Booyah !
Tranche de vie de prof. Pour toi, Marie.
Cette semaine, j'ai découvert que mes petits élèves chéris étaient en réalité de dangereux homophobes. Argh.
En effet, après un cours, l'autre jour, quatre élèves (un garçon et trois filles) m'ont demandé si j'étais allée à la manif de dimanche dernier, ce à quoi je leur ai répondu, spontanément, que "Bien sûr que non ! Je suis pour le mariage gay", sans imaginer une seule seconde que eux pouvaient être contre.
(J'avais cela dit eu un indice au lendemain de l'élection présidentielle : quand je leur avais fait dire, en anglais, en début d'heure, que "Today we have a new President" (je comptais évidemment m'en tenir à du "factuel"), ils avaient tous commencé à hurler et à huer François Hollande. Il ne m'était bêtement pas venu à l'idée, cruche que je suis, que des élèves de banlieue défavorisés pouvaient ne pas être de gauche. Cela dit je ne suis pas sûre qu'ils connaissent la différence entre la droite et la gauche, hein. Et puis ils détestent aussi Sarkozy - sans savoir grand chose de lui, d'ailleurs. Si j'ai bien compris, s'ils n'aimaient pas Hollande, c'est essentiellement parce qu'on leur avait dit qu'il voulait réduire les vacances d'été).
Bref, quand je leur ai dit que j'étais favorable au mariage gay, ils se sont mis à crier. "Vous êtes sérieuse ?!", "Vous êtes bizarre, madame !", avant de soutenir que les couples homosexuels, c'est "dégueulasse", et de me scander avec entrain les slogans "Un papa, une maman" en racontant joyeusement leur première manif (ils avaient accompagné leurs parents).
J'ai eu comme un frisson.
J'en ai ensuite discuté avec Isidor, qui m'a raconté que quand ils avaient étudié la Seconde Guerre Mondiale et les camps en Histoire, il leur avait appris qu'on avait envoyé dans les camps, entre autres, les juifs ("Ah comment ça se fait trop pas, vas-y !"), les handicapés ("Ah comment ça se fait trop pas, wesh") et les homosexuels ("Ouais ben ça c'est normal !").
Ne les diabolisons pas, cela dit : toute la classe n'a pas dit ça, ça devait être le fait d'un seul élève, ou de deux-trois au pire. Mais bon. Ca reste dramatique.
C'est limite à celui qui criera son homophobie le plus fort. Parce que dans la cour de récré, soutenir le mariage homosexuel, pour un élève, c'est s'exposer aux railleries : "Ah ouais c'est parce que t'es pédé, c'est ça ?! Hahaha". A l'inverse, dire haut et fort qu'exterminer les homos ou leur refuser des droits fondamentaux, c'est normal, ça revient à clamer sa virilité, à dire que t'es un "vrai mec".
C'est tragique. Absolument tragique.
Ces petits gamins qui hurlent au racisme dès que tu leur mets une heure de colle ("Ouais c'est parce que je suis noir c'est ça ?!") trouvent parfaitement normal de traiter les homosexuels comme des parias. C'est normal, quoi. Pas de problème.
Ca laisse sans voix.
J'aimerais en parler avec eux. Mais bon, je ne l'ai pas fait sur le coup (c'était avec un petit groupe, en fin d'heure, je fermais la porte de ma salle), et je ne vais pas prendre une heure pour aborder le sujet et organiser un débat, ça n'est pas ma place. Délicat. Peut-être que c'est plutôt Isidor qui devrait leur en parler, en Education Civique. Mais bon, le pauvre, il a déjà méchamment galéré quand il a dû leur faire un cours sur la laïcité... (Oui, la laïcité est au programme. Et c'est une très bonne chose. Mais c'est un sujet sensible).
Bien sûr, ils ne font que répéter ce que leur parents leur enseignent (c'est eux qui les ont traînés à la manif), mais quand même, je trouve ça terrifiant.
