vendredi 17 janvier 2020

Une bouteille à la mer



Je suis en arrêt maladie pour burn out.
(Oui, je sais, c'est la honte, le monde est dans la rue et moi je suis dans mon lit). 
Peut-être que ça va passer, peut-être que je vais pouvoir reprendre ma vie là où je l'ai laissée il y a deux mois et que tout ira bien.
Peut-être que non, je ne suis finalement pas à un tournant de ma vie, peut-être que tout ce qu'il ressortira de cet événement c'est que j'aurai perdu plusieurs semaines de mon existence à pleurer en pyjama. Ca va finir par passer et je vais retourner bosser, comme si de rien n'était. (Jusqu'à la prochaine fois).
Mais est-ce souhaitable ? 
A cet instant précis je me sens profondément démunie. Parce que j'ai le sentiment que je ne pourrai jamais y retourner, que cette partie de ma vie est révolue, mais je ne sais pas ce que je vais devenir. Qu'est ce que je dois faire pour que ça change ? Qu'est ce que je vais faire de moi même ?
Les gens me disent que c'est l'occasion de me réinventer, que c'est excitant, que c'est un nouveau départ.
Or, un burn out ce n'est pas seulement de l'épuisement professionnel, ça s'apparente aussi à une bonne dépression comme chacun sait, donc autant dire que dans mon état psychologique actuel le côté "nouveau départ super excitant" ne m'apparaît pas tout de suite étant donné que j'ai le sentiment d'être une bonne à rien (et pour cause, je ne suis actuellement pas tellement foutue de me lever le matin, ce qui - vous en conviendrez - n'aide pas quand on veut commencer une nouvelle carrière professionnelle). 

 Vous avez vu, je vous raconte que je suis au fond du trou mais je mets quand même 
des petits gifs fun pour mettre un peu de légèreté. Parce que je suis sympa.

