dimanche 10 juin 2012

Bad Hair Day

(Summer of lose)


 Chers lecteurs,

Je sais, vous avez été frustrés ces derniers temps : il ne m'est en effet pas arrivé grand chose ce mois-ci pour cause de travail intensif, mais j'ai depuis repris une vie sociale digne de ce nom. 
Je me suis donc remise en selle, et j'ai par conséquent - en bonne Pierre Richard de l'amour - de toutes nouvelles histoires de bonnes tôles fraîchées du matin pêchées à vous faire partager. 

Bon alors c'est un peu gênant parce que les gens dont je vais parler lisent ce blog. (Salut, vous !).
Mais bon, on va dire que tant pis, hein. Au point où j'en suis, finalement.

Ce week-end, je suis allée à l'enterrement de vie de jeune fille de mon amie la Comtesse. 
C'était une journée très sympa. 
Sauf que...

Tout a commencé le matin quand à 10h10 (blind test)... je me suis levée, et déjà : tout allait mal.
C'était ce qu'on appelle communément a Bad Hair Day. Ou, pour formuler ça avec mes propres mots, j'ai fait ce que j'appelle "une crise de mocheté". 
Les crises de mocheté, c'est quand tu te réveilles le matin et que tu te sens moche. Et y a rien à faire. Tu peux retourner ta penderie - ce que j'ai fait - mais rien ne te va : pas un seul de tes dix jeans, pas une seule de tes vingt-cinq robes, pas un seul de tes trois cent débardeurs. Tout à coup, ta penderie regorge de pantalons mal coupés, de jupes trop courtes ou trop longues ou trop rouges ou trop bleues, de débardeurs trop décolletés ou pas assez ou trop en coton ou trop en synthétique, et puis de toute façon t'as de trop petits seins et un trop gros cul et t'es pas assez bronzée et t'as des cernes et t'as mauvaise mine et tes cheveux ils font des boucles bizarres, enfin comme d'habitude sauf que là c'est bizarre. Bref c'est difficile à accepter mais bon, il faut bien se rendre à l'évidence : tu es devenue moche pendant la nuit.
Du coup, dans ces cas-là, ce que tu fais - ce que j'ai fait, donc - c'est que tu cours faire les magasins pour acheter un truc mettable vu que t'as rien trouvé à te mettre (ni dans ton immense commode, ni dans ta penderie, ni dans ton dressing - t'aurais peut-être dû essayer dans une de tes malles de fringues à la cave). Tu ressors donc du premier magasin dans lequel tu es rentrée avec une tenue, le vague sentiment d'avoir limité la casse, et surtout avec cent euros de moins sur ton compte en banque (alors que tu es pauvre et que, au programme, tu vas bruncher chez Ladurée avant d'aller prendre l'apéro au Ritz). Mais bon, c'était un cas de force majeure.
Tu arrives donc en retard chez Ladurée, et là : tu vois tes amies. Et là c'est le double effet Kiss Kool. Parce que les jours de Bad Hair Day, c'est bien connu, non seulement tu as subitement le teint gris, la peau grasse et le cheveux bizarres, mais en plus tes amies ont le Good Hair Day du siècle (ben oui : sinon c'est pas drôle). 
Ainsi, tu arrives chez Ladurée en retard comme un éléphant dans un magasin de porcelaine : tes amies sont la beauté, la grâce et la sophistication incarnée. Elles ont des robes magnifiques, le teint frais, et le rire cristallin. Bref, ce sont des poupées Barbie en train de prendre le thé dans une dinette en porcelaine, et - pas de bol - il se trouve que ce matin tu t'es malencontreusement réveillée dans la peau d'une poupée Tinnie.



Cherchez l'intrus

Bref, tu as foiré ton maquillage (les ronds blancs sur les joues, c'était vraiment une idée à la con). Tu as le nez anormalement en trompette, tu n'as plus de sourcils, on voit les coutures à la racine de tes cheveux et tu as la bouche mystérieusement et immuablement ouverte et en cul de poule. 
Avouez que c'est gênant. 