Bien sûr qu'à l'école les gamins sont bêtes, et je sais que c'est monnaie courante de se faire "traiter" de pédé ou de lesbienne, mais bon. Oui. Les jeunes sont cons. Certes. Mais moi, je me souviens que quand, en cinquième, les gens nous traitaient de lesbiennes, moi et ma meilleure amie, en guise de réponse, on se faisait des smacks sur la bouche en pleine cour avant de leur dire d'aller mourir. Parce que déjà à douze ans, il était hors de question qu'on se rabaisse à dire "Non, arrête, on n'est pas lesbiennes, même pas vrai". C'était de la provocation stupide de notre part, mais c'était quand même moins bête. On avait au moins la décence de traiter ça par le mépris. Mais bon, je sais pas, j'imagine qu'on n'avait aucun mérite. On était, comme eux, les fruits de notre éducation, et on avait appris à
mépriser l'homophobie au même titre qu'eux avaient appris à mépriser
l'homosexualité. On avait juste eu des parents ouverts d'esprit. On avait grandi dans un milieu ouvert d'esprit.Et puis l'homosexualité féminine est mieux acceptée que l'homosexualité masculine, aussi. Donc c'était moins difficile, j'imagine. Je sais pas.
Et puis bon, ils sont petits. Ils ont onze ans, ils n'en ont pas trente.
Ils connaissent rien à rien. Ils grandiront. Ils apprendront.
Ils connaissent rien à rien. Ils grandiront. Ils apprendront.
L'autre jour, ils ont également poussé des cris quand ils ont appris que je ne connaissais pas Keen V et Tal. "Quoi ?!! Vous connaissez pas Keen V et Tal ???!!! Oh la la... Mais vous écoutez quoi alors madame ??? Du classique ?!" (NB : "Keen'v, de son vrai nom Kevin Bonnet, né le 31 janvier 1983 à Rouen, est un chanteur de Ragga Dancehall") (Hahaha). Bref.
(Enfin, heureusement, ils ont ensuite découvert que je savais - au moins - qui était Kim Kardashian. Ils ont donc décidé que je n'étais pas complètement inculte et irrécupérable. Ouf).
(Enfin, heureusement, ils ont ensuite découvert que je savais - au moins - qui était Kim Kardashian. Ils ont donc décidé que je n'étais pas complètement inculte et irrécupérable. Ouf).
J'avais déjà été confrontée à l'homophobie primaire de certains étudiants dans l'école de commerce où j'enseigne quand, il y a quelques semaines, des petites étudiantes versaillaises avaient clamé leur homophobie sans complexe, et avec véhémence.
J'étais restée bouche bée.
Pour mon premier cours, j'avais organisé un faux speed-dating : les étudiants avaient tous des fiches personnages, et ils devaient faire connaissance. A chaque fiche du rang A correspondait une des fiches du rang B, pour que chacun, à un moment du speed dating, rencontre l'âme soeur.
Le tout devait avoir lieu en anglais (c'était pour leur faire retravailler les présentations de base : nom, âge, profession, situation familiale, hobbies, désirs pour l'avenir, ce genre de choses) et à la fin, chacun devait s'asseoir en face de son "âme soeur" et les couples ainsi formés devaient m'expliquer (en anglais toujours) pourquoi ils étaient faits l'un pour l'autre.
J'avais déjà fait cet exercice avec plusieurs groupes, et ils s'étaient toujours beaucoup amusés.
Cette fois-là, apprenant que j'allais avoir un groupe fait essentiellement de filles, j'avais prévu un certain nombre de couples lesbiens dans mes fiches-personnages. Je l'avais déjà fait auparavant avec d'autres groupes de filles, et ça n'avait, jusque là, jamais posé de problème.
Cette fois-là, apprenant que j'allais avoir un groupe fait essentiellement de filles, j'avais prévu un certain nombre de couples lesbiens dans mes fiches-personnages. Je l'avais déjà fait auparavant avec d'autres groupes de filles, et ça n'avait, jusque là, jamais posé de problème.
Or, ce jour-là, deux de mes élèves filles ont fait un esclandre : "Ah non, moi je fais pas une lesbienne, y a pas moyen, ça va pas non ?!". J'étais stupéfaite.
Un des mecs était absent, j'ai donc refilé un rôle de mec à une des filles et une fiche de femme hétéro à l'autre, en leur faisant comprendre que j'étais 1) agacée 2) outrée. (Je n'allais pas leur faire un grand discours sur l'homophobie, là n'était pas ma place - et franchement, ça n'aurait servi à rien - d'ailleurs le débat sur le mariage gay qui a eu lieu en anglais au cours suivant entre les élèves n'était franchement pas glorieux : les élèves qui y étaient "à priori" favorables étaient en minorité, trop intimidés par la majorité, et trop peu sûrs de leurs arguments pour les défendre).
