que John Doe et moi parlons très régulièrement sur Facebook. Nous avons ce que l'on pourrait appeler une relation épistolaire. C'est un peu étrange. Mais on se parle. Souvent. Beaucoup. On parle de tout et de rien, on se raconte nos vies, on fait des blagues, on flirtouille, on se chamaille, parfois on se dispute vraiment, puis on s'excuse, on se réconcilie, on se refait des blagues, on se reraconte nos vies, on reflirtouille. Ca fait deux ans que ça dure. Aujourd'hui, étrangement, on peut dire qu'on est proches. John Doe est quelqu'un d'important dans ma vie. Parfois on ne se parle que de loin en loin, avec pas mal de distance, juste pour prendre des nouvelles. Parfois on est amis et on se parle tous les jours. Depuis le début du mois de juillet, on se parle sans arrêt. L'autre soir, on a parlé de 1h à 5h du matin, et ça a "dérapé".


Je ne rentrerai pas dans les détails, ça n'est pas le but. Laissez-moi juste vous confirmer que baiser par messages écrits interposés, c'est laborieux, voire - je vais vous le dire franchement - impossible. On n'a donc rien fait du tout, en fait, en vrai, bien sûr.


On a juste été très loin par écrit, plus loin qu'on ne l'avait jamais fait.
Mais c'est absurde.
C'est complètement absurde et ça ne mène à rien. (Et pas seulement au sens pratique).

John Doe vit avec une fille (Jane. Obviously). Cette fille sait qui je suis et se méfie de moi comme de la peste (et elle a apparemment bien raison) (je sais, ça craint). John Doe n'est donc pas censé me fréquenter. Il me parle régulièrement mais dans le plus grand secret, et il est donc évidemment hors de question que l'on se voie. J'ai arrêté de lui proposer d'aller "continuer la conversation de vive voix au café". J'ai compris qu'il ne dirait jamais oui. Parce que s'il me voyait, ce serait en cachette, ce qui serait une trahison suprême. Et puis ça ne serait pas prudent. Parce que, soyons honnête, on n'est pas vraiment "amis", en fait. Et comme on a du mal à se parler sans déraper et finir par essayer de faire l'amour par internet (en dépit des obstacles pourtant assez flagrants qui s'opposent à une telle entreprise), il est peut-être préférable qu'on ne se voie pas en vrai (ma beauté fatale aurait forcément raison de lui, vous comprenez) (et je n'opposerais évidemment aucune résistance) (à l'impossible nulle n'est tenue). (Par ailleurs, il est hors de question que je recouche un jour avec un mec en couple). Bref, il n'y a aucune place pour moi dans sa vie à part cette "amitié" un peu bâtarde qui ne mène à rien.

Fini de jouer. 
(Oui, je suis en mode comédie musicale corny)
(Un peu comme tout le temps, en fait, finalement)


J'ai arrêté les frais de façon un peu abrupte, sur les coups de cinq heures du matin. Je me suis rétractée. Tout à coup, je me suis sentie très très seule devant mon écran, un peu comme quand un mec que tu connais à peine est en train de s'exciter sur toi et que tu as subitement une "out of body experience" parce que tu ne l'aimes pas et qu'il ne t'aimera jamais et que tout à coup tu te sens triste et vide et que tu as envie de pleurer. (Dites-moi qu'il n'y a pas qu'à moi que ça fait ça).  Je me suis dit qu'il aimait une autre fille, que j'étais juste cette petite nana avec qui il aimait flirter pour jouer avec le feu et goûter aux joies de l'interdit à peu de frais, que tout ça n'avait rien à voir avec moi, qu'il n'y avait rien pour moi dans cette histoire.
Du coup c'était un peu comme si je l'avais planté à poil dans son lit avant de me rhabiller et de rentrer chez moi. On s'est donc "quittés" de façon un peu brutale, et je me demande un peu ce que notre "non-relation" va devenir après ça. En même temps, je ne suis pas vraiment inquiète, parce que j'ai le sentiment que ma relation avec John Doe est un truc assez immuable. Immuable parce qu'inexistante, quelque part. On a échangé quelques mots, quelques mots qui veulent dire "C'est pas grave tout va bien on en parle plus bisous à plus tard". C'est tout.
Et on se reparlera sûrement. Et on ne se reverra sûrement jamais.
Voilà. Encore un cas d'Eros manqué.
John Doe restera à jamais ce mec avec qui j'aurais pu vivre quelque chose et avec qui je n'aurai finalement jamais rien vécu. On sera passés l'un à côté de l'autre. Tant pis.

Bref, tout ça pour dire que des mecs supers avec qui j'aurais pu vivre des trucs supers, j'en ai rencontrés un certain nombre. Mais. Ils ont une copine, une femme, des enfants, ou bien ils sortent d'une longue relation et ils veulent s'amuser, ou bien ils en aiment une autre qu'ils n'arrivent pas à oublier, ou bien ils habitent dans un autre pays, ou bien ils ont dix ans de plus ou de moins que moi, ou bien un peu tout ça à la fois...
Compliqué. De plus en plus compliqué.
"Hier ou demain, je t'aurais dit oui. Hier ou demain, mais pas aujourd'hui"


C'est un peu comme l'apparition de la vie sur la Terre : il faut que tellement de conditions soient réunies pour que ça marche que ça tient un peu du miracle. Et pourtant, dans l'infinité de l'univers, il n'y a aucune raison que ça ne se produise qu'une seule fois.

