mercredi 29 janvier 2020

To breed or not to breed ?

Août 2018. On est quelque part dans le 5ème. Les filles sont rentrées de Tahiti (pour de bon) depuis pas très longtemps et je suis avec Pollyanna devant le bar. Elle est sortie fumer une clope et je suis venue la rejoindre parce que le barman avec qui on discutait avec BB était une tête de con (il nous racontait qu'il baisait avec plein de meufs mais qu'il ne mettait jamais de capote parce que "t'en connais des gens qui ont le sida toi?") et que ça me rendait ouf. On se met vite à parler bébé. De leurs efforts pour en avoir un et des raisons pour lesquelles, moi, je ne suis pas du tout sûre d'en vouloir. J'expose un certain nombre d'arguments, assez longuement, mais quand BB nous rejoint et que le sujet revient dans la conversation, Pollyanna  lui résume ma position de façon assez efficace.
BB, s'adressant à moi : Bon et toi alors, avec Tom, vous vous y mettez quand ?
Moi : Ben... Je suis pas sûre de vouloir des enfants, en fait.
BB : Ah ouais ? Mais pourquoi ?
Pollyanna, soufflant la fumée de sa clope, laconique : Elle a la flemme.

C'est évidemment plus compliqué que ça, mais ça résume finalement assez bien les choses.

Voyez vous, toute ma vie je me suis dit que je voulais avoir des enfants quand je serais grande.
Puis quand j'ai été grande mais célibataire je me suis dit que je voulais avoir des enfants mais qu'il me fallait un père. Parce que je ne voulais pas avoir des enfants en soi : pas toute seule. Ce que je voulais c'était fonder une famille, reproduire la petite famille nucléaire dans laquelle j'avais grandi.
Et puis maintenant je suis grande, et je vis avec l'homme le plus merveilleux que la Terre ait jamais porté, et il veut bien qu'on ait des enfants, et du coup ben... je ne sais plus.
Il faut dire que je n'avais jamais été confrontée à cette situation avant.


J'ai 38 ans, il serait donc temps que je me décide.
Mais force est de constater que je n'ai pas du tout envie d'avoir des enfants là maintenant tout de suite. Or, si ce n'est pas là maintenant tout de suite, si c'est plutôt là bas demain plus tard, ça risque peut-être d'être loin loin là bas jamais en fait. Alors certes je sais bien que je peux encore faire des mômes jusqu'à 40 ans, tout ça, mais bon, je vois tellement de couples qui galèrent, qui mettent deux ans à y arriver, je me dis qu'à 40 ans ce n'est pas parce que c'est possible que ce sera simple, là, comme ça, juste parce que je l'aurai décidé. Si je le décide.

Oui parce que voyez vous Tom Pouce est merveilleux. En gros, il ne fait aucun doute que si je voulais un enfant dans l'immédiat, il serait ravi que nous en fassions un. De même, si je décide que je ne veux jamais d'enfant, c'est ok aussi. On en a parlé, il serait heureux d'être père, mais pas malheureux de ne pas l'être, et là du coup sur ce coup là il veut ce que je veux. Or, ben... je ne sais pas ce que je veux.
C'est une liberté merveilleuse qu'il me laisse et, en même temps, c'est une pression et une responsabilité énorme. Des fois, je regrette qu'il ne soit pas plus sûr de ses désirs à lui. S'il me disait qu'il veut absolument un enfant, quelque part ça réglerait le problème : je dirais oui, et voilà. (S'il n'en voulait pas, ça ne serait pas si simple, cela dit. Soyons honnêtes, il ne fait aucun doute que s'il ne voulait pas d'enfant je crèverais d'envie qu'il me donne ce qu'il refuserait de me donner - et je prendrais pour un manque d'amour qu'il ne veuille pas fonder une famille avec moi).
Là, il est comme moi, il se tâte. D'autant qu'il a 33 ans, ce qui n'aide pas forcément à créer en lui un sentiment d'urgence, même si sa douce et tendre en a 38.
Je ne vais évidemment pas me plaindre d'avoir un mec qui m'aime et qui veut mon bonheur et est prêt à me faire des enfants demain, ou dans deux ans selon mon bon vouloir - et qui serait un père merveilleux - mais qui est aussi prêt à vivre avec moi, rien qu'avec moi, sans progéniture, et à s'en porter bien. C'est juste que des fois je regrette que la décision repose sur mes épaules.
L'idée d'avoir des enfants m'inspire davantage de peur que d'envie, mais j'ai aussi parfois peur de regretter de ne pas avoir eu d'enfants.
Dilemme de beaucoup de trentenaires aujourd'hui.

