dimanche 4 mars 2018

La terreur féministe


Bonjour tous,
Ca fait longtemps je sais...
Aujourd'hui, je reviens à chaud parce que je viens de m'engueuler avec des gens sur Facebook à propos d'une pétition relayée par Emma appelant à l'interdiction d'un bouquin sur la puberté adressé aux jeunes adolescentes et que j'en suis encore toute retournée.

Rappel des faits ici.

J'ai relayé la pétition, Gigi a relayé la pétition, et on a été très nombreuses à le faire. Pour faire réagir. Pour faire parler. Parce qu'on est choquées et qu'on veut que ça se sache. Parce qu'on a été sidérées de voir une chose pareille, parce que ça nous a profondément désespérées de voir que des gens étaient encore capables aujourd'hui de publier un bouquin où ils disent aux jeunes adolescentes que leurs tout petits tétons c'est moche (!) mais que heureusement ça va grossir (!) et que c'est cool parce que comme ça elle pourront attirer les garçons (!) et que si jamais elles ont des petits seins elles peuvent se tenir très droites pour les mettre en valeur (!) et que c'est pas grave, les petits seins c'est attirant aussi (parce que les seins c'est fait pour attirer les mecs, point barre, c'est bien connu)(!), et aussi qu'avec la puberté elles vont avoir l'impression de grossir (horreur et damnation)(!) mais qu'en fait c'est juste leurs hanches qui s'élargissent (ouf)(!), bref un bouquin où ils disent aux adolescentes que là à la puberté elles vont être un peu moches mais que c'est pour la bonne cause : après elles deviendront de vraies bonnasses qui pourront plaire aux hommes (enfin surtout si elles sont minces à gros seins, donc) et piquer le rouge à lèvres et les talons de leur mère, youpi !
On est très nombreuses à être montées au créneau. Parce qu'à lui seul ce petit bouquin résume tellement bien tant de choses. Et oui, le fait d'appeler à l'interdiction du livre pouvait interpeller, poser question, mais honnêtement le faire vraiment interdire c'était le cadet de nos soucis, nous on voulait avant tout le dénoncer, qu'il soit boycotté, qu'il fasse un four, qu'il ne soit jamais réédité et que ses éditeurs et auteurs subissent la honte et l'opprobre parce que putain, sérieusement, quoi. 

Citons une copine pour résumer : "Je sais pas mais je vois pas de bouquin pour petit garçon qui disent de bien mettre en valeur son pénis sous son slim pour s'attirer les sympathies des jeunes filles".

Donc toutes les deux, avec Gigi, on a relayé la pétition sur Facebook. Parce que comme toute nana normalement constituée, ce sont des sujets qui nous touchent. Moi en particulier parce que comme chacun sait je suis une dangereuse féministe enragée, et Gigi notamment parce qu'elle est enceinte et commence à sérieusement penser aux messages sur les relations hommes-femmes qui vont influencer son enfant dès son plus jeune âge. 
Oui, c'est un sujet qui nous touche. Toutes. Et on en a marre. Alors on s'est dit "cool, une occasion de dénoncer un de ces milliards de discours soi-disant anodins mais puissamment sexistes qui peuplent notre société : si on saisit cette nouvelle occasion d'éveiller les consciences peut-être qu'avec le temps ça se fera moins facilement de publier ce genre de truc, peut-être que les gens tiqueront en voyant ces discours auxquels ils sont pourtant tellement habitués que ça ne les choque plus...".

Bref. Jusque là tout allait bien. Jusqu'à ce que tombe le premier commentaire. Et là c'est nous qui avons subi la honte et l'opprobre.
Le premier commentaire nous accusait tout de go de liberticide. (Oui, j'utilise "liberticide" comme un nom, comme on dirait "féminicide"). 
On venait de dire que le message véhiculé par le livre était "sidérant", l'homme qui a commenté (respectivement notre frère et cousin, ce qui ne facilite pas les choses) nous a répondu que ce qu'il trouvait sidérant c'était cette société de plus en plus totalitaire où les "censeurs 2.0", ces "pasteurs de l'orthodoxie de la bien-pensance" se permettaient de bafouer la liberté d'expression au nom de ce qu'il leur semblait ou non "moral", commentaire qui a été immédiatement liké par un pote à lui. 
Gigi lui a répondu que non, on ne peut pas publier tout ce qu'on veut, que ce que ce livre contient est grave et que c'est important de se mobiliser pour dire que c'est lamentable. Et ce même si au terme de la polémique il n'est pas interdit, parce que ce n'est pas le but premier. J'ai renchéri en disant que ça faisait franchement chier que le seul commentaire qu'on reçoive en publiant cette pétition c'était ça : un commentaire qui nous accuse de censure et retourne le truc en deux deux en mettant en faute les féministes à l'origine de la pétition tout en balayant d'un revers de la main avec bonne conscience et satisfaction le fond du problème, celui du contenu de ce livre et ce qu'il révèle sur la société d'aujourd'hui. 
Extrait du tout premier message de notre premier détracteur : "Le réflexe est de réclamer son interdiction telle une foule obscure qui réclame des têtes à mettre sur ses pics, le sang à la commissure des lèvres? (je n'invente rien).

