Deux élèves à moi, en 6ème, à la fin de l'année scolaire :
- T'as reçu ton bulletin du troisième trimestre, toi, ça y est ?
Exemple d'un emploi du temps de 3ème après la réforme :
Une idée que les parents véhiculent.
Mot de la mère d'une élève que je venais de coller parce qu'elle bavardait comme à son habitude depuis le début de l'heure au lieu de travailler (elle n'avait ni fait l'exercice, ni noté la correction) :
- T'as reçu ton bulletin du troisième trimestre, toi, ça y est ?
- Ouais... Mais heureusement c'est le ramadan, donc
ils peuvent pas me crier dessus.
Il fallait que j'en parle, quand même.
Ca va être long, je vous préviens.
Très long.
Je m'en excuse d'avance.
Le Ministère de l'Education Nationale compte
réformer le collège à la rentrée 2017, donc. Or, comme beaucoup
de professeurs, je m'oppose très fort à cette réforme avec mes
petits points serrés levés vers le ciel.
Lendemain de la première journée de grève,
discussion en classe avec mes 5ème :
Moi : Vous savez pourquoi j'étais absente,
hier ?
Un élève : Parce qu'il y avait la grève,
c'est ça ?
Moi : Voilà. C'est ça. Moi et mes collègues
on était nombreux à être absents hier parce qu'on était en grève.
On a été manifester dans les rues. Vous savez pourquoi on a été
manifester ?
Un élève : Contre Ebola, non ?
...
Je leur explique tant bien que mal. Que le collège va
être réformé et qu'on fait grève parce qu'on est contre, tout ça.
Un élève : Ca va vous donner plus de
travail, c'est ça ?
(Ou comment des gosses de 5ème ont déjà intégré
l'idée bien répandue selon laquelle les profs sont des glandeurs
finis qui ne foutent rien et font la grève régulièrement pour
s'assurer que ça ne change surtout pas).
Je vous aide : la réponse est non.
Non, nous n'avons pas fait grève parce que la
réforme voulait nous donner plus de travail et qu'on n'était pas
d'accord. On n'a pas non plus fait grève parce qu'on aime s'opposer
« pour s'opposer », comme j'ai entendu tant de personnes
le dire depuis que je suis prof. Des gens qui ne sont pas profs, qui
ne savent rien des réformes, qui ne savent rien de la réalité de
notre métier, mais qui discréditent d'office notre opposition parce
qu'un prof, ça s'opposerait systématiquement à tout, et ce
uniquement « pour le principe ». Un peu comme un enfant
de 3 ans en pleine période d'opposition.
De toute façon, prof, c'est un métier terrible
pour ça. Comme tout le monde a été à l'école, tout le monde a
son mot à dire sur ce qu'est un « bon prof ». Et donc se permet, avec beaucoup d'aplomb et souvent un poil de condescendance, de te donner des conseils. Vous
n'imaginez pas le nombre de personnes qui m'ont dit dans ma vie,
surtout au début de ma carrière quand j'en prenais plein la gueule
au collège : « Est-ce que tu leur as fait étudier des
chansons ? ». (Ca m'a toujours fait un peu le même effet
que quand, à l'adolescence, je disais à des gens de mon âge que
j'avais perdu ma mère en primaire et qu'ils me répondaient « Ma
pauvre, je comprends ce que tu ressens. Moi aussi, l'année dernière,
j'ai perdu mon grand-père »). Mais passons.
Je vous la fais courte : nous avons fait
grève parce que cette réforme – pour ce qu'on en a compris, parce
que croyez-moi, c'est pas clair – n'est selon nous pas une
bonne idée.
Un ami de ma tante : « Ben j'ai entendu
dire que le but de la réforme c'était de venir en aide aux élèves
en difficulté pour que tout le monde puisse réussir. C'est bien,
ça, non ? ».
Ah ben oui, tiens, une réforme pour faire de
l'école un truc qui essaye de faire réussir les élèves, quelle
riche idée ! C'est vrai, on avait bien besoin d'une réforme
pour ça, parce que nous à l'école, ça fait des décennies qu'on
fait des scoubidous. Merci, Mme Vallaud-Belkacem.
Mais tentons de résumer ce que j'ai compris de la
réforme en quelques points.
J'ai décidé de faire ça en 6 points.
1) La suppression des classes d'élite.
2) Les EPI ou Enseignements Interdisciplinaires
3) Les heures d'accompagnement personnalisé
4) La réforme de l'enseignement des sciences
5) La méthode actionnelle
6) Le contrat d'objectif
(Le tout fait l'équivalent de 10 pages Word. Pire qu'un post de l'Odieux Connard. Surtout que j'ai apparemment un discours très conservateur, donc peut-être qu'à l'avenir certains m'appelleront l'Odieuse Connasse. Bref, tenez vous prêts. Vous pouvez décider de ne lire qu'un point par jour pour vous ménager...).
J'ai décidé de faire ça en 6 points.
1) La suppression des classes d'élite.
2) Les EPI ou Enseignements Interdisciplinaires
3) Les heures d'accompagnement personnalisé
4) La réforme de l'enseignement des sciences
5) La méthode actionnelle
6) Le contrat d'objectif
(Le tout fait l'équivalent de 10 pages Word. Pire qu'un post de l'Odieux Connard. Surtout que j'ai apparemment un discours très conservateur, donc peut-être qu'à l'avenir certains m'appelleront l'Odieuse Connasse. Bref, tenez vous prêts. Vous pouvez décider de ne lire qu'un point par jour pour vous ménager...).
1) Suppression des classes « d'élite ».
Les classes bi-langue et les classes européennes
vont être supprimées, comme les classes avec option latin, parce
qu'elles seraient réservées à une élite, et que l'élite, c'est
mal.