Un des mecs était absent, j'ai donc refilé un rôle de mec à une des filles et une fiche de femme hétéro à l'autre, en leur faisant comprendre que j'étais 1) agacée 2) outrée. (Je n'allais pas leur faire un grand discours sur l'homophobie, là n'était pas ma place - et franchement, ça n'aurait servi à rien - d'ailleurs le débat sur le mariage gay qui a eu lieu en anglais au cours suivant entre les élèves n'était franchement pas glorieux : les élèves qui y étaient "à priori" favorables étaient en minorité, trop intimidés par la majorité, et trop peu sûrs de leurs arguments pour les défendre).
Pendant la partie de speed-dating, la fille à qui j'avais donné une fiche d'homme hétéro a donc, évidemment, été amenée à rencontrer des filles avec des fiches de femme lesbienne : et à chaque fois, elle ricanait et refusait de leur parler, comme si elle allait être "contaminée". Quand je l'ai engueulée, elle a arrêté, et a accepté de "jouer le jeu", mais a bien protesté au préalable.
C'était risible. Et nauséabond. J'avais envie de la virer à coups de pied au cul.
C'était risible. Et nauséabond. J'avais envie de la virer à coups de pied au cul.
Bref, cette fille de vingt ans, à priori éduquée, faisait preuve de la même homophobie puérile et bruyante que mes petits caïds de banlieue... C'était horrifiant.
Je n'ai pas l'habitude d'entendre des discours homophobes proférés aussi ouvertement et de façon aussi décomplexée. Je n'évolue pas dans un milieu où je suis confrontée à ça. Honnêtement, je ne pensais pas vraiment que ça existait en vrai. Des clichés pareils, je veux dire. Enfin si, je le savais, mais pas à ce point, ou du moins dans un monde parallèle, pas dans le mien. Je ne pensais pas y être confrontée un jour de plein fouet, en tout cas.
Pourtant, ce n'est pas la première fois que j'entends des élèves dire des atrocités.
Il y a quelques années, un élève a été poignardé dans un collège avoisinant. Quand j'en ai parlé au cours suivant avec mes élèves, en anglais toujours, pensant qu'ils allaient, en gros, me dire que c'était "scary" et "terrifying", j'ai à la place été amenée à entendre ça : "Non mais attendez madame on peut pas juger, hein. On connaît pas l'histoire, nous. Ca se trouve il l'avait cherché". (......).
Inutile de souligner que la plupart de mes élèves sont pour la peine de mort. ("Enfin, surtout pour les violeurs d'enfants, hein madame").... Au secours.
Après la mort de Mohamed Merah, quand on a
dû faire une minute de silence dans tous les collèges de France, il a aussi fallu que je leur explique - et j'ai réussi à les convaincre - que non, il n'avait pas eu
raison, Mohamed Merah, de tuer des petits juifs sous prétexte qu'Israël
ne traite pas bien les palestiniens, parce que les petits juifs
ils avaient rien fait, c'était pas de leur faute, c'est pas parce que t'es pas d'accord avec la politique d'Israël que t'as le droit de tuer des juifs, ça s'appelle du
terrorisme et c'est pas bien...
(Ils ne sont pas antisémites, hein. Ils auraient condamné le meurtre de ces enfants s'il s'était agi d'un "simple meurtre antisémite", donc "raciste". Ils sont contre le racisme. Et, par ailleurs, ils ne connaissent rien au conflit israëlo-palestinien. Mais ils respectent le côté "oeil pour oeil, dent pour dent". L'idée de vengeance. Ils ont une conception de la justice très personnelle).
(Ils ne sont pas antisémites, hein. Ils auraient condamné le meurtre de ces enfants s'il s'était agi d'un "simple meurtre antisémite", donc "raciste". Ils sont contre le racisme. Et, par ailleurs, ils ne connaissent rien au conflit israëlo-palestinien. Mais ils respectent le côté "oeil pour oeil, dent pour dent". L'idée de vengeance. Ils ont une conception de la justice très personnelle).
Bref. Ouch.
On n'est pas rendus.
Bon, et sinon, pour en rester sur ce beau sujet du mariage pour tous, je vous envoie en lien cette belle vidéo à l'humour d'une grande fraîcheur n'est ce pas. (Non, je n'ai pas un humour très fin).