Donc ça, c'est nous. 
(A moins que - attendez maintenant que j'y pense - à moins que ce ne soit un peu eux ?)


On s'est fait traiter "de passionaria 2.0 de la 25ème heure" (mépris bonjour) qui "s'indignent comme elles se lavent les dents", à la rhétorique totalitaire, qui lancent une fatwa numérique sur un livre sans l'avoir lu. Une fatwa. Rien que ça. Féministes et islamistes, même combat. D'ailleurs vous imaginez bien qu'avec Gigi on prévoyait justement d'aller fusiller les gens dans cette fameuse maison d'édition en criant "Vagina Power". Et puis "sans l'avoir lu", donc sans savoir, parce qu'apparemment les pages relayées par Emma ne suffisaient pas pour s'indigner. On serait donc des cruchasses qui appellent à la mise à mort de la première personne venue en un click juste parce qu'on a entendu une rumeur et qu'on aime bien appeler sans réfléchir à la mise à mort dès qu'on entend que quelqu'un a dit du mal des femmes. Ben ouais, on est des petites cervelles en colère : dangereuses parce que véhémentes tout en étant ni très malines ni très informées.
Gigi : Putain je suis pas une féministe extrême et dieu sait si j'aime les hommes mais là il devrait la fermer...
Le simple fait qu'elle se soit sentie obligée de me dire, en privé, qu'elle n'était pas une féministe extrême et qu'elle aimait les hommes montre à quel point cette attaque faite aux féministes est constante, si constante que nous-mêmes l'avons intégrée. Les féministes militantes seraient trop "extrêmes", elles "détesteraient les hommes" et seraient des enragées haineuses qui se laissent aveugler par leurs affects et leur désir de vengeance, appelant sans réfléchir aux conséquences à des actions radicales qui menacent le bien commun... Donc si une femme veut tenir un propos un tant soit peu féministe et avoir une chance d'être entendue et prise au sérieux, elle doit d'abord au préalable dire qu'elle n'est pas vraiment féministe (ou si peu, enfin une féministe modérée, quoi, pas comme les autres, là... vous savez, ces fameuses "malades mentales qui veulent mettre tous les hommes qui essayent de les séduire en prison")(hum). Parce que sinon, bien sûr, elle sera vite relayée parmi celles-ci, et fin de la discussion. Pratique. 