Je suis la prof d'anglais des classes bi-langue
anglais-allemand depuis le début de ma carrière (les classes
bi-langues ont deux langues vivantes dès la 6ème). Ce sont
effectivement d'excellentes classes, où le niveau est homogènement
bon, et avec qui on avance beaucoup plus vite qu'avec les autres
élèves, ce qui est un immense plaisir. C'est un peu pareil pour les
classes de latin : on est généralement obligés de réunir les
élèves qui font latin dans une seule et même classe pour des
questions d'emploi du temps, et de ce fait, en s'inscrivant en option Latin, les
élèves sont à peu près sûrs de se retrouver dans une bonne
classe. Donc oui, à bien des égards, on peut parler de classes
d'élite. Question : en quoi est-ce mal ?
Réponse de plein de gens avec qui j'en ai parlé :
Parce que s'il y a des classes d'élite alors les autres sont des
classes-poubelle, et que l'école de la République n'est pas censée
laisser les plus défavorisés sur le bas de la route, et que dans ce
cas autant rétablir la ségrégation (en gros). Parce que l'école
est là pour confronter les élèves à la diversité, et que les
« classes d'élite » vont à l'encontre de la mixité
sociale chère à notre République.
(Comme si mes élèves de classe bi-langue et option
Latin étaient des petits bourgeois de Neuilly qui venaient dans le
93 uniquement pour aller à l'école et restaient tous dans la même
classe uniquement pour ne surtout pas se mélanger avec les
autres...Duh).
…
BB, avec ses élèves de latin dans son collège de
banlieue :
Elève : Mais madame, pourquoi ils veulent arrêter les
cours de latin ?
BB : Parce qu'ils pensent que c'est réservé à une
élite, que c'est pour les bourgeois. Alors que vous êtes la preuve
du contraire.
Elève : Pour les "bourgeois" ?! Mais madame ça
existe plus, les bourgeois ! Ca existe qu'à la télé ! Enfin en
tout cas moi j'en ai jamais vu...
Personnellement, je ne vois pas en quoi les classe
bi-langue et option Latin enlèvent quoi que ce soit aux autres
élèves.
Rappel : les langues s'enseignent « en
spirale » (terme d'IUFM à la con), c'est-à-dire qu'en gros on
revoit tous les ans la même chose dans le même ordre (le présent
simple, le présent en -ing, le prétérit, les comparatifs, etc.),
mais en complexifiant un peu plus à chaque fois, et en variant le
plus possible pour ne pas trop mourir d'ennui). Dans l'état actuel
des choses, je ne constate qu'une chose : si je prends mes 5ème, par
exemple, j'avance bien plus vite dans le programme avec les bi-langue
(qui sont super bosseurs et maîtrisent les bases) qu'avec les autres
avec qui c'est plus long parce que je suis toujours un peu obligée
de revenir sur les cours de 6ème avant de complexifier. Cela dit, je
fais les mêmes cours à tous mes 5ème, à très peu de choses près
(je complexifie parfois un peu plus avec les bi-langue, avec qui je
peux me le permettre).
Cet état de fait peut sembler choquant, mais je
trouve que c'est plutôt une bonne chose dans le sens où je peux
faire cours, dans chaque classe, à un public au niveau relativement
homogène et donc m'adapter à ce niveau et permettre aux élèves de
tous avancer à leur rythme : je permets aux 5ème1 de revoir les
bases de 6ème plus en profondeur quand les 5ème4 (les bi-langue),
eux, peuvent avancer plus vite sans s'éterniser sur des choses qu'ils maîtrisent déjà. Au final, en fin d'année, les classes
bi-langue ont en effet parfois deux leçons d'avance sur le
programme. La belle affaire. Les autres, eux, ont eu la possibilité
de consolider leurs bases.
Bref, oui, c'est vrai, les classes bi-langue et
Latin sont généralement de très bonnes classes (parce qu'il faut
être bosseur pour être prêt à apprendre deux voire trois langues
au lieu d'une), mais je ne vois pas en quoi il est politiquement
répréhensible de permettre aux élèves qui en ont l'envie et les
capacités de se retrouver entre eux dans des classes où les cours
seront, du fait de leur niveau, un peu plus poussés. Je ne vois pas
ce que ça enlève aux autres. Je ne vois pas ce que le fait que
Sonia soit en 5e4 enlève à Tania, 5e1. Je ne vois pas en quoi le
fait de supprimer les classes bi-langue et l'option Latin rend
l'école plus égalitaire.
Réponse des gens avec qui j'en parle : Parce
que l'école n'est pas là pour créer une élite mais pour enseigner
les bases à tout le monde sans stigmatiser personne, qu'elle n'est
pas là pour séparer les bons des nuls et les riches des pauvres dès
l'adolescence.
Grands Dieux. C'est à croire que les gens pensent
que le matin on sépare les élèves dans la cour et qu'on donne des
bonbons à ceux qui ont choisi l'option Latin (qui ont des
cheveux blonds bien peignés et des uniformes) pendant qu'on donne
des bonnets d'âne et des coups de bâton aux autres (qui, à en
croire les gens, seraient forcément des petits noirs et des petits
arabes défavorisés).
Dans mon collège, ce ne sont QUE des petits noirs
et des petits arabes. Plus ou moins défavorisés, c'est vrai. Mais
aucun ne roule sur l'or, croyez moi. Ils ont tous grandi dans la même
banlieue un peu perrave du 93. Ils se connaissent tous très bien. Et
ils n'ont pas attendu d'être au collège et d'être ou non dans une
classe bi-langue pour constater que certains d'entre eux étaient
plus bosseurs et/ou plus scolaires que les autres.
Ensuite, on peut évidemment arguer que mélanger
les élèves de classe bi-langue avec les autres relèveraient le
niveau des classes dans son ensemble. Mais je crains malheureusement
que ça ne soit faux. Ca n'engage que moi, mais je ne pense pas que
l'hétérogénéité des classes soit forcément une bonne chose. Car
dans le cas d'une classe hétérogène, soit 1) les élèves les plus
doués accaparent la parole et les autres se cachent derrière eux et
en profitent pour se tourner les pouces, parce qu'ils sont intimidés
ou parce qu'ils se disent que c'est l'occasion de tirer sa flemme,
soit 2) ce sont les plus doués qui s'écrasent de peur de passer
pour des petits premiers de la classe, et du coup au lieu de tirer la
classe vers le haut, ils passent juste le cours à s'ennuyer.
