vendredi 8 avril 2016

Life's a bitch ou comment Flaubert a pourri mon année

                                                                                     
Je ne vais pas très bien.
Il est midi, je suis dans mon lit. Je suis à poil, à jeun, et je bois de la bière au petit déjeuner, juste après mon thé, sur un matelas taché de café renversé l'autre jour et que je n'ai pas trouvé la force de changer. Je ne suis pas allée à l'école. 
Je ne vais pas très bien. 

Life's a bitch.
C'est ce que j'écrivais dans un texto à Marilyn il y a quelques minutes.
(Mon auto-correcteur a immédiatement corrigé et remplacé ça par "Life's a butch") (Interesting). 

L'amour est une saloperie venue des profondeurs pour te chopper les pieds et te tirer vers le bas. 
(L'amour est un zombie aquatique). 

Ma vie professionnelle va super bien. (Sauf quand je sèche les cours comme une vieille loque incapable parce que je suis au plus bas et que du coup je me sens encore plus minable, même si je me répète qu'il faut savoir se pardonner de ne pas être opérationnel quand on va mal, parce que sinon c'est double peine).
J'adore mon boulot, j'adore mes élèves, j'adore mes collègues. Tout va bien. Sauf que malheureusement tout cela est gâché par ma vie amoureuse qui fait que je n'ai pas été foutue de faire un cours digne de ce nom depuis un bon mois. 
Je traîne cinq paquets de copies depuis la rentrée que je n'ai pas été foutue de corriger. Les élèves les réclament, je ne sais plus quoi leur dire. Je débarque en classe en ayant oublié mes cours (le texte prévu, l'image ou la vidéo à projeter), alors je leur montre des films. Je fais toutes les grèves, et ça fait sauter des cours en demi-groupe, alors quand j'ai loupé le cours avec le groupe A le mardi je fais des jeux avec le groupe B le jeudi. 
Bref, je fais ça, essentiellement, en ce moment : montrer des films, jouer à des jeux, ou vaguement faire semblant de faire cours en éludant jour après jour le fait que oui, j'ai encore des copies à vous rendre, mais non, je ne les ai pas corrigées et non, je ne vais plus essayer de vous raconter que vous les aurez dans deux jours, parce qu'entre nous ça a vaguement marché les deux premières semaines mais ni vous ni moi ne sommes plus dupes.  
Faire cours quand tu vas mal, c'est un véritable enfer. Pourtant mes élèves sont adorables, je les aime beaucoup et ça pourrait me faire du bien, me faire oublier, me faire sortir de moi-même et passer un bon moment. Mais je n'ai pas la force. 
Je n'ai pas tellement la force de me faire à manger ces jours-ci, donc faire cinq heures de stand up sans pause un vendredi après-midi devant des classes de 30 élèves... J'ai pas l'énergie. 
Bref, je ne suis pas allée travailler aujourd'hui. 

*****

Je ne sais pas trop par où commencer tellement je n'ai pas écrit depuis longtemps.

La dernière fois que j'ai écrit, après le 13 novembre donc - youpla youpla, c'est la méga teuf sur ce blog en ce moment -, j'étais avec Achille. 
Au départ, je comptais l'appeler Vlad (l'Empaleur). Pour des raisons que (hum) nous n'évoquerons pas ici. C'est d'ailleurs comme ça que je le surnommais auprès de mes amis. Mais je ne voulais pas le résumer à son... euh... transylvanisme. 
Je l'ai donc appelé Achille, parce que c'était mon colosse aux pieds d'argile, mon grand mec costaud au coeur tendre. 
Je ne m'attarderai pas sur Achille, essentiellement parce qu'il lit ce blog et que ça a le don de m'angoisser. (C'est aussi une des raisons pour lesquelles je n'ai pas écrit depuis si longtemps).
Donc voilà, je me contenterai de dire que c'est fini avec Achille. 
Parce que je suis partie.
Fin de l'histoire.

Celui qui fait que je vais si mal aujourd'hui, c'est Emma Bovary. 
Emma Bovary, mon collègue. (Oui, j'aime bien me compliquer la vie et oeuvrer activement à pourrir mon espace professionnel quotidien, pas vous ?). 
Un mec de 42 ans, qui a quitté sa femme hier après-midi - enfin - après des mois.
Et qui en a profité pour me quitter aussi alors qu'au départ il la quittait pour moi.
#Dallas.
...
Je sais, Emma Bovary est un personnage féminin, mais connaissez-vous beaucoup de personnages hystériques masculins dans la littérature ? Il y en a assez peu.  

Bref, pour résumer, je suis amoureuse d'un homme et Emma Bovary, c'est lui.