Ca m'a rendue folle. Folle qu'on réduise immédiatement au silence notre dénonciation en détournant le problème. Que le reste du débat soit utilisé à prouver que non, nous n'étions pas des folles assoiffées de sang qui appelaient à la dictature.
Un mec est venu à notre secours en répondant à notre détracteur : "Ce qui est dénoncé ici [dans la pétition, donc], c’est quelque chose de sournois et de constant dans notre société. J’ai vu ce bouquin précis d’abord dénoncé sur un groupe féministe. Puis repris par la bd blogueuse Emma et maintenant en pétition ici et là (trois amies fb, toutes des femmes évidemment). Les mécanismes de la domination masculine sont sournois, comme le montre cet innocent livre pour jeune fille. Si le bouquin écrivait que l’imagerie passée de Banania était un excellent modèle pour les jeunes enfants noirs en démontrant point par point que 1) être souriant en toute circonstance était une super manière de se faire accepter par ses petits amis blancs, 2) porter un fez permettait d’affirmer son identité de manière conforme à sa nouvelle patrie d’adoption, 3) garder toujours des dents bien blanches était une condition sine qua non de faire valoir ce sourire qui rappelons-le doit être constant, je pense que tu serais le premier à t’indigner (peut-être pas à partager, ok) et que tu ne te permettrais surtout pas de venir dire quoi que ce soit à tes amis noirs sur leur fil Facebook sur ce sur quoi ils devraient ou non s’indigner. Je sais de mon côté que pas mal de mes amis noirs (j’en ai pas tant que ça...) m’accuseraient alors de tone policing".
Une autre fille a réagi :  "Au-delà des propos abjects du bouquin, quand tu lis les commentaires contre "la moralisation ambiante" et qui regrettent "l'interdiction d'interdire", il s'agit quasi exclusivement de commentaires masculins, régulièrement assortis de "mal baisées", "aucun humour", etc.. Ce qui me rend folle, c'est l'hypocrisie de ces gardiens de la liberté, hommes blancs pas du tout concernés par les atteintes, remarques, vexations et autres que subissent le reste de la population. C'est cool de hurler à l'atteinte aux libertés dès qu'il s'agit de sexisme, de vitesse au volant, etc... C'était tellement mieux avant quand personne ne s'offusquait des photos de David Hamilton, que Woody Allen pouvait épouser sa fille peinard sans que personne ne lève un sourcil, qu'on laissait la liberté aux Enfants de Dieu de découvrir la sexualité dès leur plus jeune âge. Je suis allée lire les commentaires sur le site de l'Obs, c'est à gerber de sexisme (pas machisme, sexisme, comme dans racisme) sous couvert de fausse indignation face à cette atteinte aux libertés. Je me suis rarement sentie aussi attaquée en tant que femme".
Pourtant rien n'y a fait. On nous a répondu (pas au mec, hein, à moi personnellement quand j'ai eu le malheur de reprendre ses propos plus loin dans le débat parce qu'ils n'avaient apparemment pas été entendus) que la comparaison entre le sexisme et le racisme était "nulle" et "honteuse". On nous a dit que le livre avait certes l'air "nul" et "débile" (ou comment dédramatiser la gravité du truc en deux mots) mais qu'on avait le droit de dire des conneries. On nous a accusé de vouloir interdire la publication des écrits de Sade. On nous a demandé si d'après nous il fallait aussi interdire Mein Kempf (Point Godwin atteint). On nous a accusé de vouloir faire passer ceux qui n'étaient pas d'accord avec nous pour des "suppôts de Satan". On a dit qu'on donnait raison à la tribune de Catherine Deneuve et consort. Bref, on a tenté de nous humilier, de nous discréditer, de nous faire passer pour des cruches hystériques. 
Quand j'ai dit que leurs réactions me rappelaient ce dont parlait Titiou Lecoq dans son article sur le fait que le mouvement #metoo n'allait nulle part, précisément parce que tant de personnes l'attaquaient et le discréditaient en prétendant qu'il allait trop loin, un mec m'a répondu qu'il était lamentable de ma part d'oser utiliser ainsi la "réelle souffrance de femmes violées qui portent plainte" et que mon propos était indigne (?!). 
Une fille : "Interdire est certainement idiot, mais faire de ce torchon le symbole de la liberté d'expression, au lieu de le condamner de manière univoque, c'est une manière de fermer le débat sur la manière dont on éduque les filles. Encore une fois".
Notre premier détracteur a fini par dire au bout d'un long moment qu'il n'avait pas insisté sur sa réprobation du torchon parce qu'elle "allait de soi". Ben non. Elle ne va pas de soi. Si les toutes premières choses que tu dis sur le sujet c'est que c'est crétin, liberticide, anti-démocratique et dangereux de la part des féministes de vouloir condamner un livre dont le seul défaut est d'après toi d'être "nul" et "débile" et qu'elles te rappellent une foule obscure la bave au lèvres qui réclame des têtes sur des pics, il n'est pas évident au premier abord que tu es scandalisé par l'image des femmes que le livre véhicule. Il semble au contraire plutôt que tu désapprouves l'action des féministes.
Et ça me renvoie à ce que disait Titiou Lecoq à propos de tous ces gens qui disent que "le mouvement #Metoo c'est bien, MAIS". 
Je comprends l'indignation des femmes face à ce livre "nul" et "débile", MAIS. 
Mais pas comme ça. Mais ça va trop loin. Mais c'est pas si grave. Mais tu te trompes de combat. Mais tu bafoues la liberté d'expression. Mais tu veux mettre en place une dictature. Mais tu te discrédites toi-même parce que tu ne t'es pas assez informée, tu ne sais pas de quoi tu parles. Mais tu te laisses porter par tes émotions au lieu de réfléchir. Mais. Mais. Mais. 
Et du coup on balaye le problème. On ne parle pas du sexisme, on parle des tares des féministes qui desservent le féminisme et tadah, tour de magie, on a feinté le sujet. 
En bref : Oui, mais non, et ta gueule.  