Généralement, c'est ça qui se passe. Devant une classe homogène,
au moins, on peut faire des cours adaptés à tous ses élèves sans
léser personne. Si tous les élèves ont le même niveau, personne
ne se sent humilié ou écrasé, personne ne s'ennuie ou
s'impatiente, et tout le monde avance.
Réponse des gens avec qui j'en ai parlé :
Mais alors tu veux faire des classes de niveau ?! Des classes de
bons et des classes de débiles c'est ça ?! Mais c'est
horrible !!
Alors : non. Faire des classes de bons et de
mauvais est impossible pour la bonne raison que personne n'est bon ou
mauvais en tout. Mais par contre, je suis à fond pour les cours de
niveau.
En gros, je serais pour qu'on casse le groupe
classe. Les élèves ne seraient plus toujours dans la même classe,
mais iraient pour chaque matière dans un cours qui correspond à
leur niveau. Ils auraient des matières à « valider »,
un peu comme nous à la fac. Par exemple, un élève de sixième
pourrait passer au niveau 5ème dans toutes les matières sauf celles
où il n'a pas atteint le niveau requis, ce qui l'obligerait par
exemple à redoubler en anglais et en musique. Ce serait un bordel
incommensurable à organiser mais je pense vraiment que ça serait
idéal.
Au lieu de faire automatiquement passer des élèves
dans la classe supérieure même s'ils ont 5/20 de moyenne générale,
on ne les ferait passer que dans les matières qu'ils maîtrisent. Ce
serait moins stigmatisant pour eux, et ils ne se retrouveraient pas
largués dans la classe supérieure dans les matières qu'ils ne
maîtrisent pas.
Réponse des gens à qui j'en ai parlé : Et
donc ceux qui ne valident rien et qui restent coincés en 6ème en
tout, on les laisse crever ? Sympa.
Ben oui mais bon, si jamais un élève ne dépasse
le niveau 6ème dans aucune matière après quatre ans au
collège alors que les autres avancent, on ne peut pas y faire grand
chose. Soit c'est parce qu'il a un réel problème d'apprentissage,
auquel cas il devrait être dans un truc spécialisé, avec moins
d'élèves et des profs formés pour (mais il y en a plein dans mon
collège et les parents refusent de les stigmatiser en les mettant
dans un truc spécialisé, comme s'ils n'étaient pas stigmatisés en
ayant 2/20 partout année après année), soit c'est parce que, comme
beaucoup de mes élèves, il vient sans cahier, sans crayon, et passe
le cours à dessiner des bites et à dire des conneries pour se faire
remarquer. Et ceux-là, évidemment que ce sont des adolescents
paumés et qu'il faut leur laisser une chance, mais même un
collégien doit faire face aux conséquences de ses actes, et si
après quatre ans ils n'ont rien foutu, eh ben tant pis pour eux.
C'est sûrement parce qu'ils ont une vie compliquée, je n'ai jamais
dit le contraire. Mais l'école n'a jamais prétendu être capable de
gommer toutes les inégalités du monde. Les élèves ne partent pas
tous avec les mêmes chances dans la vie, c'est évident, mais
l'école est là pour donner les mêmes chances à tous quel que soit
leur milieu. L'école est là pour rétablir un peu d'égalité dans
un monde profondément inégalitaire. A eux d'en profiter un maximum
ou non.
2) Les EPI ou Enseignements Pratiques
Interdisciplinaires.
L'enseignement du latin ne disparaît pas, nous
dit-on. Il est encore présent dans une proposition d'EPI : « langues
et cultures de l'Antiquité ».
Je vous explique ce que sont les EPI :
Les EPI seront mis en place dès la 5ème. Il s'agit
de travail interdisciplinaire organisé par deux professeurs de
disciplines différentes avec de petits groupes d'élèves. Huit
thèmes sont au choix :
- développement durable,
- information, communication et citoyenneté
- langues et cultures de l’antiquité
- langues et cultures étrangères et régionales
- monde économique et professionnel
- corps, santé, sécurité
- culture et création artistiques
- sciences et société.
- développement durable,
- information, communication et citoyenneté
- langues et cultures de l’antiquité
- langues et cultures étrangères et régionales
- monde économique et professionnel
- corps, santé, sécurité
- culture et création artistiques
- sciences et société.
Les élèves devront assister à deux EPI par an (3h
par semaine) de la 5ème à la 3ème, et donc en faire six sur les
huit pendant leurs années de collège. (A chaque établissement de
définir, pour chaque niveau, quels thèmes seront travaillés à
quel niveau et quelles matières seront impliquées, donc c'est flou.
En espérant que les enseignants auront leur mot à dire sur quel EPI
faire et quand).
Il y aura 3 heures d'EPI par semaine, « le
volume exact étant toutefois défini localement par les recteurs
d'académie » (bref, encore une fois, c'est flou). Une chose
est claire, cependant : « Les heures d'EPI seront
prélevées sur les disciplines impliquées dans chaque projet ».
Traduisons : les heures d'EPI sont prises sur
nos cours. Donc si une prof de maths fait une heure d'EPI
avec un prof de techno, il faudra toujours payer les deux profs (donc
pas d'économies de ce côté là), mais ça ne fait plus qu'une
heure de cours au lieu de deux pour les élèves, donc au final un
emploi du temps moins chargé (les élèves vont perdre de 3 à 8
heures de cours par semaine).
Exemple d'un emploi du temps de 3ème après la réforme :
A partir de la rentrée 2017, 20% des cours de
chaque professeur auront lieu dans le cadre d'un EPI. Un prof ne
passera plus 100% des heures dont il dispose à enseigner sa matière
à proprement parler, donc (déjà qu'on galère avec les heures
qu'on a), puisqu'il devra consacrer 20% de son temps à faire un EPI
avec un autre prof. Donc moi par exemple (mais je vais en lycée, donc ça n'arrivera pas), au lieu d'utiliser toutes
mes heures pour m'acharner à leur faire maîtriser les bases de la
langue anglaise, j'aurais été amenée à passer mes heures d'EPI à faire... quoi ?