Je vois des couples qui ont fait des enfants et qui sont comblés. Qui vont même jusqu'à en faire un deuxième : comme quoi ça doit pas être si mal, s'ils réitèrent. (Quoique ça peut être une tactique sur le long terme : à deux, les enfants jouent ensemble et donc représentent, après quelques années, paradoxalement moins de boulot).
Je vois des couples qui n'ont pas d'enfants, qui n'en veulent pas, qui le savent, et je leur envie leur certitude à eux aussi. Je leur envie leur tranquillité d'esprit.
Je vois des couples qui galèrent à en faire et qui en souffrent mais qui savent qu'ils en veulent un, et quelque part je leur envie leur certitude, même si je ne leur envie évidemment pas la souffrance liée au fait de vouloir un enfant et de ne pas y arriver.
Le désagrément que cause mon incertitude n'est évidemment pas comparable à la souffrance de ceux qui veulent un enfant et n'y arrivent pas, mais bon, voilà, il est là.
La balance penche essentiellement vers le "not to breed", en ce qui me concerne, car comme je le disais, force est de constater que je ne suis pas du tout taraudée comme certaines par le désir d'enfant.
Oui, bien sûr qu'il m'est arrivé d'avoir envie de pleurer quand une amie à moi m'annonçait qu'elle était enceinte alors que moi j'étais célibataire, mais c'est parce que je lui enviais de construire quelque chose avec quelqu'un, d'être "arrivée", en quelque sorte (oui, comme si une femme avait réussi sa vie une fois qu'elle avait obtenu d'être en couple avec enfant, je sais que c'est con mais je suis un fruit de mon époque, hein). Mais maintenant que je suis en couple, les grossesses des autres ne me font plus pleurer.
Je trouve leurs enfants adorables, je suis gâteuse devant leurs petits bouts de chou, je les câline, je joue avec eux, tant et si bien qu'on me dit parfois "Mais si ça te met dans cet état là faut t'y mettre, hein, faut en faire un". Mais je ne sais pas, en fait, si j'en veux un... 
Quand elles ont l'air comblées, je leur envie ce sentiment de béatitude, d'accomplissement, comme Gigi ou Petrouchka qui ont deux enfants chacune aujourd'hui et sont au comble du bonheur, parce qu'elles ont aujourd'hui ce qu'elles ont toujours voulu et se réalisent complètement dans leur rôle de mères. Je leur envie ce bonheur, tout en sachant (pensant ?) que pour moi ça ne fonctionnerait pas.

Voyez vous, je suis une fille essentiellement flemmarde.
Tout est relatif, évidemment.
Si on me compare à mon père et mon frère, par exemple, alors je suis une boule d'énergie, un zébulon, une hyper-active, ou, pour reprendre les mots utilisés il y a peu par Fleur pour décrire BB, "un motoculteur". Mais si on me compare à BB, justement, qui travaille le jour, va en boîte la nuit et, dès qu'elle a une demi-heure de pause dans une journée déjà très chargée, en profite pour aller faire un tennis, alors je suis la fille la plus casanière et la plus molle qui soit. Donc bon, c'est une question d'échelle. C'est un peu comme pour la propreté. Mon frère m'appelle "la police de l'hygiène" et me trouve psychorigide alors que comparée à beaucoup je suis plutôt une grosse slob bordélique... Mais bon, reprenons :
Je suis une fille assez essentiellement flemmarde.
Je suis sociable, oui, mais depuis toujours je suis aussi la fille qui fatigue la première en soirée.
Je suis la fille qui allait dormir sur les manteaux en milieu de soirée, vous savez. Celle qu'il fallait réveiller pour récupérer votre sac à main parce qu'elle était étalée dessus, inconsciente. Je suis cette fille là.
Je suis casanière, en partie je pense parce que comme je suis un peu psycho-pétée, j'ai besoin de beaucoup de calme pour mon équilibre personnel. Et quand je vois à quel point je suis fatiguée et angoissée quand je rentre du boulot le soir, je n'imagine pas une seule seconde comment je pourrais, en plus de ça, enchaîner sur une seconde étape faite de contraintes où je devrais m'occuper d'un enfant.
Je ne sais pas comment font mes collègues. Ceux qui ont des enfants. Moi, personnellement, quand je rentre du boulot, la première chose que je fais, c'est me mettre en pyjama et m'effondrer sur mon lit pour y geeker une ou deux heures. J'ai besoin de ça pour me ressourcer après une journée de travail, j'ai toujours admiré les gens qui peuvent enchaîner sur des activités sportives, culturelles ou familiales - courir au yoga, aller chercher les enfants, aller au théâtre...-, moi je n'en suis pas capable. Je ne dis pas que je ne le fais jamais, hein, mais ça reste exceptionnel. Parce que j'ai un besoin infini de calme et de repos pour être heureuse (et par là j'entends sereine), et parce que j'aime ma vie telle qu'elle est, quand je peux rentrer et passer la soirée à glander avec Tom-Tom, à poil sur le lit avec une bière et le chat, à mater des séries bêtes et à rigoler. Des fois j'imagine un enfant sur le lit avec nous et je me dis... non.