On a laissé tomber. Ils étaient plusieurs, ils s'auto-likaient, se tapaient dans le dos, se galvanisaient les uns les autres. On était fatiguées, on a dit stop, on arrête les frais, ça ne sert à rien, vous refusez de comprendre et on en a marre de se faire agresser. On n'a pas avancé. On n'a rien démontré. On a juste renoncé à faire valoir notre point de vue et ils ont eu le dernier mot. On était frustrées et en colère. Ce qui explique pourquoi j'ai besoin d'en parler.

Et pour finir, un petit fleuron de condescendance et de paternalisme :
"Vous êtes en colère? C’est parfaitement compréhensible. Et pourtant cela doit être épuisant d’être en colère dès qu’un idiot sort une énormité raciste, sexiste, homophobe, gérontophobe,… Autant s’économiser et choisir en intelligence et efficacité ses batailles. La colère qui vous anime peut très bien s'exprimer en soutien à des associations féministes (puisque c’est le sujet du jour). Vous pouvez les aider financièrement, militer à leur coté, aider à mettre en place un procédure judiciaire contre l’objet de votre colère..." 
Comprendre : Tu fais une colère, petite ? Oui c'est vrai, les filles c'est émotif, elles sont facilement bouleversées et s'indignent au moindre truc, mais là ton combat tu l'as mal choisi - parce que tu ne sais pas bien ce qui mérite que tu t'énerves, tu es un peu sotte comme ça - et puis surtout dire que tu es indignée là comme ça sur Facebook fillette ça ne sert à rien - non seulement ta colère est illégitime mais en plus tu l'exprimes mal, dis donc -, donc arrête de nous bassiner avec des trucs sans importance et si tu y tiens vraiment va donner de l'argent à des gens qui veulent gueuler comme toi ou bien va gueuler avec eux. Mais ailleurs, merci. 
Bref, ce n'est pas qu'on ne veut pas soutenir la cause des femmes, hein. C'est juste qu'elles ne militent pas pour les bonnes choses et qu'en plus elles le font mal. C'est pour ça qu'on ne peut pas les soutenir, vous comprenez. C'est quand même pas de notre faute !
Ma réponse : oui, c'est en effet "épuisant" de devoir débattre et en prendre plein la gueule dès qu'un combat féministe est attaqué, dès que quelqu'un dit un truc sexiste et qu'on veut le dénoncer. Mais c'est aussi ça, militer "au côté" des féministes : c'est s'engueuler avec son père, son frère, son cousin, ses amis sur des questions de sexisme. Même si ça fait mal. Et même si ça fait d'autant plus mal que souvent on a l'impression qu'en plus ça ne sert à rien. 



Et à propos de tous ces hommes, nos compagnons, nos frères, nos cousins, nos collègues, qui sont persuadés qu'ils n'ont rien à se reprocher et que rien de tout cela ne les concerne, qui n'imaginent pas que leurs actions ou les propos qu'ils tiennent puissent faire souffrir les femmes de leur entourage, leurs proches et les autres, je conseille la lecture de cet article, que j'ai trouvé très bien.



11 commentaires:

  1. Ton rappel des faits est bourré d'humour et d'ironie, je le trouve plus efficace qu'une pétition ou qu'une censure.
    L'absurde et l'humour désarme les fumiers, c'est là qu'ils se révèlent au grand jour.

    RépondreSupprimer
  2. Réponses
    1. oui :-) et toi, toujours là, fidèle au post :-)

      Supprimer
  3. Coucou Bayane,

    (mon commentaire est trop long, je vais devoir le poster en plusieurs fois)

    J'ai longtemps hésité à commenter « pour de vrai » ton article dans son fond, au delà du plaisir évident que j'avais à te revoir et à te relire – je n'ai pas facebook et ne suit donc tes aventures qu'à travers ton blog.

