lundi 19 mars 2012

On est responsable de ceux qu'on apprivoise


       Je vous ai déjà parlé de Lady V. Mon amie gourgandine qui s'envoie en l'air autant qu'elle peut. 
       Eh bien figurez-vous que Lady V, en plus d'avoir un cul très actif, a un coeur.
      Et Lady V souffre ces jours-ci de ce que son dernier amant en date (que je propose de baptiser Sale Goujat Va Pourrir en Enfer) lui a fait le coup désagréable qu'on nous a déjà fait à toutes, j'ai nommé le coup de "Je suis là, et puis pfiou, tour de magie, je disparais !".
       Il a disparu, donc. Comme ça. Sans explication. Alors que tout allait bien.

      Ils se connaissaient depuis peu, ne s'étaient vus que cinq fois, mais ça s'annonçait bien, ils s'entendaient bien, c'était assez prometteur, Lady V était contente. (Je soupçonne Lady V de chercher un tout petit peu l'amour quand-même, juste un peu, mais chut, faut pas le dire).
       L'autre soir, Sale Goujat l'a invitée à une soirée dans un club (à l'époque il s'appelait Stéphane). Il était censé dormir chez elle après. Elle avait d'ailleurs déjà acheté le champagne, et préparé de la pâte à crêpe, des oeufs, du bacon et du pain frais pour le lendemain matin (du coup c'est moi qui en ai profité, merci tête de con (son deuxième prénom), je te revaudrai ça). 
       Ils sont allés danser, donc, et tout allait bien. Sauf que, sur les coups de cinq heures du matin, épuisée et désireuse de rentrer se mettre au lit, Lady V a dit "On y va ?", question somme toute assez simple et inoffensive. Et pourtant. Tout à coup, cataclysme, rupture dans le continuum espace temps, tout a changé, et bam, Sale Goujat s'est mis à fuir son regard et à bafouiller que "Ben non je vais prendre le premier train, là. Je rentre chez moi, je me fais livrer une machine à laver demain. Tu rentres comment ? A pied ? Bon ben rentre bien alors. Salut". 
     Lady V s'est décomposée. Non mais what ? Non mais tu me fais quoi là ? Pourquoi tu m'as invitée, alors ? Pourquoi tu m'as dit que tu voulais du champagne quand je t'ai demandé ce que j'achetais à boire ? C'est quoi le problème ? Tu rentres baiser quelqu'un d'autre, c'est ça ?!
     Lady V a pensé tout ça très fort, mais ne l'a pas dit. Elle a fait comprendre qu'elle était vexée, qu'elle ne comprenait pas, mais elle est partie assez vite, dignement, sans gueuler. 
    Le lendemain, elle lui a envoyé un message pour lui faire savoir qu'elle était "Un peu fâchée". ("Un peu fâchée" plutôt que "Va te cacher pour mourir fils de pute" car la femme tente toujours de limiter ses reproches dans l'espoir que l'homme, au lieu de fuir, lui fera l'honneur de, qui sait, s'excuser. La femme est gourde et mal renseignée).
      Il n'a évidemment rien répondu. Jamais. Plus jamais.
     Sale Goujat a donc simplement éjecté Lady V de sa vie sans prévenir, sans s'expliquer, sans rien. Lady V ne comprend pas. Elle est en colère, mais surtout, surtout, elle est blessée et humiliée. Désespérée, aussi, comme chacune d'entre nous dans cette situation, car il est insupportable de ne pas comprendre, d'être traitée du jour au lendemain comme une étrangère par un homme avec qui on pensait avoir développé une certaine intimité.
    ("Mais vous n'étiez même pas ensemble depuis un mois !", lui diraient certains hommes. Messieurs, sachez que ça ne change absolument rien).


     Pourquoi les hommes sont-ils à ce point incapables de dire les choses ?
    (C'est pourtant pas difficile, de dire "Casse-toi connasse tu me fatigues !", si ?) (ou bien de dire -variante- (souvenez-vous) "Tu es une chouette fille : jolie, intelligente, marrante. J'ai aimé les moments qu'on a passé ensemble").
     On passe pour des hystériques, mais c'est vrai qu'il y a de quoi devenir folle. 
     C'est odieux de faire ça. De partir sans explication. De refuser d'en donner. De faire le mort. 
     C'est insultant. C'est cruel. Qu'est ce qu'elle a fait pour mériter ça ?

     Je connais tellement de filles à qui c'est arrivé. A commencer par moi.