Beaucoup de mes collègues qui ont des enfants m'ont dit qu'elles étaient beaucoup plus efficaces depuis qu'elles étaient mères, qu'elles se laissaient moins bouffer par le boulot parce qu'il était devenu secondaire. Du coup en soi ça a l'air plutôt cool, si c'est un truc qui me permettrait de moins me faire bouffer par le boulot. Mais bon, si au final ça marche pas et que ça fait juste un truc supplémentaire qui me bouffe, c'est le burn out permanent assuré, et pas sûr que ça soit un super projet de vie. Arrêtez moi si je me trompe. 
Evidemment que quand je suis chez des amis qui ont des enfants j'adore les prendre sur mes genoux (les enfants, pas mes amis), les faire rire, et que je fantasme parfois au bonheur d'avoir un petit être comme ça qui grimperait sur mes genoux en m'appelant "maman". Et oui, j'aimerais parfois pouvoir observer un petit être grandir au jour le jour, le voir découvrir le monde, s'émerveiller au zoo, ouvrir de grands yeux quand il apprendra que la Terre est une boule qui tient toute seule dans le vide ou encore qu'il existe sur Terre des animaux dont il ignorait jusqu'ici l'existence et qui s'appellent des gnous (un moment fondateur de mon existence)... Mais bon, pour être honnête je crois que ce qui m'intéresse essentiellement chez les enfants, c'est leur côté peluche + sujet d'étude de l'être humain + petit élève docile avec qui je pourrais jouer à la maîtresse + projection fantasmée de ma propre enfance fantasmée. Des raisons qui suffisent sûrement à beaucoup de gens mais qui ne me semblent pas suffisantes en soi. Et puis bien sûr il y a l'envie assez humaine de prétendre à une forme d'immortalité à travers son enfant : l'envie de pouvoir léguer ce que j'ai moi-même hérité de mes parents, pour que ma mère, mon père, mon frère, mon conjoint et moi-même continuions à vivre à travers quelqu'un après notre mort.
Mais bon, bref, on ne fait pas des enfants pour avoir une peluche à qui parler de gnous et de planètes, ou pour avoir une sorte de disque dur externe sous forme humaine qui puisse faire vivre vos souvenirs après votre trépas. Not valid.
Ah oui, j'oubliais aussi le désir - non négligeable - d'avoir un enfant pour lui donner un prénom cool, un peu comme quand tu te prenais de passion pour un prénom étant enfant et que tu t'empressais de jouer aux Barbies ou de commencer un nouveau "roman" pour donner ce prénom à ton nouveau personnage. Je me souviens très bien de mes passions d'enfant pour les prénoms Jennifer, Pamela et Philomène... Oui. (Sachant ça, peut-être qu'il est en effet préférable que je ne fasse pas d'enfant, en fait). 