    D'abord parce que la question du féminisme est toujours épineuse. Ce sont des combats très médiatisés, souvent image de l'opinion d'une minorité bruyante sur des combats avec lesquels je ne suis pas toujours d'accord. Je ne suis pas très féministe, je suis plutôt de ceux qui pensent que les différences s'apaisent quand on cesse d'y porter attention. Je ne me reconnais pas dans le battage pour supprimer le 2 du numéro de sécurité sociale alors que ce code est une réalité médicale et qu'il est le résultat d'une évolution des mentalités. A la base, l'homme est 1 parce qu'il était le seul habilité à avoir ce numéro de sécu, la femme étant considérée comme une extension de lui-même. J'ai également été effarée en entendant dire que certains professeurs avaient décidé de ne plus enseigner la règle « le masculin l'emporte sur le féminin dans les accords » parce qu'ils trouvaient la phrase mauvaise pour ls enfants, certains la remplaçant par un accord de proximité, d'autres je ne sais pas comment. Je ne dis pas qu'il ne faut pas changer la règle, elle est mal formulée c'est sûr et si on en trouve une autre pratique, je ne dis pas mais ne pas enseigner la même chose à tous, c'est aller contre l'égalité des chances qui est un fondement de notre démocratie républicaine, et ça, je ne peux pas y souscrire. De plus, c'est politiser les enfants, les rendre complices innocents d'une bataille qui n'est pas la leur. Un professeur enseigne ce qu'on lui dit d'enseigner. La règle doit changer, mais pas par une prise en otage.

    Il y a cependant des choses dans le féminisme qui sont importantes pour moi et je comprends certains autres combats. Je sais aussi que le battage le plus médiatique n'est pas le fait de la majorité des gens de ce parti et je l'accepte. Je ne suis pas vraiment féministe – je ne suis pas non plus totalement contre. C'est compliqué. Pour moi en tout cas.

    Voilà pour le premier point, avec des arguments que je n'ai fait qu'effleurer mais qui, même s'ils ne sont pas le fond de ton article, en sont quand même des points importants.

    RépondreSupprimer
  4. Cela posé : je n'ai pas lu le livre en question, je n'étais pas au courant de la polémique et je n'ai pas vu la pétition. Je ne vais donc pas critiquer ce que je ne connais pas, ce n'est pas mon genre. Je vais pour mon opinion me baser exclusivement sur ce que tu nous racontes ici. Si tu me permets.

    Un type a écrit un livre dont le contenu t'a choqué, toi et plusieurs de tes amies. Vous avez donc fait une pétition sur internet demandant son retrait afin qu'il ne fasse pas de mal aux enfants et adolescents qui le liraient car vous le jugiez néfaste.

    L'auteur avait le droit d'écrire son livre, l'éditeur de le publier, c'est en effet une des base de la liberté d'expression (lis moi jusqu'au bout, promis, je m'arrête pas là et je vais développer.)

    Tes amies et toi aviez parfaitement le droit de juger ce livre néfaste et d'en avertir les populations par tous les moyens légaux, pétition y compris, et avec la violence qu'il vous inspirait. C'est également la base de la liberté d'expression. Que je sache, vous n'avez réellement brûlé personne et vous reprochiez au livre son contenu. Je doute, te connaissant que cet avis n'ait pas été développé et qu'il ait consisté en un « se livr é nul fo le bruler lol pi son auteur oci. »

    Le débat est quelque chose de sain, normalement. Il permet d'afiner son esprit critique et de développer des arguments, que l'on soit pour ou contre. Une démocratie sans pétition, sans personnes qui s'insurge, sans colère, sans idéaux n'est pas une démocratie. Etre liberticide, ce n'est pas exprimer une opinion, même forte, c'est mettre en œuvre des moyens concret pour bayonner l'autre et l'empêcher soit de parler, soit de répondre. Je doute que vous l'ayez fait et le bashage que vous avez subies n'est pas et n'aurait pas du exister.

    Vous allez me répondre, ils avaient bien le droit d'avoir leur opinion contraire.

    Certes.

    Mais avec des arguments. Pas des Grands Mots lancés pour faire mal sans qu'on en saisisse le sens.

    Pour faire court, sans du tout prendre parti sur le fond, je trouve que dans la forme, vous avez eu raison de vous sentir blessées et attaquées. Vous avez voulu exprimer vos idéaux et vos croyances pour une cause qui vous paraissait juste. C'était courageux et parfaitement démocratique. Vous en avez payé un prix assez cher car je sais combien ce genre de retour peut faire mal. Et pour cela, vous avez toute ma sympathie.