Parler de l'Empire colonial britannique ou de l'esclavage avec le
prof d'Histoire ? Faire un cours sur le pop art avec le prof
d'arts-plastiques ? Ou sur le blues, la pop ou le rock'n'roll avec le
prof de musique ? Moi je veux bien, hein, c'est pas inintéressant en
soi mais... est-ce vraiment plus utile qu'un cours d'anglais ou de
musique classique ? Parce que moi personnellement leur parler de la
culture et de l'histoire du monde anglophone, je m'en sors très bien toute
seule dans mon cours... Et j'imagine que le prof de musique n'a pas
besoin de moi pour leur parler de musique anglophone non plus.
L'interdisciplinarité a du bon, évidemment, et
beaucoup de professeurs n'ont pas attendu la réforme pour monter des
projets interdisciplinaires quand ça leur semblait pertinent. Mais
quand ça leur semblait pertinent uniquement. Et si vous voulez mon
avis, ce qui va se passer dans la majorité des cas, c'est qu'on va
faire des ateliers gadget. Et ça au détriment de l'enseignement des
bases. Mais bon, l'heure est au gadget...
Ce qu'ont voit surtout, nous, les profs, c'est qu'on
aura moins d'heures pour enseigner notre matière, et ça, on pense
que ça ne va pas du tout dans le bon sens. (Comment une réforme qui
prétend remédier aux lacunes des élèves dans les enseignements de
base peut-elle proposer un allègement des cours de maths et de
français ?).
Sans compter que les heures d'enseignement du tronc
commun ne vont pas seulement être amputées par les EPI mais aussi
par les heures d'accompagnement personnalisé, qui, elles aussi,
seront prises sur les heures de cours (alors qu'aujourd'hui elles
sont en plus des heures de cours). Du coup, le plus grand
nombre perdra des heures de cours qui seront utilisées pour donner
des cours supplémentaires aux élèves les plus en difficulté.
3) Les cours d'accompagnement personnalisé.
L'accompagnement personnalisé, réservé aux 6ème
actuellement, sera généralisé à toutes les classes (dès la
rentrée 2017, il y aura 3h d'accompagnement personnalisé par
semaine en 6ème et au moins 1h dans les autres classes). Mais, je le
répète, ces heures ne seront pas en plus comme aujourd'hui
mais à la place des cours du tronc commun. (En même temps,
l'heure n'est évidemment pas à la création d'heures
supplémentaires, on l'aura compris).
Donc si je comprends bien, permettre à certains élèves de prendre
l'option Latin en plus du tronc commun c'est élitiste et inégalitaire,
mais par contre prendre à la majorité pour aider les élèves les
plus en difficulté, ça c'est ok ?
Je ne suis évidemment pas contre le soutien
scolaire, mais 1) pas au détriment des cours obligatoires pour tous et 2) ça dépend pour qui. Parce que, je suis désolée,
mais je réfute l'idée si souvent avancée selon laquelle certains
élèves ont besoin d'être aidés à l'école en dehors des cours
parce qu'ils n'ont pas la chance d'avoir des parents pour les aider à
la maison. Pourquoi ? Parce que les professeurs fournissent en cours les outils
nécessaires aux élèves pour réussir et que, de ce fait, il suffit d'écouter en
classe pour être capable de comprendre ses leçons et de faire ses
devoirs. (Sachant, en plus, que dans mon collège on est nombreux à
ne plus donner de devoirs du tout, précisément parce qu'ils ne les
font pas). De plus, plein d'élèves s'en sortent très bien alors
que leurs parents ne parlent pas un mot de français et n'ont pas le
niveau bac, ce qui prouve bien que ça n'a rien à voir. Je voudrais
qu'on arrête d'excuser les élèves qui ne branlent rien par le fait
que leurs parents n'ont pas fait suffisamment d'études pour faire
leurs devoirs à leur place. L'école, déjà aujourd'hui, donne les
mêmes chances à tous. Mes élèves dans le 93 ont l'occasion
d'apprendre les mêmes choses que n'importe quel élève en France,
et ce parce qu'ils ont des profs qui, comme mes collègues et moi, se
battent jour après jour pour leur enseigner les mêmes programmes
nationaux qu'à tout le monde. Et tous les élèves d'une même
classe assistent aux mêmes cours, ils ont donc virtuellement les
mêmes chances de réussir. Si certains ne réussissent pas, c'est le
plus souvent parce qu'ils ne s'en donnent pas les moyens. Tout
simplement. Certains ont de réelles difficultés et de réels
problèmes de compréhension, et ceux-là ont évidemment réellement
besoin d'assistance. Mais il est aussi essentiel que chacun
reconnaisse une bonne fois pour toutes que la grande majorité des
élèves en échec ne le sont pas parce que l'école les a abandonnés
mais parce qu'ils ont, eux, abandonné l'idée de faire quelque chose
à l'école.
On a beaucoup trop tendance à tenir les profs pour
responsable de l'échec scolaire en France.
Quand je pense que, cette année, des bacheliers ont
fait un barouf pas possible et signé une pétition pour faire
annuler la question M du bac d'anglais parce qu'elle était
« intretable » (!!).