Emma est prof de lettres et de cinéma, ce qui est déjà un bon départ pour donner dans le spectacle et romancer sa vie. Emma rêve sa vie, Emma vit dans un film. Emma dépose des roses rouges dans mon casier, Emma m'écrit des lettres d'amour enflammées comme je n'en ai jamais reçues et qui me font me noyer dans ma propre cyprine, lettres qu'il m'apporte en bas de chez moi sous la pluie avant de repartir comme il est venu, trempé. Emma me dédie des chansons d'amour. Emma débarque en bas chez moi tard le soir sans prévenir et me demande de descendre pour pouvoir me crier son amour. Emma refuse de coucher avec moi tant qu'il n'est pas complètement libre parce qu'il ne veut pas "désacraliser" notre histoire (mais après m'avoir fait attendre des semaines il m'a quand même embrassée fougueusement et intensément en pleine rue avant de mettre sa main dans ma culotte, histoire de bien me rendre folle). Emma me dit qu'il m'aime à la folie à peu près deux cent fois par jour. Emma me dit et me répète que son but dans la vie est désormais de faire mon bonheur - sauf que là je chiale dans mon lit en buvant de la bière (cherchez l'erreur). Emma ne sait finalement pas grand chose de moi mais veut que notre amour dure toujours. Emma me vend un amour absolu et inconditionnel et pourtant pète un câble et devient froid et distant dès que j'ai le malheur d'essayer de ramener un peu de raison dans tout ça et de dire que non, je ne peux pas lui jurer mon amour fou et éternel vu qu'on se connaît à peine et qu'on n'a même pas couché ensemble et qu'il ne peut pas m'aimer autant sans me connaître et que par ailleurs il n'est pas encore libre. Emma en déduit en se frappant la poitrine de douleur en pleurant (c'est une image, hein) (mais pas si éloignée de la réalité, faites moi confiance) que ça veut dire que je refuse son amour et que je ne veux pas y croire. Emma escalade jour après jour la barrière du ridicule avec ferveur et pourtant rien à faire, j'ai beau savoir qu'il est risible et fou à lier, je suis comme un lapin pris dans les phares d'une voiture. Emma me reproche amèrement d'oser dire que l'amour ne dure pas toujours et j'ai l'impression de regarder un enfant qui se roule par terre de rage parce qu'on vient de lui dire que le Père Noël n'existait pas. J'ai aussi l'impression qu'on me reproche de dire que la Terre est ronde, ce qui est assez kafkaïen. Emma passe d'une euphorie fébrile à la désolation la plus totale. Emma ne peut plus vivre sans moi un jour puis m'annonce le lendemain que ça ne sert à rien de se battre, que ça ne marchera pas. Emma n'a pas de juste milieu. Emma est d'un romantisme despotique. Emma me reproche d'être réaliste comme si c'était un gros mot. Emma me rend folle et me reproche d'être cruelle et de vouloir le détruire quand je lui hurle dessus pour lui dire que je n'ai jamais rencontré un homme aussi puéril de ma vie, qu'il gâche tout et que "putain, grandis !" Emma interprète mal absolument tout ce que je dis (même si c'est à l'écrit) (pour un prof de lettres, je trouve qu'Emma est une sacrée tanche en analyse de texte). Parler de ce que je ressens à Emma, c'est un peu comme essayer d'expliquer une équation à deux inconnues à un cochon d'Inde (ou à moi). Emma ne comprend rien. Emma prend tout mal. Emma arrête chacune de mes phrases en disant "Ben alors on arrête !" quand j'essaye de sauver les meubles en parlant calmement de ce qui ne va pas. Emma fait mine de se lever pour partir toutes les cinq minutes à chaque fois qu'on s'engueule et refuse que je le prenne dans mes bras pour tenter de désamorcer la bombe parce que soi-disant je n'en ai pas vraiment envie (?!) (Double mindfuck). Emma dit qu'il est entier et idéaliste mais la vérité c'est qu'Emma est un putain d'emmerdeur. Emma est un taré hystérique. Emma est une putain de drama queen venue tout droit de l'enfer pour m'empêcher de corriger mes copies. Emma me rend malade. Emma me fout en l'air.
Je suis amoureuse d'Emma.
Je sais, c'est ridicule. C'est la honte. C'est grotesque. 
Je me déçois. Je ne vous le cache pas.
Mais c'est plus fort que moi.
(Et puis, pour ma défense, il était pas comme ça au début, quand je suis tombée amoureuse de lui. Il était super fun et rigolo et tout était simple et léger, on s'entendait super bien, on pouvait parler des heures. On a tourné des scènes de film avec ses élèves et on s'est tellement marré, c'était top. Mais il est juste soudainement devenu fou, il y a quelque temps, sans crier gare... En fait, plutôt qu'Emma Bovary, j'aurais dû l'appeler Gollum)