    N'arrêtez pas de vous battre pour les valeurs qui sont les votres. N'arrêtez pas d'argumenter, de justifier, de vouloir protéger la jeunesse. Ne vous laissez pas abattre par des gens qui vous jugent liberticide parce que vous utilisez des images fortes pour tenter de convaincre. La virulence avec laquelle vous avez été accueillies ne doit pas vous arrêter si vous êtes convaincues par vos arguments. Continuez à débattre, dans le respect de l'autre, malgré lui-même, pour ce en quoi vous croyez et vous serez de vraies citoyennes. Parce que c'est comme ça qu'on avance, que l'on change les mentalités. En restant droit dans ses bottes. En utilisant les outils légaux donnés par la démocratie pour s'exprimer tous ensemble. En ayant le droit et même le devoir de ne pas être toujours d'accord.

    Deryn.

    RépondreSupprimer
  5. Chère Deryn,
    Merci beaucoup pour ton commentaire, qui m'a beaucoup touchée et sur lequel je vais rebondir, car j'ai plein de choses à dire !
    (Et ne prends pas l'ensemble pour toi, hein, dis toi que je rebondis pour écrire une sorte de suite de mon post).
    Je réalise que, moi qui jusqu'ici ne me considérais pas comme particulièrement féministe, je le suis beaucoup plus que la grande majorité des gens que je fréquente. De même, moi qui ne me sentais encore récemment pas légitime à parler de l'école et des réformes, j'ai réalisé il y a peu que j'étais beaucoup plus renseignée et révoltée que la grande majorité de mes collègues, et que j'étais finalement parmi les personnes les plus militantes de mon entourage, voire de mon département... Donc peut-être faut-il que je me rende à l'évidence une bonne fois pour toutes : je suis en fait, finalement, assez militante. Et les deux trucs qui me touchent, me révoltent, et pour lesquels je milite le plus activement sont le féminisme et l'école.
    Bref. Commençons par le féminisme.
    Contrairement à ce que ces cinq dernières années de posts de midinette auraient pu laisser penser, je suis plutôt très féministe. Et du coup plein de trucs que tu dis dans ton commentaire m'ont fait pas mal tomber des nues, comme quand tu dis que "les différences s'apaisent quand on cesse d'y porter attention", alors que je pense au contraire que rien ne change si on ne gueule pas activement, et très longtemps, pour cela. L'égalité des sexes n'est pas encore acquise en France et pourtant cela fait bien longtemps que les féministes se battent. Les premières femmes à avoir eu le droit de vote dans le monde l'ont eu en Angleterre en 1918, il y a un siècle seulement, après une lutte acharnée de femmes qui ont milité de façon héroïque et se sont fait virées de leur boulot, de chez elles, frappées par la police, incarcérées et j'en passe pour défendre une cause en laquelle elles croyaient. C'est grâce à elles que les choses ont avancé. Quand ma mère est née en 1946, les femmes venaient à peine d'obtenir le droit de vote en France. Elles n'avaient pas le droit de travailler ou d'avoir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari. Elles n'avaient pas le droit de prendre la pilule ou d'avorter. Elles étaient traitées comme des mineures qu'on avait le droit de violer impunément. Et si les choses ont évolué depuis, ce n'est pas parce qu'elles ont sagement attendu que les choses évoluent d'elles-mêmes. C'est parce que des femmes, des milliers de femmes, se sont battues inlassablement, pendant des décennies, pour faire avancer pas à pas, péniblement, une société profondément sexiste et patriarcale. Le simple fait que les hommes aient été les premiers à avoir une sécurité sociale parce que leurs épouses n'étaient que le prolongement de leurs maris (au point qu'on les appelait souvent carrément "Madame Henri Dupont", sans même leur laisser leur prénom) en est un signe criant. Je ne dis pas qu'il faut que les femmes deviennent numéro 1, je m'en fous, mais je trouve important de noter qu'il s'agit ici d'un symbole assez fort : la femme, depuis toujours dans nos sociétés, vient en effet après l'homme, comme Eve après Adam, qui est d'ailleurs littéralement un prolongement de lui même vu que Dieu la crée à partir d'un morceau d'Adam pour lui tenir compagnie.