     Quand j'avais vingt ans, je suis sortie avec un certain Stéphane. (Encore un. Peut-être devrais-je user de cette belle figure de style appelée l'antonomase et dire désormais "un Stéphane").
     J'étais avec Stéphane depuis deux mois. Je connaissais tous ses amis. Il m'avait donné les clefs de son appartement. Il m'avait acheté une brosse à dents pour chez lui. Il ne m'avait pas encore dit "Je t'aime" mais je me souviens qu'à un dîner, il avait montré à tout le monde qu'il lui suffisait de dire "Amour" à voix haute devant l'écran de son téléphone pour que ce dernier compose automatiquement mon numéro (uber corny - je sais). Bref, tout allait bien.
   Et puis, un week-end, Stéphane est parti "à la campagne chez son cousin". Le lundi soir, j'avais rendez-vous dans un bar avec lui et ses amis. Ses amis sont venus. Pas lui. Il n'a pas répondu au téléphone de la soirée. Ni les jours suivants. Ses amis ne comprenaient pas. Il ne répondait pas à leurs appels non plus.
     J'hésitais entre la colère et l'inquiétude. J'ai fini par aller chez lui. Une fois sur le palier, je l'ai entendu à l'intérieur. Il regardait la télé et faisait cuire quelque chose qui grésillait dans la cuisine. J'ai sonné. Il a éteint la télé, arrêté le feu sous la poêle, retenu son souffle, pas ouvert la porte. J'ai re-sonné. "Stéphane, je sais que t'es là, ouvre !". Rien. J'ai essayé d'ouvrir avec mes clefs. Il avait mis les siennes de l'autre côté. Je suis restée là un certain temps à lui demander d'ouvrir la porte et de venir me parler en face. J'ai fini en pleurs sur le palier à hurler en donnant des coups de pied dans la porte avant de partir, détruite, en déposant mes clefs dans sa boîte aux lettres.
     J'ai appris plus tard qu'il s'était remis avec son ex. Qu'il n'avait pas eu le courage de me le dire. D'ouvrir la porte. De m'affronter. Peut-être qu'elle était dans l'appartement avec lui. Peu importe. La fille je m'en fous. Ca n'est pas le problème.
     C'est juste qu'on ne fait pas ça aux gens, c'est tout. On parle. On s'explique. On s'excuse. On prend ses responsabilités.

     Dans ces cas-là, nombre de filles gardent le silence. Il ne rappelle pas ? Très bien. Grand bien lui fasse. Je ne vais pas m'abaisser à lui courir après. J'ai ma dignité. Je ne dirai rien. Je ne veux pas passer pour une hystérique. Je suis au dessus de ça. 
    Je fonctionne différemment. Si je suis blessée, je le dis. Je gueule. Je demande des explications. Je fais savoir que j'ai mal et que je ne suis pas d'accord. Je pense qu'il n'y a pas de honte à avoir mal. Et je pense que ce n'est pas une preuve de dignité de se laisser jeter comme une vieille chaussette sans rien dire. Je ne suis pas "au dessus de ça" et j'assume. De ce fait, je suis ce qu'on appelle communément une hystérique. 


     Quand j'ai écrit à Astro qu'il ne pouvait pas être aussi démonstratif et affectueux avec une fille puis arrêter de l'appeler du jour au lendemain sans s'expliquer, il m'a dit qu'il n'avait pas à s'excuser de s'être comporté comme il l'avait fait, qu'il n'avait pas à avoir tel ou tel comportement, qu'il ne lui incombait pas de me protéger, que c'était à moi de le faire.
     Je ne suis pas d'accord. Dans une histoire, même une petite histoire, on est toujours deux. Il faut faire attention à l'autre. Si tu ne le fais pas par amour, tu le fais par gentillesse, par respect.
      "On est responsable de ceux qu'on apprivoise", dit le renard au Petit Prince.
      C'est désagréable de quitter quelqu'un, mais tu le fais. Et tu le fais correctement. Merci. 
      Il n'y a rien de plus insultant que de disparaître sans rien dire.

      J'ai un père très remonté contre les femmes qui disent que "les hommes sont des lâches".     
     Dernièrement, il a pourtant quitté par texto, la veille de leur départ en vacances, une femme avec qui il était depuis des mois. ("Qu'est ce que ça aurait changé que je le lui dise en face ?!" était son argument). Probablement dévastée, mais drapée dans sa fierté, elle n'a jamais répondu. Il aurait pourtant mérité qu'elle gueule.

    Je ne ferai aucune généralité. Je ne dirai pas "Les hommes sont des lâches". Certes non.
    Je ne le pense pas.
    N'empêche que. Les mecs. Sérieux. Faites un effort. 



     

4 commentaires:

  1. Pas faux tout ça, pour ne pas dire très vrai (normal je suis un homme je ne peux être de totale bonne foi). Juste qu'on ne se rend pas toujours compte, on veut trop bien faire et on fait n'importe quoi parce qu'on est déçu de nos propres réactions, on se trouve minable...
    ET puis il y a les lâches en effet, et une autre catégorie, ceux qui sont déconnectés de toute réalité pour des raisons diverses, parfois très anciennes, presque autant que l'invention de la patate sauté!

    Jo-tout-court

    PS : C'est bien de lire ce qu'on n'entend jamais d'une femme, parce qu'elle n'osera jamais nous l'avouer à nous, les gros mâles foireux.... :)

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  2. "pour des raisons aussi anciennes que l'invention de la patate sautée" :) c'est mignon comme expression. je la retiens.

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  3. PS : sinon merci, je n'avais jamais envisagé mon blog comme un blog de potentielle utilité publique pour l'amélioration de la communication entre les sexes, mais wow, peut-être suis-je en passe de devenir une bienfaitrice de l'humanité ?! :)

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  4. SI je peux t'inspirer des conneries, ça me va très bien! :)

    Je ne sais pas si il est très bon d'être écouté par l'humanité, quand on voit les abrutis qui sont suivis par des peuples presques entiers, ça fait peur! Tout ce que je sais, c'est que j'aime m'immiscer dans tes pensées! Déjà principalement parce qu'elles sont touchantes et drôles. Et puis c'est ça un blog (je précise que je ne suis pas du tout un fan du concept BLOG, mais....), on n'est PAS dans l'intimité réelle des gens, on est dans leur pensée à la seconde où ils écrivent leur article. ON suit leur cheminement. Et certaines personnes on un joli cheminement!

    PS : C'est dingue comme on sourit à chaque fin de phrase!:)

    Jo-Tout-Court

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