Ce qu'ils reprochaient à cette question ? Elle contenait le verbe « to cope », qu'ils ne connaissaient pas. Quand j'ai vu ça, je suis tombée sur le cul. (De tout temps, des élèves passant des examens sont tombés sur des termes - même des termes français - qu'ils ne comprenaient pas, et il me semble qu'ils se sont toujours dit - et ce fort justement - que c'était ballot mais que tant pis pour eux, ils n'avaient qu'à savoir). D'autant que « To cope », c'est pas non plus la mer à boire. (D'ailleurs, si vous connaissez vous mêmes la définition du verbe "to cope", vous remarquerez l'ironie de toute cette histoire). Que ces gamins aient le réflexe de faire un scandale pour accuser les concepteurs du bac d'avoir fait un sujet trop difficile, et ne soient même pas foutus de rédiger le titre de leur pétition correctement (« La question M était intretable »), ça me tue. Littéralement. (Bientôt, ils vont demander un bac sous forme de QCM avec possibilité d'appeler un ami ou de consulter le public).
Ce qu'ils reprochaient à cette question ? Elle contenait le verbe « to cope », qu'ils ne connaissaient pas. Quand j'ai vu ça, je suis tombée sur le cul. (De tout temps, des élèves passant des examens sont tombés sur des termes - même des termes français - qu'ils ne comprenaient pas, et il me semble qu'ils se sont toujours dit - et ce fort justement - que c'était ballot mais que tant pis pour eux, ils n'avaient qu'à savoir). D'autant que « To cope », c'est pas non plus la mer à boire. (D'ailleurs, si vous connaissez vous mêmes la définition du verbe "to cope", vous remarquerez l'ironie de toute cette histoire). Que ces gamins aient le réflexe de faire un scandale pour accuser les concepteurs du bac d'avoir fait un sujet trop difficile, et ne soient même pas foutus de rédiger le titre de leur pétition correctement (« La question M était intretable »), ça me tue. Littéralement. (Bientôt, ils vont demander un bac sous forme de QCM avec possibilité d'appeler un ami ou de consulter le public).
Et ensuite on les
encourage encore à penser que s'ils échouent, c'est parce que
l'école est nulle.
L'enfant roi et le professeur incompétent. Le
pauvre petit loulou et la méchante école.
Une idée que les parents véhiculent.
Mot de la mère d'une élève que je venais de coller parce qu'elle bavardait comme à son habitude depuis le début de l'heure au lieu de travailler (elle n'avait ni fait l'exercice, ni noté la correction) :
« Ma fille Florine ne fera pas son heure de
colle de mercredi parce qu'elle a des choses de prévues qui sont
plus importantes qu'une heure de retenue, et ce jusqu'à la fin de
l'année scolaire ». (!!)
(J'ai du convoquer la mère dans le bureau du principal adjoint pour obtenir que la gamine fasse son heure de colle – heure de colle que j'ai passée à lui faire refaire l'exercice qu'elle n'avait pas fait en cours. Comme si on n'avait que ça à faire).
(J'ai du convoquer la mère dans le bureau du principal adjoint pour obtenir que la gamine fasse son heure de colle – heure de colle que j'ai passée à lui faire refaire l'exercice qu'elle n'avait pas fait en cours. Comme si on n'avait que ça à faire).
Et pour un peu de comic relief avant d'enchaîner (et pour rester dans le thème du bac), je me permets de vous faire découvrir cette petite vidéo, si vous ne la connaissiez pas :
(NB : ce sont des acteurs, mais ils jouent des saynettes à partir de "perles du bac" réelles).
4) Les cours de science.
Même si je n'ai trouvé aucun article en parlant
sur internet, mes collègues
m'expliquaient que la réforme prévoyait un changement majeur dans
l'enseignement des sciences. Je n'ai pas tout compris, donc je vais peut-être dire des conneries, mais en gros ce que j'ai cru comprendre c'est que :
Au lieu d'avoir des programmes précis de SVT et de Physique-Chimie en 6ème, 5ème, 4ème et 3ème, les élèves devront désormais simplement avoir étudié tous les points de ces programmes à la fin de leurs quatre années au collège, peu importe dans quel ordre. Ce qui est bien joli mais comment on fait quand un élève quitte l'établissement en cours de scolarité ? Il débarque dans un nouveau collège où on a étudié des trucs qu'il ne verra du coup plus jamais et où il étudiera une deuxième fois ce qu'il a déjà vu ? Et les profs d'un même collège, ils feront comment pour éviter ce problème ? Ils se mettront d'accord pour étudier les mêmes choses à chaque niveau (en reprenant les programmes d'avant la réforme en douce pour rétablir un peu de cohérence) ? Ou bien chaque élève gardera le même prof pendant quatre ans pour éviter le risque de doublons ? Je ne comprends pas bien. (Il y aura sûrement des lecteurs profs pour m'éclairer).
Au lieu d'avoir des programmes précis de SVT et de Physique-Chimie en 6ème, 5ème, 4ème et 3ème, les élèves devront désormais simplement avoir étudié tous les points de ces programmes à la fin de leurs quatre années au collège, peu importe dans quel ordre. Ce qui est bien joli mais comment on fait quand un élève quitte l'établissement en cours de scolarité ? Il débarque dans un nouveau collège où on a étudié des trucs qu'il ne verra du coup plus jamais et où il étudiera une deuxième fois ce qu'il a déjà vu ? Et les profs d'un même collège, ils feront comment pour éviter ce problème ? Ils se mettront d'accord pour étudier les mêmes choses à chaque niveau (en reprenant les programmes d'avant la réforme en douce pour rétablir un peu de cohérence) ? Ou bien chaque élève gardera le même prof pendant quatre ans pour éviter le risque de doublons ? Je ne comprends pas bien. (Il y aura sûrement des lecteurs profs pour m'éclairer).
Sans compter que, si j'ai bien compris, les cours de
SVT, Physique et Techno deviennent en gros un seul gros bloc de
« Science », c'est-à-dire que 1) on pourrait finir par en étudier surtout une au détriment des autres et 2) petit à petit, les
disciplines telles qu'on les connaissait, avec un prof par matière,
sont vouées à disparaître, et que, vraisemblablement, les profs de
SVT vont bientôt devoir éventuellement enseigner également la
Physique ou la Techno, et inversement.
Il y a beaucoup de pays en
Europe où les profs sont formés dès le départ pour enseigner deux
matières au lieu d'une, comme ça on peut plus
facilement les faire bosser à la carte. Mais du coup ils sont moins
spécialisés que les français dans les matières qu'ils enseignent.