    RépondreSupprimer
  6. Je pense donc que la société et les mentalités n'avancent jamais à moins qu'on les bouscule et qu'on les pousse dans leurs retranchements. Et beaucoup de gens évitent le débat sur le féminisme parce qu'il est justement épineux et crée des conflits mais c'est justement pour cette raison qu'il faut l'avoir ! Parce que c'est un sujet qui entraine des réactions tellement épidermiques et violentes que cela prouve à quel point la question n'est pas réglée, même chez des jeunes gens qui se croient des libres-penseurs progressistes comme mon cousin ou comme Emmanuel Zemmour dans l'article que je publie en fin de post et qui avoue - et je l'applaudis des deux mains pour ça - qu'il faut que tout un chacun regarde son propre sexisme en face et le combatte. Le sexisme est encore latent partout, dans les discours de nos proches, de nos parents, de nos amis, de nos cousins, dans le nôtre aussi souvent, et il faut le combattre en le reconnaissant pour ce qu'il est. Car ne pas évoquer le problème, le fuir, c'est aussi refuser de s'y confronter et d'ôter ses oeillères. En effet, on reproche beaucoup aux féministes d'avoir une vision erronée de la société, de la voir comme beaucoup plus sexiste qu'elle ne l'est vraiment, mais c'est aussi parce que, en abordant la question du sexisme jour après jour, les féministes se confrontent jour après jour - contrairement à l'immense majorité de la population - à un raz de marée de commentaires sexistes, et donc se prennent de plein fouet ce que tout le monde évite. Il suffit d'aller lire les commentaires faits à la suite du post d'Emma et de la pétition (oui car je le disais au début du post, ce n'est pas moi qui ai rédigé la pétition, je n'ai fait que partager une pétition relayée par la très médiatique blogueuse Emma) pour réaliser à quel point le sexisme peut être violent dans cette société : et il est essentiellement le fait des hommes, évidemment, mais beaucoup de femmes le véhiculent aussi. Sans parler des horreurs proférées lors du mouvement #metoo... qui prouve bien lui aussi à quel point le combat féministe en Occident est loin d'être gagné.

    RépondreSupprimer
  7. Pour ce qui est de la règle "le masculin l'emporte sur le féminin", encore une fois je suis très sincèrement - et c'est là que je me découvre beaucoup plus féministe que beaucoup - surprise que tu ne soutiennes pas l'initiative des quelques professeurs qui ont lancé le mouvement qui a relancé le débat et que, pour ma part, je soutiens. Car la langue est le reflet d'une société et n'est pas immuable. Par exemple, en tant que prof d'anglais, je me tue à expliquer à mes élèves année après année qu'en anglais, comme dans bien d'autres langues d'ailleurs j'en suis sûre, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin. On ne peut en aucun cas dire "he" quand on ne sait pas si la personne dont on parle est de sexe masculin ou féminin. Par exemple (on parle de harcèlement scolaire en début d'année avec mes 2nde), on ne peut pas dire "When a pupil is bullied at school, he is unhappy". C'est grammaticalement incorrect : "a pupil" est neutre et rien ne justifie qu'on décide qu'il s'agit d'un garçon. On doit dire "he or she" ou bien utiliser le pronom épicène "they", qui là n'indique pas un pluriel mais un singulier neutre. Et je ne peux pas m'empêcher de relier ce "détail" de la langue au fait qu'en Angleterre, ils ont des reines depuis des siècles... En effet, notre langue dit quelque chose de notre société, et c'est le cas aussi de la langue polonaise qui a deux cas différents pour le masculin (un pour les inanimés et les animaux et un autre pour les mâles humains) et un seul cas pour le féminin (femmes, animaux et inanimés compris). J'encourage donc l'évolution de la langue, car rien ne justifie que le masculin l'emporte sur le féminin, et car changer la langue - qu'on utilise jour après jour sans même y penser - pour enseigner aux adultes de demain une langue qui les incite le moins possible à enregistrer des stéréotypes sexistes, c'est une excellente façon de faire avancer les mentalités. Je sais évidemment que ce qu'on nous propose est parfois lourd et indigeste (écrire "tou.te.s" sans arrêt, c'est un poil relou) et moi-même je continue à écrire comme par le passé, mais j'encourage toutes les initiatives qui ouvrent le débat, et crois-moi, je pense que d'avoir eu dans leur scolarité, une fois, un(e) instit' qui leur a enseigné qu'on pouvait accorder les adjectifs de façon plus égalitaire, ça ne fera pas de mal aux enfants. Quand on voit à quel point les lycéens d'aujourd'hui sont nombreux à 1) se foutre des accords de toute façon et 2) tenir des propos sexistes, on se dit que ces quelques instit' perturberont certains élèves dans leur apprentissage, certes, mais de façon plutôt bénéfique, en ouvrant leur esprit sur un fait de société. Mais j'imagine - et j'espère - que d'autres instits le font déjà, en signalant aux enfants, lorsqu'ils leur enseigne la règle "le masculin l'emporte sur le féminin", qu'il s'agit là d'un des aspects clairement sexistes de notre langue et de notre histoire.