What were the chances?


En attendant, je continuerai à recevoir des textos comme celui-là : "Amour, je te mordille le bout des seins". (Eh oui. Heureusement, même au fin fond de mon célibat, quand plus aucun mec n'essaiera de me faire prendre mon pied en tapant sur des touches, il me restera toujours ma douce et tendre Lady V pour m'envoyer des textos à caractère sexuel. Merci à elle).

Et en bonus :
(Aaaahhh Michel Legrand) (Cette scène est tellement merveilleuse, je ne m'en lasserai jamais)
(D'ailleurs pour faciliter encore un peu les choses, j'ai décidé qu'à partir de maintenant, 
si un mec ne me chantait pas des chansons en dansant, ça ne m'intéressait plus. Voilà. Et toc)

8 commentaires:

  1. Très bel article. :)
    On a tous connu ces non-relations, ces gens qui auraient pu être plus qu'ils ne l'ont été. Sans pour autant nourrir d'affreux regrets, seulement se demander ce qui aurait pu se passer etc.

    S.

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    1. Merci !
      Eh oui. Smoking No Smoking.
      Toutes ces vies parallèles que l'on ne vivra jamais...
      Bonjour S. ! Bienvenu(e).

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  2. Comme disait Perceval "vaut mieux bouffer une lace avant de rechercher le Graal parce que bordel les drogueries se font rares par chez nous." et aussi "L'aube s'écroule lorsque nos rêves débordent de nos vies" et aussi "Bayane t'as intérêt a écrire prochainement sinon ton marchand de glace deviendra mon Graal" cf Perceval le gallois.
    Sinon j'ai fait le tour des rayons bricolage et cuisine de la région pour trouver un pic a glace électrique. Je venais de lire ton post. Et j'ajouterai que si je déteste les blogs c'est aussi parce que s'ajoutent aux passantes les femmes qui tiennent un blog et sont irrésistibles, COMME ELLE... CELLES qui resteront un rêve de l'aube. Mais dont le concept blog confirme que notre double complémentaire parfait existe en ce monde et que jamais, non JAMAIS nous ne pourrons la fixer main dans la main un sourire radieux soulignant le bonheur que nous n'aurons jamais.
    Je viens de me pendre à la vigne vierge j'ai mis le pic a glace en route. Mon cerveau frémit a l'idée de la douleur. Ma vie noue mon ventre à l'idée de la fin.... Je manque de longueur de câble. Mais qu importe un jour viendra.

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    1. Rholala, eh ben bonhomme... Je ne voulais pas te miner.
      (Va donc boire un coup sous la vigne vierge pour me soigner ce gros chagrin, veux-tu).

      Déjà qu'hier quelqu'un est tombé sur mon blog en tapant "comment se suicider par gaz d'échappement" (ça m'a un peu traumatisée)...

      (Bon en même temps du coup la personne en question a lu mes quarante posts à la suite, ça lui a peut-être changé les idées, je suis une bienfaitrice de l'humanité je vous dis !)

      T'inquiète, je réécris bientôt, j'ai encore plein de conneries gnangnan en moi et je ne vous épargnerai pas.

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    2. Ouais c'est ce que je fais . Je bois. Sur une terrasse. Perceval t'aurait certainement avoué que tu es de ces belles passantes dont on aimerait qu'elle demeure à nos cotés. Dommage que j'ai l'âge de Merlin avec tout ce qui va avec.
      Je vais me flinguer dans mon frigo au moins je serai conservé.

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    3. Aaah Perceval mon amour...
      http://www.youtube.com/watch?v=h8SDacUZcdY
      Ben moi je fais encore une insomnie, alors du coup je vais regarder Kaamelott Playmobil ! (Youpi). Tu devrais en faire autant :)

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  3. Commençons par le plus important, parlons de moi. Suite à ton commentaire, je te réponds, oui, devenir scénariste, c'est un peu le rêve de ma vie. Mon plan c'est de continuer le droit, de devenir riche et de créer ma propre série télé. (Le pire c'est que je suis sérieux là tout de suite)

    Enchaînons avec ton article pour que mon commentaire ne soit pas trop hors sujet. :) Premièrement, c'est mal de coucher / flirter avec un mec déjà en couple et je te juge un peu du coup. Ceci étant dit tu expliques tout ça très bien et ton article devrait être publié à la fin des vieux romans à l'eau de rose à 4euros60 à carrefour. (Pour clarifier que non, la vie n'est pas aussi simple que "ce fut le coup de foudre et on a pu surmonter tous les obstacles.")

    Ensuite, puisqu'il n'y que ça pour te faire plaisir c'est avec entrain que je t'embrasse dans le cou en te carressant virtuellement les cuisses. :)

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  4. Histoire infinie.
    Expérience perso, rien n'est joué d'avance, on peut parfois s'accorder une chance de toucher le bonheur avec Elle.
    Encore faut-il qu'Elle soit là et accepte, malgré le passé.

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