Autre gros problème : j'ai beau envisager ces moments de bonheurs potentiels, quand je pense à avoir des enfants, je vois essentiellement les contraintes et les souffrances apparentées. Thomas dit que ça doit pas être facile tous les jours, d'être moi, à toujours envisager le pire, mais par exemple j'ai beau trouver les enfants des autres immanquablement adorables, je suis en réalité intimement persuadée que mon enfant à moi serait un monstre qui gâcherait ma vie. Disons que si jamais je pouvais rencontrer le môme en personne au préalable avant de signer pour l'accueillir dans mon quotidien pour l'éternité, y aurait peut-être moyen de négocier. Un peu comme avant un rendez vous ok cupid, je consulterais ses réponses à une série de questions pour savoir si on est compatibles (par exemple, s'il a un intérêt tout relatif pour les gnous, mais que genre il adore le marketing, c'est mort). Mais je ne me sens pas joueuse au point d'accueillir dans mon foyer (de 30 mètres carré qui plus est) un petit être étranger dont je ne sais rien et qui fort possiblement me fera la misère et me balancera ses petits pots dans la gueule en hurlant. 
Tout le monde dit en effet qu'un accouchement, c'est une rencontre, et que tu rentres à la maison avec un petit être qui a déjà une personnalité bien à lui.... Et si la personnalité de mon môme à moi, c'était d'être un malade mental toxique ? Ou une adulte naine psychopathe déguisée en petite fille ?

 My point exactly.


Sûrement une déformation professionnelle, aussi. En fait je pense que le métier de prof en dégoûte beaucoup d'enfanter. Parce que je veux bien un enfant jusqu'à genre ses dix ans, mais après, ben... j'ai vu, et j'ai pas été conquise conquise, en fait. 
En effet, cette peur d'avoir un môme hostile qui ne m'obéit pas et me balance des objets à la gueule, je n'ai pas à aller chercher très loin dans ma mémoire pour savoir d'où elle vient.
Le collège, c'est une jungle. Tous ces gosses qui se martyrisent les uns les autres, qui martyrisent leurs profs, qui martyrisent leurs parents... Des parents d'élèves au bord de la crise de nerfs, j'en ai vu. Eh ben ça ne m'a pas du tout donné envie d'être à leur place.



J'ai aussi vu des proches m'avouer que la parentalité ben... c'était dur. Surtout les hommes, d'ailleurs, c'est marrant. Quasiment aucune mère n'a réellement encore osé verbaliser clairement devant moi qu'elle en chiait. Ca n'est pas socialement accepté, une mère qui n'est pas comblée par la maternité. Elle a le droit de dire qu'elle en chie, mais elle doit ajouter que ça vaut le coup. Il n'y a que des pères qui se soient autorisés à me dire des trucs comme, (hagards) "Oui enfin c'est important de dire que ça n'est pas que du bonheur, hein" (après ne m'avoir, à ce propos, jamais dit que ça en était), ou à me dire carrément de ne pas en faire. (Un des pères m'ayant explicitement conseillé de ne pas enfanter étant par ailleurs mon propre père, ce que, hum, je ne sais pas trop comment prendre). 
Moi l'autre jour à un collègue, père depuis deux ans : Eh, salut ! Ca fait longtemps que j'ai pas eu de tes nouvelles dis donc, on se voit plus. Ca va ?
Lui : Oui, en fait moi aussi ça fait un moment que je ne me suis pas vraiment vu... Je te cache pas que moi aussi j'aimerais bien prendre un peu de mes nouvelles un de ces quatre mais bon, c'est pas pour tout de suite je crois. 
Un autre collègue, un autre jour, à propos de mon désir potentiel d'enfant : Oh non, fais pas d'enfant ! Le problème des enfants c'est qu'ils sont tout le temps là. Tu dînes le soir avec ta femme, ils sont là. Tu pars en week-end, ils sont là. Tu pars en vacances, ils sont là. Ils sont là tout le temps