Est-ce que cette femme que je suis actuellement, qui peine à se lever pour aller se faire à bouffer, qui a un mal fou à sortir et même à répondre au téléphone va à terme donner naissance à une nouvelle moi, une meilleure version de moi ? Est ce que ma couette est en fait une chrysalide dont je vais sortir, après gestation, magiquement transformée ? Ce serait cool, dites. (Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai comme le pressentiment qu'on ne révolutionne pas sa vie en regardant le plafond).
Bon mais comment on fait pour se réinventer ? 
Moi je suis prof, fille de profs, je pense que je suis devenue prof essentiellement parce que je ne savais même pas qu'il y avait d'autres métiers, en fait. Du coup tu fais quoi quand un jour à 38 ans tu te réveilles et tu réalises que ton métier ne te rend pas heureuse et que tu veux faire autre chose mais que tu n'as pas d'argent, aucune formation et aucune relation ? Ben t'es bien emmerdée.
Parce qu'on sait ce qu'on quitte mais on ne sait pas ce qu'on trouve. J'ai le sentiment que le monde du travail est un tel champ de bataille actuellement que si je tourne le dos à mon boulot de prof - qui ne me rend pas heureuse - je vais juste me retrouver dans un état de précarité innommable, ce qui ne m'aidera pas forcément à aller tellement mieux. Parce que soyons honnêtes, à part enseigner l'anglais, je ne sais pas faire grand grand chose.
Comment on fait pour savoir des trucs sur les métiers des gens ? 
Je voudrais être une élève de 3ème pour pouvoir aller faire des petits stages d'observation, voir comment ça se passe chez les autres.
Je voudrais demander aux gens comment ils en son arrivés où ils sont. Comment Victoire Tuaillon est-elle devenue Victoire Tuaillon ? Comment Titiou Lecoq est-elle devenue Titiou Lecoq ? Comment Laélia Véron est-elle devenue Laélia Véron ? Comment Emma est-elle devenue Emma ? Comment Thomas Messias est il devenu Thomas Messias ? Comment Monsieur le Prof est-il devenu Monsieur le Prof ? Comment Laurent Sciamma est-il devenu Laurent Sciamma ? Comment fait-on pour faire de sa passion son métier ? (Oui, je sais, Monsieur le Prof, Thomas Messias et Laélia Véron sont profs, mais ils font aussi autre chose, autre chose qui me passionne et que je leur envie). Comment fait-on pour être payé à parler de trucs qui nous passionnent ? Je veux dire évidemment que c'est parce que ce sont des gens passionnants, brillants, intelligents, drôles, qui se sont battus pour y arriver, tout ça tout ça, mais comment ils ont fait ? 
C'est possible de devenir journaliste à 38 ans, quand on n'a aucune formation et qu'on ne connaît personne ? On fait quoi, on écrit un truc et on l'envoie à des journaux en espérant que quelqu'un le publie ? On publie des trucs sur des blogs en espérant être remarqué un jour ? (En même temps mon blog ne révèle pas exactement que je suis Edwy Plenel, donc pas sûre que ça soit à mon avantage). 
Ou alors quoi ? Si je ne peux pas recommencer des études pendant des années pour faire un nouveau métier parce que je suis trop vieille et que je n'ai pas les moyens de me financer pendant que je le fais, je fais quoi ? Je cherche un métier dont les formations sont moins longues ? 
Si je ne peux pas être autrice, journaliste, présentatrice d'un podcast passionnant, psy, sociologue, est-ce que je veux faire un métier manuel ? Est-ce que je veux devenir jardinière ? Est-ce que je veux bosser pour un dépôt vente ou un antiquaire ? Est-ce que je peux être payée pour écouter des podcasts tout en ponçant et rénovant les meubles des gens, comme je fais avec ceux que je trouve dans les dépôt vente ? (Pas sûr que ça soit un métier, hein ?). Est-ce que je veux apprendre à fabriquer des trucs ? Faire de la céramique, de la poterie, des bijoux ? Peinarde, toute seule dans un atelier ou avec seulement quelques autres adultes ? En même temps les chances de gagner ma vie en vendant de la poterie sont - laissez moi deviner - faibles... Ou bien sinon je veux bien faire un truc pour sauver la planète, genre (une idée, comme ça), mais je fais comment ?
Est-ce que je peux faire un peu de tout ça quelques mois pour voir, parce que je saurais suffisamment comment faire de façon innée et donc on m'engagerait et on me paierait pour le faire, juste le temps que je voie si ça me plait ? Non, hein ? Ouais, je me doutais un peu, notez.
Je me suis dit que j'allais essayer de contacter des gens que je connais, des amis, des amis d'amis, des amis d'amis d'amis, pour voir s'ils accepteraient de me rencontrer pour un café et de me raconter comment ça se passe, eux, leur boulot. C'est quoi leur formation, c'est quoi leur quotidien, c'est quoi les bons côtés, c'est quoi les mauvais. Ce sera ma première enquête journalistique, huhu. 
Du coup je me demandais si vous, peut-être, vous qui suivez peut-être encore ce blog (qui est à l'abandon ou presque depuis quelques années, j'en conviens, mais peut-être que vous avez un truc qui vous prévient quand quelque chose est publié ?), vous m'aideriez. 
Est-ce que vous pensez qu'il faut se mettre en danger pour tenter de réaliser ses rêves parce qu'on n'a qu'une vie et blablabla ou bien est ce que vous trouvez que je suis victime de la société qui dit qu'il faut forcément être épanoui dans son boulot sans quoi on a gâché sa vie et que je suis bien conne d'envisager de renoncer à la sécurité de l'emploi dans le contexte actuel pour me jeter dans une jungle hostile qui va me briser encore plus que l'Education Nationale ? (Faut dire que vu mon état actuel, me mettre en danger ne semble pas immédiatement la meilleure solution sachant que, certains jours, sortir m'acheter à manger, c'est déjà Koh Lanta. Mais bon, je vais redevenir normale, tôt ou tard. Tôt, j'espère).
Cela dit, doit-on continuer à faire un métier qu'on ne peut faire que shootée aux anti-dépresseurs et aux anxiolytiques ? (Bon, en même temps, peut-être que je ne peux faire aucun métier sans être shootée aux anti-dépresseurs et aux anxiolytiques, finalement. C'est pas comme si j'avais déjà essayé). (Oui, c'est le moment où vous découvrez mon petit côté Blanche Gardin) (Bienvenus du côté obscur).
(Et je demande des conseils ici mais je vous saurai immensément gré, si vous le faites, de ne pas rebondir là dessus en me disant que je devrais échanger les médicaments contre du sport et du jus de légumes, s'il vous plaît) (Merci infiniment) (Peut-être qu'un jour je ferai un post là dessus. Mais pas aujourd'hui).
Vous connaissez des gens qui se sont réinventés et qui en sont heureux ? Vous faites quoi, vous, comme boulot ? Ca consiste en quoi ? Vous avez fait quoi comme études pour faire ce métier ? Vous en êtes contents ? Vous avez des conseils, dites ? 