Sachant qu'aujourd'hui les profs français ne sont tous formés à
enseigner qu'une seule matière. Si ça doit changer, il va également
falloir changer leur formation.
Bref, si j'ai bien compris, désormais les élèves devront simplement avoir validé, à la fin de leurs quatre années de collège, un certain nombre des compétences liées à ces trois disciplines.
Oui parce qu'on est en train de supprimer les notes pour passer à la pure et simple évaluation par compétence. J'avais déjà deux classes pilote sans notes ces deux dernières années : l'année prochaine dans mon collège l'évaluation par compétences concernera tous les 6ème. (Ah oui parce que j'oubliais : désormais la 6ème fait partie du cycle 3 avec la primaire alors que les trois autres classes du collège relèvent du cycle 4). On les évaluera désormais non plus avec des notes mais en précisant les compétences évaluées et en mettant à côté de chaque compétence un ou deux points de couleur : deux ronds verts pour Expert, un rond vert pour Acquis, un rond Orange pour En Acquisition, un rond Rouge pour Non Acquis. (Quatre possibilités uniquement. C'est vague. Et ça amène à "surnoter" à un point que vous n'imaginez pas). (Mais c'est un autre débat).
Oui parce qu'on est en train de supprimer les notes pour passer à la pure et simple évaluation par compétence. J'avais déjà deux classes pilote sans notes ces deux dernières années : l'année prochaine dans mon collège l'évaluation par compétences concernera tous les 6ème. (Ah oui parce que j'oubliais : désormais la 6ème fait partie du cycle 3 avec la primaire alors que les trois autres classes du collège relèvent du cycle 4). On les évaluera désormais non plus avec des notes mais en précisant les compétences évaluées et en mettant à côté de chaque compétence un ou deux points de couleur : deux ronds verts pour Expert, un rond vert pour Acquis, un rond Orange pour En Acquisition, un rond Rouge pour Non Acquis. (Quatre possibilités uniquement. C'est vague. Et ça amène à "surnoter" à un point que vous n'imaginez pas). (Mais c'est un autre débat).
5) La « méthode actionnelle »
Je n'ai évidemment pas pu me pencher sérieusement
sur la réforme des programmes dans les matières autres que la
mienne (je ne serais de toute manière pas en mesure de vraiment comprendre les
changements), mais il semble que l'idée soit de mettre partout en
oeuvre ce qui est de mise en cours de langues depuis quelques années
déjà et qu'on appelle la méthode actionnelle. (Qui sera
particulièrement mise en place dans les EPI, si j'ai bien compris,
du moins s'ils s'y prêtent).
La méthode actionnelle stipule que l'école est là
pour permettre aux élèves d'"agir sur le monde" et doit
donc leur permettre de mettre en pratique les compétences et
connaissances acquises pour constater leur utilité dans la vraie
vie. L'idée est de mettre en place un enseignement moins magistral,
où les élèves ne seront plus de simples réceptacles mais les
« acteurs de leur apprentissage ». Un principe qui marche
particulièrement bien pour l'enseignement des langues vivantes,
puisqu'on leur enseigne une langue qui leur servira d'outil pour
communiquer dans le monde extérieur. Mais qu'en est-il vraiment des autres matières ? En effet, je vois mal comment
les élèves pourront mettre en pratique, dans leur quotidien, leurs
nouvelles connaissances sur la Mésopotamie. Donc bon : c'est compliqué. Car
même si je suis en effet favorable à ce que les élèves soient le plus
possible "mis en activité" – j'enseigne une matière où le cours
magistral est impossible et où ils sont sans arrêt en train de
mettre en pratique leurs nouvelles connaissances – je ne pense pas
qu'il faille cracher sur les cours magistraux, qui sont parfois
inévitables et peuvent souvent avoir du bon.
Depuis que j'enseigne, j'entends qu'il faut motiver
les élèves et leur donner envie d'apprendre. Certes. Bien sûr
qu'il faut savoir enthousiasmer les élèves et retenir leur
attention, et les profs font de leur mieux (croyez moi, ne serait-ce
que pour leur bien propre, ils veulent que leurs cours marchent) mais
je pense qu'on va trop loin dans l'idée que l'école doit être
"ludique". Les élèves ont déjà trop tendance à vouloir
s'amuser tout le temps et ne jamais se fatiguer le cerveau, je doute
que ce soit une bonne politique d'abonder dans leur sens. Or, c'est
ce que l'école ne cesse de faire. Supprimer le redoublement,
supprimer les notes, supprimer la grammaire, supprimer les devoirs,
bref supprimer tout ce qui fait que l'école n'est pas juste un
centre aéré. J'exagère, bien sûr. Mais c'est un peu vrai.
Je ne pense pas non plus qu'il faille encourager
l'idée déjà bien répandue selon laquelle les professeurs font des
cours ennuyeux où les élèves s'endorment et que c'est pour ça que
l'école française est à la traîne. Les cours seraient poussiéreux, d'un autre temps, et la réforme serait là pour remettre un peu de vie dans une école élitiste et pontifiante. Bref, encore une fois, un argument qui plaît aux masses : les élèves s'emmerdent parce que les profs sont nuls.
Il faut arrêter de taper sur les profs. Ils font de leur mieux avec ce qu'on leur donne.
Il faut arrêter de taper sur les profs. Ils font de leur mieux avec ce qu'on leur donne.
Et ils pourraient faire encore mieux si on leur
donnait davantage. Si au lieu de mettre de l'argent dans une réforme
à la con, on mettait plutôt de l'argent dans les écoles
elles-mêmes (histoire que les classes soient moins surchargées, par
exemple), ils s'en sortiraient beaucoup mieux, croyez-moi. Et sans
changer ni les profs ni les élèves, on obtiendrait comme par magie
de meilleurs résultats.