Et c'est vrai que c'est diablement time-consuming, un enfant. J'ai beau adorer ma nièce de désormais onze ans (la nièce de Tom, en fait), qui me le rend bien, je craque assez vite face à la sollicitation constante dont je suis l'objet quand je la vois, depuis plus de trois ans que je suis avec son oncle. Viens on joue aux petits malins, d'accord après ton café, bon tu viens jouer maintenant, mais t'as promiiiis, et tu connais les Totally Spies, et blablabla, et moi j'ai peur des araignées parce qu'une fois blablabla et puis mon poney il s'appelle Tonnerre et blablabla et toi c'est quoi ta couleur préférée et viens on fait un selfie, et mon dernier amoureux il avait peur de l'orage, blablabla, viens on se filme en train de dire des bêtises, et toi t'as eu combien d'amoureux, et tu veux que je te récites toutes les citations de ce film que j'adore et que t'as jamais vu, non, ben tant pis je le fais quand même, et après viens on court jusqu'au poteau là bas. Elle est adorable et je l'aime sincèrement beaucoup mais honnêtement elle m'épuise, je ne m'entends plus penser. Or, j'aime bien le calme. Et quand en week-end ou en vacances je vois ces couples dans les restaurants qui n'échangent qu'avec leurs enfants et pas entre eux, eh ben je suis contente d'être tranquille avec mon homme et de pouvoir parler longuement avec lui et décider de qu'on a envie de faire sans devoir prendre en compte les envies de qui que ce soit d'autre.
BB me dit qu'un jour on sera un vieux couple et qu'on se fera chier, et elle a peut-être bien raison, mais bon on ne va pas faire un enfant pour s'occuper : plein de couples se suffisent à eux-mêmes et j'espère qu'on sera de ceux là. 
Elle me dit de congeler mes oeufs parce que je risque de regretter et que ça m'offrira la tranquillité d'esprit à laquelle j'aspire. Mais Thomas dit que si je n'ai pas envie d'enfant aujourd'hui, les chances que j'en veuille subitement demain sont faibles. Je réponds que peut-être que je serai prise de panique quand tous nos amis auront des enfants et auront organisé toute leur vie autour d'eux parce que je me sentirai mise sur la touche. Mais on ne fait pas un enfant alors qu'on n'en a pas envie simplement parce qu'on risque de regretter après. C'est pas comme une robe en promo qu'on n'est pas sûre de porter un jour mais bon, zou, on la prend parce que sinon elle va disparaître. Parce qu'on ne peut pas revendre son môme sur Vinted, ni le filer à une copine ou à Emmaüs. Eh ouais. La différence entre les robes et les enfants. Fâcheux. 

Bref. En vérité je vous le dis : sauf événement inattendu majeur (genre grossesse), les chances que je vous annonce demain que j'ai accouché sont faibles. Et finalement, après ce long post où je parle à tort et à travers, force est de constater que comme Pollyanna le résumait si bien, en vrai... je ne ferai pas d'enfant parce que j'ai la flemme. Et je ne sais plus qui m'a dit un jour que ça n'était pas une bonne raison. Alors que moi je la trouve on ne peut plus valide, en fait. Si je préfère glander le soir, dormir la nuit, faire la grasse matinée le week-end, jouer un minimum aux petits malins (ou alors juste pour le plaisir de les appeler Pamela et Philomène), et regarder des documentaires sur les gnous entre adultes, eh bien diantre, c'est mon droit le plus strict.

La vérité c'est qu'un enfant serait un chamboulement qui risquerait de mettre à mal mon équilibre, que c'est trop d'inconnu pour quelqu'un qui comme moi peine souvent à être sereine.
C'est un peu comme pour cette histoire de réorientation professionnelle : on sait ce qu'on perd, et on ne sait pas ce qu'on trouve. Or, j'ai une idée confuse de ce qu'il y peut y avoir de merveilleux dans la parentalité et dont je me prive, mais je sais aussi (et surtout, parce que je ne connais que ça, c'est mon quotidien, et - boulot excepté - je l'aime bien) ce à quoi je devrais renoncer, et je n'y suis pas prête.
Et puis j'ai beau savoir que plein de couples s'éclatent avec leurs enfants et qu'ils leur procurent davantage de joie que de désagréments, moi dans l'ensemble (comme je le disais déjà précédemment) j'ai tendance à ne voir que la souffrance potentielle. La fatigue, le stress, la pression, le sentiment de se perdre, le gamin qui t'accapare, le gamin qui te rejette, l'ado qui te fait des reproches, l'ado qui te manque de respect, la peur constante qu'il leur arrive quelque chose, la peur de les traumatiser avec ma peur constante qu'il leur arrive quelque chose, la culpabilité d'avoir mal fait... (Tom a raison : parfois c'est fatigant d'être moi). Déjà que je ne supporte pas la pression, la charge mentale, la culpabilité, la constante remise en question et l'exposition constante au jugement des autres induites par mon métier de prof, donc être mère en plus...