Petite série de gifs après coup pour illustrer mes émotions ces temps-ci quand j'échange avec lui :







*****

Pendant ce temps-là, il y a mon petit Lauréat, ce petit mec fabuleux de 23 ans avec qui je sors depuis un mois. Oui, 23 ans. Oui, un mois. (Le lauréat est, évidemment, une des choses qu'Emma ne me pardonne pas) (Emma concevait difficilement ces derniers temps que je puisse faire autre chose que tisser et détisser indéfiniment la même tapisserie - éventuellement en faisant des pauses pour écrire son nom avec mon sang baigné de larmes - en attendant qu'il quitte sa femme).

 
Le lauréat.
Ce petit mec d'une beauté absolue avec qui j'ai vécu un coup de foudre assez cinématographique pour le coup, un vendredi soir du mois de mars à La Petite Mercerie, et qui est tendre et souriant, et que je vois beaucoup. Avec qui le sexe est fantastique, avec qui je joue au Time's Up avec mes potes jusqu'à tard le soir, qui m'envoie des messages adorables jour après jour et ne prend jamais rien mal et est toujours content et serein. Qui ne me met pas la pression, ne veut pas qu'on se voie tout le temps, ou plutôt dit qu'il a envie de me voir tout le temps mais qu'il faut qu'on continue l'un comme l'autre à voir nos potes et vivre notre vie et ne le prend jamais mal quand je lui dis que non là ce soir je ne peux pas, bref qui a une conception raisonnable et saine de l'amour. Qui laisse notre relation avancer à son rythme et dit simplement timidement parfois qu'il a très envie de me voir, que je lui ai manqué, ou simplement qu'il est bien avec moi et heureux de m'avoir rencontrée. Qui bafouille qu'il ne sait pas où ça va mais qu'il espère que ça va durer. Qui a sa vie. Ses centres d'intérêt, ses projets, ses amis. Qui ne me propose pas un truc fusionnel où il n'y aura plus que moi. Qui apprend à m'aimer comme je suis et ne me met pas sur un piédestal dont je ne peux que me casser la gueule avec fracas.
Bref, qui est parfait.
Sauf qu'il a 23 ans.
Qu'il est jeune, très jeune, trop jeune.
(A ce propos, j'ai manqué à l'un de mes grands principes : le lauréat est né après la chute du mur de Berlin. Cela signifie - tenez vous bien - que le lauréat n'a jamais entendu parler de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?... Oui, je sais. C'est dur. Je peux accepter qu'il ait eu quatre ans la première fois que j'ai fait l'amour, mais le coup de Roger Rabbit... Mettez vous à ma place...)
Et puis vous savez à quel point il est important pour moi que mon mec lise des livres. Et lise la presse. Et écoute la radio. Or, il ne le fait pas. (Ce qui ne l'empêche pas d'être très intelligent, hein. Et puis je ne lisais pas non plus le journal à son âge. Mais bon, voilà).
Et donc je sais, au fond de moi, même si c'est divin, que ça ne durera pas.
Je refusais de ne serait-ce qu'envisager de le quitter tant qu'Emma n'avait pas quitté sa femme. Maintenant je n'ai plus à le faire. Mais je ne sais pas pour autant si je vais réussir à continuer comme avant. Il n'est pas exclu qu'Emma ait tout gâché. Entre lui et moi, et entre moi et le lauréat.
Merci, mec. On te réinvitera.

*****

Il y a peu, je disais à BB que, après m'avoir fait vivre tant de mois voire d'années où je n'arrivais pas à m'emballer ou bien seulement pour des mecs qui finalement disparaissaient, la vie était vraiment la dernière des putes de me faire enfin vivre un amour réciproque, oui, mais avec deux mecs à la fois ! Aujourd'hui, je me dis que la vie est d'autant plus une pute qu'elle m'a fait tomber amoureuse de deux mecs à la fois avec qui en plus ça ne pourra très vraisemblablement jamais marcher.


Moi : C'est la merde.
BB : C'est la vie.

Life's a bitch.

Les dieux s'amusent bien avec moi, dis BB. 
Mais bon, Jesus loves me more than I will know, il paraît.


*****

Bon et sinon, pour finir sur une note plus gaie, j'ai le plaisir de vous faire découvrir ces deux belles chansons que j'ai dans la tête depuis des jours et des jours.
Thé à la menthe
et
You touched my tralala
De la grande musique.
De rien.