    RépondreSupprimer
  8. Pour en revenir au livre : le fait que tant de gens ne comprennent pas ce qu'il y avait de choquant dans ce livre est à mon sens extrêmement révélateur. Quand mon frère (mon frère !) s'est gentiment moqué de moi en me demandant pourquoi j'encourageais un combat féministe alors que je n'avais jamais été "opprimée" et m'a dit que oui, en revanche il aurait compris que je m'insurge et appelle au boycott d'un livre incitant au racisme, même de façon sous-jacente et détournée, parce que "ça tombe sous le coup de la loi", ça m'a vraiment, vraiment fait chier. Parce que non, je ne suis pas "opprimée" au sens où on l'entend, mais ça n'empêche que j'ai grandi dans une société beaucoup plus sexiste qu'elle ne veut l'admettre et que j'en porte les stigmates, parce qu'elle m'a façonnée et a façonné ma façon d'être et la façon qu'ont les autres d'être avec moi, et parce que non, ça n'est pas normal que le fait d'encourager des stéréotypes sexistes dans l'esprit des enfants ne soit pas considéré comme aussi criminel que l'incitation à la haine raciale dans une société où il est essentiel de faire évoluer les mentalités. En effet, je vous rappelle que je ne sais combien de femmes sont violées et harcelées impunément chaque jour en France et assassinées parce qu'elles sont des femmes. Je pense que c'est un débat qui doit avoir lieu, et qu'il est essentiel et primordial. Et l'argument selon lequel on a simplement fait de la pub à ce livre en en parlant alors qu'il aurait été préférable de le laisser où il était me semble nul et non avenu : on a fait naître un débat (et quand je dis "on", je veux dire celles et ceux qui ont rédigé, signé et relayé la pétition), et on a obtenu que le livre soit révisé : la prochaine édition aura retiré les passages qui sous-entendent qu'une jeune ado a/doit avoir pour seule préoccupation de plaire aux garçons (et que pour parvenir à ce dernier point elle doit être mince, bien maquillée et avoir des gros seins), et ça, à mon sens, c'est une petite victoire, et les petites rivières font les grands ruisseaux.
    Bref, pour revenir à toi, Deryn, merci de m'avoir soutenue dans mon expression - démocratique ! ^^ - de mon indignation. (Je suis à ce jour vaguement brouillée avec mon cousin, je le crains. Heureusement du moins Gigi et moi sortons avec des mecs très féministes et donc aucun accrochage de ce côté là, thank God). Je ne sais pas si d'autres ont lu mon post. Peut-être que comme toi ils n'ont pas trop osé répondre ou argumenter, pour ne pas me blesser peut-être parce qu'ils ne sont pas de mon avis, ou parce que comme toi (et moi, hein) ils trouvent le sujet trop épineux et donc trop dangereux... En tout cas ça m'a fait un bien fou d'écrire à nouveau, comme ça, simplement en quelques heures, sans trop me relire, et de balancer comme au bon vieux temps mes pensées sur l'écran !
    Merci encore mille fois pour ton long message très bien rédigé et argumenté, à la fin très inspirante aussi, et à bientôt pour de nouvelles aventures ! :-)

    RépondreSupprimer
  9. Elle est adulte maintenant mais en tant que père, je n'aurais pas voulu que ce livre doit présenté à ma fille.

    RépondreSupprimer
  10. Je viens de lire une citation qui m'a fait tout de suite pensé à ce débat avec mon cousin et ses potes :

    « Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
    La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
    La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
    Il n’y a pas de pire hypocrisie que de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. » Dom Helder

    Mon cousin et ses amis se sont rendus coupables de cette troisième violence en s'en prenant aux féministes appelant au retrait du bouquin (qui représente la première violence, donc).

    RépondreSupprimer