Ma dernière psy a essayé de parler avec moi de cette peur, un peu comme si redouter la maternité était une pathologie, une anomalie psychologique que j'arriverais à surmonter une fois correctement psychanalysée. Comme si une femme en bonne santé psychique ça existait voulait forcément un enfant.  Et je ne dis pas que cette peur ne dit pas quelque chose de moi, hein, simplement que ça n'est pas forcément un truc négatif qu'il faille régler.
C'est marrant, cette idée qu'une femme qui ne veut pas d'enfant est en quelque sorte défectueuse. J'ai deux collègues il y a quelques mois, cinquantenaires avec enfants, qui disaient à la cantine que ne pas vouloir d'enfants étaient une forme d'égoïsme. D'égoïsme ?!
Non mais comment peut-on être égoïste de ne pas vouloir s'occuper d'un être qui n'existe pas ? Si je faisais passer mon bonheur avant et au détriment de celui d'un enfant existant, passe encore (un truc que j'ai suffisamment pu reprocher à mon père pour ne pas personnellement prendre le risque qu'on me le reproche un jour), mais égoïste de ne pas vouloir créer un enfant pour m'en occuper ? C'est ouf, cette société, quand même.
J'ai une autre collègue qui vit avec un homme d'une cinquantaine d'années, père de deux ados issues d'un premier mariage, et qui me racontait qu'il critiquait les jeunes femmes d'aujourd'hui, les femmes comme elle quoi, ces adulescentes qui veulent vivre leur vie sans entrave et qui sont selon lui beaucoup plus immatures et égocentriques que les femmes de sa génération. (Oui, elle a tiré le gros lot). C'est marrant, cette idée hyper répandue que ne pas vouloir avoir d'enfant c'est 1) être anormalement autocentrée et donc moralement défectueuse et 2) refuser de grandir.

Alors oui, évidemment, je rêve parfois d'emmener la petite Philomène à la pêche aux coques comme ma mère l'a fait avec moi quand j'étais enfant, et je suis convaincue qu'elle serait adorable dans ses petites bottes en caoutchouc coloré, mais en vrai je ne suis pas prête à sacrifier mes grasses matinées pour cette image d'Epinal. Car je vous le rappelle, derrière cette image d'Epinal, je n'oublie jamais qu'en réalité, Philomène s'appelle peut-être Nathalia. (On ne se méfie jamais assez).

Je finirai sur ce petit échange cocasse à une soirée où j'étais il y a quelques mois. Une soirée privée, pour un anniversaire, où il y avait un vigile à la porte qui demandait un mot de passe (le mot de passe, c'était tiger) (si), une nana dans l'entrée qui prenait ton manteau et ton sac en échange d'un ticket (si), et dans le jardin, à côté du trampoline géant, des mecs payés pour te faire des hot-dogs. Un monde parallèle. Très très étrange. Chez des amis d'amis d'amis. Bref. Un échange que j'ai eu là bas avec un mec d'une quarantaine d'années, jeune papa :
Lui : Bon et vous, vous pensez à faire un enfant ?
Moi : Ben je suis pas sûre d'en vouloir, en fait.
Lui : Ah ouais ? C'est con, il faut se lancer, vraiment. Moi je suis le plus heureux des hommes. Au début j'avais la trouille mais je ne regrette pas du tout, c'est une expérience incroyable. Vous devriez faire un enfant, franchement c'est con de se priver de ça.
Moi : Ben c'est vrai que j'ai peur de regretter, mais je crois que cette peur est surtout construite par la pression sociale, en fait. Parce que justement les gens me disent que je vais regretter.
Lui : Ah non mais ça tu t'en fous, ces gens là faut pas les écouter (#ironie) : la pression sociale, c'est de la merde. Tu fais tes propres choix. 