Et puis, mesdames et messieurs de l'Education
Nationale, si vous êtes tellement inquiets de la qualité des cours
que reçoivent les élèves, pourquoi ne faites vous pas en sorte
qu'ils aient toujours de vrais professeurs dignes de ce nom, au lieu
d'engager des vacataires sans aucune formation ?
Vous me répondez que vous engagez des vacataires
parce que plus personne ne veut être prof et que les gens qui se
présentent au Capes ont un niveau tellement déplorable qu'on ne
peut pas leur donner le concours ? J'ai bien entendu ? Et
ça ne vous fait pas vous poser des questions, ça ?!
6) Le contrat d'objectifs
« En cohérence avec le projet d'établissement
adopté par le conseil d'administration, le contrat d'objectifs est
en effet conclu entre l'établissement et l'autorité académique à
partir d'un diagnostic partagé. Il définit, au regard du programme
annuel de performance académique, un petit nombre d'objectifs à
atteindre (de trois à cinq), centrés sur les résultats des élèves,
sur la base des orientations nationales et académiques ; il est doté
d'indicateurs qui permettent d'apprécier la réalisation des
objectifs. (…) Le contrat d'objectifs fera l'objet d'une évaluation
interne et d'une évaluation externe ».
Dans les faits, le contrat d'objectif existe depuis
dix ans déjà, même si la réforme insiste pas mal dessus, parce
qu'il s'agit apparemment à l'avenir de donner davantage d'autonomie
aux établissements afin d'établir entre eux une « saine »
concurrence qui les obligera à donner le meilleur d'eux-mêmes.
Dans les faits, ça donne ça :
Nous avons une chef d'établissement
particulièrement carriériste et il semble évident à tout le monde
que ce qui la soucie est davantage la « réussite » du
collège – et par là j'entends sa réputation auprès du rectorat
– que la réussite réelle des élèves.
Quand elle est arrivée au collège, elle nous a
annoncé à la réunion de début d'année que notre collège était
un des plus mauvais de l'académie. « Or, a t-elle précisé,
il n'y a absolument aucune raison que nos élèves soient plus
mauvais que les autres : c'est donc que vous êtes trop
sévères ». (Dire ça à des profs qui ont abaissé leurs
exigences année après année pour se mettre au niveau de
leur public et qui surnotent déjà comme des oufs parce qu'ils
croient à la « pédagogie de l'encouragement »,
croyez-moi que c'est un peu fort). Bref, on nous a purement et
simplement demandé de surnoter encore plus histoire que le
collège ait moins mauvaise réputation, surtout maintenant qu'elle
en était à la tête, parce que si les notes montent juste après
son arrivée, c'est que c'est une bonne principale (comme si c'était
elle qui faisait les cours!).
Avec le contrat d'objectifs, j'ai l'impression que ce
qui était officieux s'officialise : on a désormais très clairement une politique de rendement, une obligation de résultat, un peu comme un flic qui
doit verbaliser le plus possible pour être bien vu de ses
supérieurs. On doit « faire du chiffre ». Et si tes élèves ont de mauvaises notes, c'est que t'as pas fait ton boulot.
Il en va de même pour les exclusions : si on
exclut trop d'élèves du collège, ça va apparaître dans les
chiffres du Rectorat, et ça, ça la fout mal. Du coup, on n'exclue quasiment
jamais personne. On laisse tout passer aux gamins. Cette année, les
élèves qui ont été exclus définitivement l'ont été parce
qu'ils avaient vraiment vraiment dépassé les bornes.
(Exemple : deux 3ème ont tabassé un 6ème dans un coin parce
qu'il avait eu le malheur de les charrier sur le fait que l'Algérie
avait perdu le match de foot, et ils ont été exclus uniquement
parce qu'ils étaient déjà exclus « avec sursis » à
cause de vandalisme dans le collège et que donc on ne pouvait pas
faire autrement). Bref, les élèves sont surprotégés. Or, je ne
suis pas pour qu'on exclue à tout va (un élève est toujours mieux
suivi par une équipe qui le connaît et connaît ses parents, et
puis pour nous ça ne change rien vu que quand on vire un emmerdeur,
on en récupère un autre direct après), mais je pense qu'il est
important que les élèves comprennent que certains actes sont
inacceptables (je peux vous assurer que les deux 3ème en question étaient
sidérés qu'on les vire pour de vrai : ils étaient persuadés
que ça n'arriverait jamais).
Et bien sûr, autre point : on fait passer absolument tout le monde en Seconde Générale, même avec un bulletin scolaire de 3ème absolument calamiteux.(Soit disant parce que des études auraient prouvé que le redoublement ne servait à rien. Mais les véritables raisons sont que 1) les établissements sont stigmatisés par leur nombre de redoublants, 2) faire redoubler un élève coûte de l'argent à l'Etat, 3) quand un élève est en difficulté, c'est également souvent un élève perturbateur, et on ne veut surtout pas avoir à le garder plus de quatre ans).
Bref, on surnote, on exclut un minimum, et on cache
la merde sous le tapis pour soigner la vitrine. Par là-dessus, on
nous demande d'organiser des ateliers Cirque et des ateliers Rubik's
Cube, on organise de grandes portes ouvertes où on fait des gâteaux,
et tout le monde peut s'imaginer qu'on est un collège sans problème
où les élèves progressent en s'amusant, comme les textes le
préconisent.
A ce propos, saviez vous que la loi relative au
budget de l'Education Nationale s'appelait la LOLF ? (Ca ne
s'invente pas).
**********
Au Ministère, on essaye de nous vendre la réforme
avec des petites BDs comme celle-là :
Oh. Mon. Dieu. C'est absolument affligeant.
Point 1, pas caricatural du tout, on
va passer de classes surchargées à des petits groupes.
=> Avec la suppression des établissements APV
qui avaient au moins le privilège d'avoir des classes de minimum 25
élèves et les économies drastiques qui font qu'on a de moins en
moins de profs (ce qui explique qu'on engage des vacataires avec un
niveau bac s'il le faut) et de moins en moins de classes (surcharger
les classes, c'est moins cher que d'en créer de nouvelles), on ne va
pas vers des groupes-classe réduits. Alors évidemment, les EPI
seront en plus petits groupes, mais ils ne représentent que quelques
heures de la semaine des élèves.