11 commentaires:

  1. Heureux de te relire, Bayane, même si, bon, j'aurais préféré te savoir en pleine forme. Ma vie amoureuse jouissant actuellement du relief de l'encéphalogramme d'une moule décédée, je peux te proposer un échange si tu veux. Mais je ne suis pas sûr que ça fasse ton bonheur ni le mien, tu me diras).
    Sinon, je passe te prendre, on file sur la côte, on s'installe dans une cabane de plage et on passe notre temps à parler bouquins, dorer au soleil, aller barboter et boire des tequilas en jouant au Time's Up (ouais, j'aime bien aussi). On fait ça ?

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    1. Un programme assez alléchant ma foi !
      Malheureusement, pas de batifolage pour moi, j'ai actuellement 125 copies à corriger (gloups). (C'est ce que je ne cesse de répéter aux gens ces temps-ci. Ils s'exclament à chaque fois "Encore ?!". Je n'ose leur préciser qu'en fait c'est toujours les mêmes...)(Quoique j'ai l'immense fierté de vous annoncer que depuis que j'ai écrit ce poste, j'en ai en fait corrigé 55 !)(Sauf que j'en ai 40 nouvelles, donc bon) (C'est le mythe de Sisyphe).
      PS : "Ma vie amoureuse jouissant actuellement du relief de l'encéphalogramme d'une moule décédée". J'ai ri :)

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  2. Heureuse de te relire aussi, et de te voir sortir de ton long silence. Il s'en est passé des choses ces derniers mois mais je pense que là, puisque tu écris, c'est que tu es assez au fond pour pouvoir donner un bon coup de pied sur le sol et remonter.

    Je ne sais pas comment ça peut se finir entre toi et le lauréat, peut-être que tu peux lui faire découvrir la presse, les livres, la radio, peut-être que la différence d'âge peut s'estomper, mais c'est vrai qu'il est difficile de construire quelque chose quand on en est pas au même point dans la vie.

    En tout cas je te souhaite plein de bonnes choses. Personnellement, je n'arrive jamais à m'arrêter quand ça ne va pas et c'est quelque chose qu'on me reproche beaucoup dans le monde du travail alors sache que tu n'as à pas t'en vouloir de prendre un peu de recul si tu en as besoin.

    Par contre, tiens nous au courant *sbaf*

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    1. Wow. Je suis immensément touchée : je disparais pendant des mois et pourtant dès que je publie un truc, boom, vous êtes là !
      Je doute sincèrement que ça puisse donner quoi que ce soit sur le long terme avec le lauréat. Il est adorable, et il prétend que l'âge n'est pas un problème, mais c'est parce qu'il est dans sa position et pas la mienne. Il va même jusqu'à dire qu'il y a plein de gens qui ont des enfants à 24 ans, ce qui est très mignon, mais il ne sait pas de quoi il parle... Il a onze ans de moins que moi, c'est franchement sans issue. Mais très agréable pour l'instant.
      Sinon pour ce qui est de savoir s'arrêter quand ça ne va pas, heureusement il y a les vacances à la fin de la semaine : je vais pouvoir souffler et arrêter de croiser Emma en salle des profs à longueur de journée, ça va me reposer.
      PS : Je pense que je vais recommencer à écrire davantage. Ca m'a tellement manqué !

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  3. Bah alors Bayane... tu disais que tu allais recommencer à écrire vu que ça te manquait... Où es tu ?

    Des mois et des mois, tu vas bien ?

    Un admirateur

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    1. Tiens j'ai encore des admirateurs, moi ? Cool !
      C'est vrai que ça fait mille ans... J'ai été très occupée. MAIS je suis enfin en vacances (fini de corriger les copies de bac, plus que quelques oraux de rattrapage à faire passer), ce qui va me laisser un peu de temps pour recommencer à raconter ma vie à des inconnus ;)

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    2. Donc tu es bien de retour ! Et tu vas bien. Cool.

      Oui un admirateur parmi les nombreux. D'ailleurs je t'ai envoyé un mail :D aurais-je une réponse ?

      Et ça fait longtemps que tu n'avais pas prononcé cette phrase : fini de corriger des copies... haha

      Un admirateur (le meme)

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  4. D un type qui rigole toujours en te lisant même quand ça l énerve, et qui t hérisse les poils de nez affreusement. C est bien que tu reviennes en forme.

    Si je te dit Jeux Olympiques tout court.

    Bonne vacances et plein de rencontres!

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  5. Alors ces vacances ?
    Tout se passe bien ? :D
    En plus il parait que le soleil est revenu, même en Bretagne ;)

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  6. Bonne rentrée à toi (toujours au lycée ? Si oui, tu dois être contente d'échapper à la réforme !) et à bientôt j'espère !

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