Oui, je sais, rien à voir, mais quand tu tapes "une bouteille à la mer"
 sur Giphy tu tombes sur ça, alors, ben... voilà.


4 commentaires:

  1. Coucou Bayane,

    Je n’ai pas de notifications mais je passe régulièrement sur ton blog, au cas où il y aurait des nouvelles. Et oui, je suis très têtue.

    Il y a deux ans, j’ai été dans une situation très compliquée. Changement de travail pour la troisième fois en six mois, suite à une nouvelle collègue qui avait réussi à convaincre mes supérieurs et mes amis que j’étais rien qu’une vilaine harceleuse, décès de ma tante a 50 ans, puis de son père (mon grand-père donc), déménagement dans une nouvelle ville, nouvelle région où je connaissais personne, et, cerise sur le gâteau, non seulement j’apprenais que mon mari et moi on aurait pas d’enfant sans aide médicale mas en plus mon nouveau boulot était affreux et me menaçait de me placardiser si j’osais être enceinte.

    Un matin, ma cheffe m’a engueulée en public a huit heures du matin parce que je m’étais trompée de ligne dans un tableau excel.

    J’ai pleuré pendant huit heures (jusqu’à la fin du boulot), j’ai été voir le médecin qui m’a arrêté un mois.

    Je ne sais pas si c’était un burn-out, je crois que j’ai eu la chance d’être arrêtée avant d’avoir totalement brulé. Et je ne cherche pas à comparer les souffrances hein, chacun a sa propre sensibilité et sa propre douleur et aucune n’est pire ou meilleure qu’une autre.

    Pendant le premier mois, j’arrivais pas à me concentrer plus de cinq minutes d’affilées. Sur rien. On me parlait, j’oubliais dans les 10 minutes. Je ne faisais plus rien, en plus j’avais envie de rien, et, surtout j’ai épuisé. Je suis retournée au boulot, j’ai été re-chahutée, j’ai négocié une rupture conventionnelle, je me levais, je faisais le minimum syndical, je rentrais chez moi, je ne faisais rien. Mon préavis s’est terminé, je me suis retrouvée au chômage. J’y suis restée deux ans.

    Je ne considère pas avoir perdu ces deux années. J’ai écrit un « livre » (pas publié faut pas déconner), j’ai passé mon permis. La première année, je n’ai pas fait grand-chose, la seconde par contre, je ne sais pas, je me suis reprise en main. J’ai décidé qu’il était temps d’avancer, que je ne pouvais pas continuer à aller de boulot pourri en boulot pourri comme ça. Une amie m’a parlé de l’IFOCOP (je fais d la pub tu me diras si c’est mal). C’est une formation en 8 mois, la moitié en cours, la moitié en stage, sur des tas de métiers qui donne des diplômes reconnus d’état. C’est comme ça que j’ai pu avoir un niveau bac+2 en huit mois.

    Aujourd’hui, j’ai un travail qui me plait et je suis enceinte.

    Est-ce que rester sous ma couette m’a aidé ? Je ne sais pas. Est-ce que reprendre des études m’a fait du bien ? Oui, ce n’était pas difficile pour moi (je ne me suis pas reconvertie, j’ai décidé d’avoir le diplôme qui correspond à mon métier au lieu de le faire avec juste mes compétences) et ça m’a aidé de voir que j’arrivais à faire des choses. Surtout, je me suis donnée des objectifs simples. A très court terme. Bon, aujourd’hui, je fais ça. Genre la vaisselle. Ou écrire une page word. Ou peu importe. Petit à petit, j’ai pu en faire plus et plus. J’ai eu de la chance, j’ai toujours été très entourée de gens compréhensifs mais tu demandais des témoignages, c’est le mien, un peu en fouillis comme toujours mais bon hein 😉.

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  2. Si ton métier ne te plait pas, alors change. La vie est trop courte pour être malheureuse. On passe trop de temps au travail. Il n’y a pas de honte à changer, après tout on change nous, alors c’est normal. Ma grand-mère a trouvé sa passion a 40 ans, elle a repris ses études et est devenue ce qu’elle voulait. Oui, c’est plus facile quand on trouve depuis le début mais, hey, ces gens-là ont d’autres difficultés. On est ce qu’on est. C’est tout, c’est ni bien ni mal, c’est.