Ah. Bon ben ok, alors. Je vais faire ça. (Une fois que je saurai ce que c'est, mon choix) (Hum).

vendredi 17 janvier 2020

Une bouteille à la mer



Je suis en arrêt maladie pour burn out.
(Oui, je sais, c'est la honte, le monde est dans la rue et moi je suis dans mon lit). 
Peut-être que ça va passer, peut-être que je vais pouvoir reprendre ma vie là où je l'ai laissée il y a deux mois et que tout ira bien.
Peut-être que non, je ne suis finalement pas à un tournant de ma vie, peut-être que tout ce qu'il ressortira de cet événement c'est que j'aurai perdu plusieurs semaines de mon existence à pleurer en pyjama. Ca va finir par passer et je vais retourner bosser, comme si de rien n'était. (Jusqu'à la prochaine fois).
Mais est-ce souhaitable ? 
A cet instant précis je me sens profondément démunie. Parce que j'ai le sentiment que je ne pourrai jamais y retourner, que cette partie de ma vie est révolue, mais je ne sais pas ce que je vais devenir. Qu'est ce que je dois faire pour que ça change ? Qu'est ce que je vais faire de moi même ?
Les gens me disent que c'est l'occasion de me réinventer, que c'est excitant, que c'est un nouveau départ.
Or, un burn out ce n'est pas seulement de l'épuisement professionnel, ça s'apparente aussi à une bonne dépression comme chacun sait, donc autant dire que dans mon état psychologique actuel le côté "nouveau départ super excitant" ne m'apparaît pas tout de suite étant donné que j'ai le sentiment d'être une bonne à rien (et pour cause, je ne suis actuellement pas tellement foutue de me lever le matin, ce qui - vous en conviendrez - n'aide pas quand on veut commencer une nouvelle carrière professionnelle). 

 Vous avez vu, je vous raconte que je suis au fond du trou mais je mets quand même 
des petits gifs fun pour mettre un peu de légèreté. Parce que je suis sympa.