Point 2, les élèves commenceront
désormais effectivement leur LV2 dès la 5ème.
L'idée, c'est qu'on supprime les classes bilangue
anglais-allemand qui commençaient dès la 6ème et qu'on fait
commencer la LV2 à tout le monde dès la 5ème. On passe donc de 3h
de LV2 en 4ème et 3ème à 2,5h tous les ans à partir de la 5ème.
Pourquoi pas. Je ne suis pas contre en soi du tout. J'ai deux
objections, cependant :
- Aujourd'hui, l'enseignement de l'anglais en primaire est très succinct (ils apprennent les couleurs, les animaux domestiques, les nombres jusqu'à 20, et basta) : les élèves ne commencent donc vraiment leur LV1 qu'en 6ème. Or, on ne peut pas commencer à leur enseigner une LV2 tant qu'ils ne maîtrisent pas un peu leur LV1, ça me semble risqué. Il faudra donc réellement intensifier l'enseignement des langues en primaire. Ce qui est prévu.
- Je serais d'avis qu'au lieu d'emmerder les élèves avec une langue étrangère en primaire, on se concentre à fond sur l'enseignement du français. Car Dieu sait que c'est là que le bas blesse.
Point 3, foutage de gueule suprême.
On ne supprime pas le latin, puisque maintenant on
va en faire dans des cours interdisciplinaires, et donc rendre le
cours de latin vivant, le mettre en pratique : on va faire des pièces
de théâtre en latin, ça va être mer-veil-leux. Non mais
allo, j'ai envie de dire. T'es ministre de l'Education Nationale,
t'as pas de cerveau ?
Point 4, démagogie bonjour.
Mais on en a déjà parlé. (Remarquez quand même que l'élève en difficulté est blanc quand son camarade, celui qui s'en sort apparemment mieux que lui à l'école, est noir. (On ne pouvait pas représenter uniquement deux petits blancs ou deux petits noirs et on ne pouvait décemment pas sous-entendre que les blancs réussissaient mieux que les noirs à l'école, donc on a explicitement suggéré le contraire) (Ce qui n'est pas répréhensible en soi, mais c'est so obvious).
Point 5, la cantine.
Personnellement dans mon collège on a déjà 1h30
pour manger, et c'était déjà le cas dans tous les établissements
où j'étais avant. Ils mangent en une demi-heure, ensuite ils jouent
une heure dans la cours, ou alors ils vont lire des BDs au CDI s'ils
en ont envie. Bref c'est peut-être pas le cas partout mais ça me
semble déjà pas mal généralisé. Donc bon, pas vraiment de
réforme ici.
Bref : La communication de l'Education
Nationale, ou comment prendre les gens pour des cons.
Mais cette petite BD n'est pas le plus beau. Oh que
non.
Le plus beau, c'est la série Parlons Passion. (Aka
« OuiOui à l'école »).
Croyez-moi, c'est encore plus beau que le Lip Dub del'UMP.
Je vous mets la vidéo de Didier Laporte comme ça,
telle quelle, et je vous laisse découvrir par vous-même.
Préparez-vous : ça laisse sans voix.
**********
Alf : C'est bien joli de dire que c'est
les gamins le problème, mais les gamins ils vont pas changer ! Donc c'est l'école qui doit changer à leur place.
Don Valdès : Mais de toute façon
l'école ne marche pas ! Donc il faut que
ça change ! Peu importe comment ! Et si ça marche pas non
plus, on essaiera autre chose.
Evidemment, on est tous impuissants devant le
désintérêt total des élèves pour l'école, et il n'y a pas grand
chose qu'on puisse faire pour qu'ils cessent de s'intéresser
davantage aux Anges de la Téléréalité, aux jeux vidéo et au foot
qu'à ce qu'on leur apprend en classe. Mais on va continuer pendant
combien de temps à revoir les objectifs de l'école à la baisse
pour s'adapter à des élèves de plus en plus immatures et de moins
en moins respectueux de l'autorité et de la culture ?
Je sais que j'ai l'air d'une vieille conne réac en
tenant ce genre de discours, mais quand je vois un élève à moi qui
ne fout rien depuis la 6ème et qui, le jour de l'épreuve de
français du Brevet, rend une copie blanche sur laquelle il a
simplement tenu à écrire deux mots, « Le foot », je
suis démunie.
Et quand, à la librairie, j'entends une mère chercher un bouquin pour sa fille de sept ans et lui lire l'histoire d'une petite fille dont la maîtresse ne cesse de répéter
aux élèves d'arrêter de bavarder en classe jusqu'à ce que
la petite fille – héroïne de l'histoire – fasse un coup d'éclat
et dise à sa maîtresse avec autorité « Vous, taisez
vous ! et laissez-nous travailler ! » (la mère a dit "Super, on le prend !"), ça me rend
folle.
Je n'ai pas la solution. Vraiment, je ne l'ai pas.
Je pense qu'il faudrait qu'il y ait plus de profs et plus de classes.
Tout simplement. Parce qu'on travaille tellement mieux à 20 qu'à
25, qu'on est plus disponible pour chaque élève, pour les encadrer
et les aider, et que ça change tout pour tout le monde. (Mes élèves bavards qui ne foutent rien, je vous assure qu'ils sont beaucoup plus performants quand on est en petit groupe, que je peux davantage les fliquer et leur tenir la main). Mais je sais
que ça n'arrivera jamais.
Alors... je ne sais pas.
Tout ce que je sais, c'est que je suis immensément
soulagée de quitter ce merdier.
En fin d'année, à la cantine :
Moi : Je vais échapper à la réforme
du collège, youhou !!
Mes collègues : Lâcheuse !!
La principale : Mais vous n'échapperez
pas à la réforme du Lycée...
Arf.