    Il y a beaucoup de métiers que tu peux faire. Tu peux écrire, tu le fais bien, tu le sais. Tu parles anglais, tu peux faire de la traduction même si ça paie mal (j’en ai fait, je peux te filer des contacts). Tu peux regarder du côté de community managers (Ifocop fait une formation que tu peux négocier avec l’éduc nat et qui peut être cofinancée par Pôle Emploi. Je dis Ifocop parce que je les connais mais peut y en avoir d’autres que je ne connais pas). Tu peux faire un bilan de compétence pour t’aider à trouver ce qui te convient le mieux (là encore, c’est gratuit par ton employeur ou Pôle Emploi). Mais ne le fait que quand tu es prête. Ne te force pas. Ecoute toi. Vis à ton rythme. Tu as 38 ans. Tu n’es pas à un ou deux ans près. (J’ai 35 ans moi – NB 36 maintenant !).

    Je crois que tu as mon adresse mail alors n’hésite pas à m’envoyer un message si tu veux discuter de façon un peu plus personnelle, ou même si tu veux qu’on se voit (je ne suis plus sur Paname mais y vais souvent). Si tu préfères pas, il n’y a pas de soucis non plus.

    Je termine en disant que bien que j’aurais préféré un post plus gai, je suis heureuse de te relire et que tu aies pu poster tes inquiétudes et tes interrogations. C’est très courageux et je te souhaite le meilleur.

    Toujours là,

    Deryn.

    Petit addendum car le temps a passé :
    J’ai accouché d’une jolie petite fille et ait du me séparer de mon mari donc surtout, assure toi si tu as un projet d’enfant de ne pas l’imposer à l’autre. Plus que tout je pense que c’est une décision qui doit être pondérée et prise si on le veut vraiment. Pour ma part je ne regrette pas une seconde l’arrivée de la petite dans ma vie mais d’avoir fait souffrir mon compagnon en lui imposant une présence qu’il n’était pas capable de gérer.

    Plein de pensées !

    Deryn

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  3. Salut,

    Je ne pensais pas que ça faisait si longtemps que je n'étais pas venue sur ce blog, pour lequel je ne reçois pas de notifications mais auquel je pense régulièrement et que je consulte donc à peu près une fois par an semble-t-il !
    Je suis désolée pour ton burn-out ou ta dépression qui je l'espère s'apaise après ces quelques mois de retraite, comme tu dis.
    Je viens de passer l'agrégation pour ma part (eh oui, alors que j'ai dû commencer à fréquenter ce blog avant le bac !), mais je ne suis pas encore en poste, et je ne connais moi non plus pas grand chose d'autre que les métiers de l'enseignement secondaire et supérieur, auxquels tu as sans doute déjà pensé dans leur ensemble (sachant que le supérieur est hélas peu accessible et souvent précaire). Bref, je ne peux pas répondre à la demande de ce post de façon satisfaisante, mais je t'envoie quand même des pensées, ainsi que mes meilleurs voeux pour cette année ! J'espère que la situation actuelle ne te pèse pas trop en plus de tout ça, et je suis au moins heureuse de constater que tu es une amoureuse comblée !
    Je suis sûre que tu vas trouver un moyen d'apprendre de nouvelles choses et de t'y épanouir ! Ton blog prouve que tu es tout à fait en mesure de créer des contenus intéressants (qui en tout cas maintiennent des gens en haleine depuis des années !!).
    Ce serait d'ailleurs amusant de relire tes posts avec un peu plus de recul et d'expérience que quand j'avais 17 ans, je vais sans doute profiter de mes heures d'enfermement pour m'y replonger...

    Bonne année donc ! et bonne chance !

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    1. Oh, Marie, bonjour ! Ca fait plaisir d'avoir de tes nouvelles. Je pense à toi parfois et je me dis en effet que tu es devenue grande ! Si jamais tu relis mes posts tu me diras l'effet que ça fait, dis : toi, tu avais 17 ans quand tu as commencé à les lire, moi j'aurais un peu peur en les relisant d'avoir l'air d'avoir eu 17 ans quand je les ai écrits ;-) Merci beaucoup pour tes voeux - je vais de mieux en mieux, et mon projet de reprise du travail avance un peu, quoique lentement - et bon courage pour l'agrégation, je sais le marathon que c'est ! Moi je l'ai loupée de très peu et je ne l'ai pas repassée parce que je voulais gagner ma vie et prendre mon envol mais honnêtement enseigner avec l'agrégation changera ta vie : tu travailleras moins pour plus d'argent et surtout tu auras à priori de meilleurs établissements dès le début. Je t'envoie donc plein de courage pour les mois à venir et pour l'oral !!

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