Est-ce que cette femme que je suis actuellement, qui peine à se lever pour aller se faire à bouffer, qui a un mal fou à sortir et même à répondre au téléphone va à terme donner naissance à une nouvelle moi, une meilleure version de moi ? Est ce que ma couette est en fait une chrysalide dont je vais sortir, après gestation, magiquement transformée ? Ce serait cool, dites. (Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai comme le pressentiment qu'on ne révolutionne pas sa vie en regardant le plafond).
Bon mais comment on fait pour se réinventer ? 
Moi je suis prof, fille de profs, je pense que je suis devenue prof essentiellement parce que je ne savais même pas qu'il y avait d'autres métiers, en fait. Du coup tu fais quoi quand un jour à 38 ans tu te réveilles et tu réalises que ton métier ne te rend pas heureuse et que tu veux faire autre chose mais que tu n'as pas d'argent, aucune formation et aucune relation ? Ben t'es bien emmerdée.
Parce qu'on sait ce qu'on quitte mais on ne sait pas ce qu'on trouve. J'ai le sentiment que le monde du travail est un tel champ de bataille actuellement que si je tourne le dos à mon boulot de prof - qui ne me rend pas heureuse - je vais juste me retrouver dans un état de précarité innommable, ce qui ne m'aidera pas forcément à aller tellement mieux. Parce que soyons honnêtes, à part enseigner l'anglais, je ne sais pas faire grand grand chose.
Comment on fait pour savoir des trucs sur les métiers des gens ? 
Je voudrais être une élève de 3ème pour pouvoir aller faire des petits stages d'observation, voir comment ça se passe chez les autres.
Je voudrais demander aux gens comment ils en son arrivés où ils sont. Comment Victoire Tuaillon est-elle devenue Victoire Tuaillon ? Comment Titiou Lecoq est-elle devenue Titiou Lecoq ? Comment Laélia Véron est-elle devenue Laélia Véron ? Comment Emma est-elle devenue Emma ? Comment Thomas Messias est il devenu Thomas Messias ? Comment Monsieur le Prof est-il devenu Monsieur le Prof ? Comment Laurent Sciamma est-il devenu Laurent Sciamma ? Comment fait-on pour faire de sa passion son métier ? (Oui, je sais, Monsieur le Prof, Thomas Messias et Laélia Véron sont profs, mais ils font aussi autre chose, autre chose qui me passionne et que je leur envie). Comment fait-on pour être payé à parler de trucs qui nous passionnent ? Je veux dire évidemment que c'est parce que ce sont des gens passionnants, brillants, intelligents, drôles, qui se sont battus pour y arriver, tout ça tout ça, mais comment ils ont fait ? 
C'est possible de devenir journaliste à 38 ans, quand on n'a aucune formation et qu'on ne connaît personne ? On fait quoi, on écrit un truc et on l'envoie à des journaux en espérant que quelqu'un le publie ? On publie des trucs sur des blogs en espérant être remarqué un jour ? (En même temps mon blog ne révèle pas exactement que je suis Edwy Plenel, donc pas sûre que ça soit à mon avantage). 
Ou alors quoi ? Si je ne peux pas recommencer des études pendant des années pour faire un nouveau métier parce que je suis trop vieille et que je n'ai pas les moyens de me financer pendant que je le fais, je fais quoi ? Je cherche un métier dont les formations sont moins longues ? 
Si je ne peux pas être autrice, journaliste, présentatrice d'un podcast passionnant, psy, sociologue, est-ce que je veux faire un métier manuel ? Est-ce que je veux devenir jardinière ? Est-ce que je veux bosser pour un dépôt vente ou un antiquaire ? Est-ce que je peux être payée pour écouter des podcasts tout en ponçant et rénovant les meubles des gens, comme je fais avec ceux que je trouve dans les dépôt vente ? (Pas sûr que ça soit un métier, hein ?). Est-ce que je veux apprendre à fabriquer des trucs ? Faire de la céramique, de la poterie, des bijoux ? Peinarde, toute seule dans un atelier ou avec seulement quelques autres adultes ? En même temps les chances de gagner ma vie en vendant de la poterie sont - laissez moi deviner - faibles... Ou bien sinon je veux bien faire un truc pour sauver la planète, genre (une idée, comme ça), mais je fais comment ?
Est-ce que je peux faire un peu de tout ça quelques mois pour voir, parce que je saurais suffisamment comment faire de façon innée et donc on m'engagerait et on me paierait pour le faire, juste le temps que je voie si ça me plait ? Non, hein ? Ouais, je me doutais un peu, notez.
Je me suis dit que j'allais essayer de contacter des gens que je connais, des amis, des amis d'amis, des amis d'amis d'amis, pour voir s'ils accepteraient de me rencontrer pour un café et de me raconter comment ça se passe, eux, leur boulot. C'est quoi leur formation, c'est quoi leur quotidien, c'est quoi les bons côtés, c'est quoi les mauvais. Ce sera ma première enquête journalistique, huhu. 
Du coup je me demandais si vous, peut-être, vous qui suivez peut-être encore ce blog (qui est à l'abandon ou presque depuis quelques années, j'en conviens, mais peut-être que vous avez un truc qui vous prévient quand quelque chose est publié ?), vous m'aideriez. 
Est-ce que vous pensez qu'il faut se mettre en danger pour tenter de réaliser ses rêves parce qu'on n'a qu'une vie et blablabla ou bien est ce que vous trouvez que je suis victime de la société qui dit qu'il faut forcément être épanoui dans son boulot sans quoi on a gâché sa vie et que je suis bien conne d'envisager de renoncer à la sécurité de l'emploi dans le contexte actuel pour me jeter dans une jungle hostile qui va me briser encore plus que l'Education Nationale ? (Faut dire que vu mon état actuel, me mettre en danger ne semble pas immédiatement la meilleure solution sachant que, certains jours, sortir m'acheter à manger, c'est déjà Koh Lanta. Mais bon, je vais redevenir normale, tôt ou tard. Tôt, j'espère).
Cela dit, doit-on continuer à faire un métier qu'on ne peut faire que shootée aux anti-dépresseurs et aux anxiolytiques ? (Bon, en même temps, peut-être que je ne peux faire aucun métier sans être shootée aux anti-dépresseurs et aux anxiolytiques, finalement. C'est pas comme si j'avais déjà essayé). (Oui, c'est le moment où vous découvrez mon petit côté Blanche Gardin) (Bienvenus du côté obscur).
(Et je demande des conseils ici mais je vous saurai immensément gré, si vous le faites, de ne pas rebondir là dessus en me disant que je devrais échanger les médicaments contre du sport et du jus de légumes, s'il vous plaît) (Merci infiniment) (Peut-être qu'un jour je ferai un post là dessus. Mais pas aujourd'hui).
Vous connaissez des gens qui se sont réinventés et qui en sont heureux ? Vous faites quoi, vous, comme boulot ? Ca consiste en quoi ? Vous avez fait quoi comme études pour faire ce métier ? Vous en êtes contents ? Vous avez des conseils, dites ? 

Oui, je sais, rien à voir, mais quand tu tapes "une bouteille à la mer"
 sur Giphy tu tombes sur ça, alors, ben... voilà.