Mais bon, tu décides de rester digne jusqu'au bout. (Sous la table, on ne voit pas que tes sandales achetées à 5 euros sur le marché l'été dernier ont les coutures qui s'effilochent). 
Tu fais donc gaiement la conversation à toutes tes amies que tu aimes et tu te réjouis sincèrement de leurs mariages et de leur bonheur et de leurs futures grossesses. Elles sont trois à table avec de jolis ventres ronds dans leurs jolies robes et elles ont des décolletés de ouf parce que, c'est bien connu, quand t'es enceinte il y a un effet immédiat de go go gadget aux nichons. Elles sont belles et heureuses et rayonnantes et t'es super heureuse pour elles mais quand même tu vas reprendre un peu de ce bon Pouilly Fuissé pour oublier, hein. Hips.
Tu es la seule célibataire à table - et la seule citrouille - mais tu ris pour faire diversion.
Arrive alors le Homme. Que nous appellerons l'Homme, tiens.
Le seul invité mec dans cet univers cent pour cent féminin fait d'oestrogènes et de mousse aérienne à la fraise nappée de coulis de framboise. 
L'homme s'assoit à côté de toi et là, avec ta petite bouche en coeur, tu perds subitement l'usage de la parole. En même temps, c'est peut-être pas plus mal, parce que les jours où tout à coup tu es devenue moche pendant la nuit, souvent - étrangement - tu es aussi subitement devenue complètement conne. Il est donc plus sage de se taire.
Ainsi, quand l'Homme t'adresse la parole, tu bafouilles. Tu ne t'es jamais sentie aussi gauche de ta vie. Tu as envie de mourir là maintenant tout de suite chez Ladurée, avant même d'être passée au dessert : c'est dire. 
L'Homme est drôle et charmant et son bras effleure le tien et tu as très envie de lui sauter dessus là maintenant tout de suite devant les touristes américains et de lui faire l'amour dans la crème fouettée à la noix de coco, mais au lieu de ça tu t'enfonces un peu plus profondément dans ton siège dans l'espoir de disparaître, et tu pries ta marraine la bonne fée de faire quelque chose pour refaire de toi une princesse.

Les réjouissances terminées, vous allez faire les magasins : la future mariée a carte blanche dans les somptueuses boutiques de la rue Saint-Honoré. 
Tu en profites pour rentrer chez toi : il te reste deux heures avant le rendez-vous au Ritz. 
Tu n'as pas le temps d'aller chez le coiffeur ou de foncer chez un chirurgien esthétique, mais c'est un laps de temps suffisant pour aller faire la danse du soleil et prier les dieux de t'accorder une coiffure digne de ce nom.
Tu essayes de t'apprêter pour essayer de ressembler vaguement à quelque chose. Tu vas au bar Vendôme du Ritz, que diable, il faut que tu fasses quelque chose pour éviter de te sentir trop pouilleuse. Tu essayes donc de te faire chic. 
Résultat : tu as l'air d'une pute. (Mais d'une pute relativement sexy. Donc bon. On va dire que ça va).
Direction le Ritz, donc. 
Et là, à peine arrivée, entre deux gorgées de Sancerre blanc, tu apprends que tous les gens autour de la table - l'Homme inclus - ont lu ton blog. Là, tu meurs une première fois. (Heureusement, ce soir, tu es une Tinnie citrouille frappée d'immortalité, tu vas donc pouvoir vivre plusieurs vies de merde en une seule soirée avant de - à chaque fois - périr dans d'atroces souffrances. Cette petite mort n'est donc qu'un début). 

Oui, la Comtesse a beaucoup aimé mon blog alors du coup elle en a parlé à tout le monde. Ce qui est super gentil, bien sûr. Elle me fait de la pub et ça me flatte énormément. 
Sauf que, disons que je ne tiens pas forcément à ce que mon personnage d'anti-héroïne me colle à la peau jusqu'au Ritz, surtout quand j'essaye d'avoir l'air digne/sexy/mystérieuse. 
Au temps pour ma dignité, donc. Au temps pour le mystère, aussi : l'Homme - qui, vous l'aurez compris si vous n'être pas complètement bouchés, me plaît bien - sait désormais que je suis une dangereuse psychopathe.
Je ne connais en fait pas du tout ce garçon, hein. Juste : il me plaît bien. La Comtesse le sait (c'est son meilleur ami). Et c'est un peu rageant parce qu'à chaque fois que je le vois, il drague une autre fille sous mon nez. (Ces petites contrariétés de la vie).
Je me souviens qu'un jour, la Comtesse et moi avons parlé du fait qu'il me plaisait mais que bon ben euh, gloups, hum, il fait chaud hein, hum, ça va sinon ? (que dire dans ces cas-là ?).
Pour me consoler de cette cuisante blessure d'égo, la Comtesse m'avait dit que s'il ne s'était pas intéressé à moi, c'était parce j'avais dû lui faire peur :  "parce que tu es un peu trop en demande et que ça se voit". (Un argument qui, vous vous en doutez, m'a immédiatement consolée : "Aaaaaah, il veut pas de moi parce que j'ai l'air d'une malade mentale en manque d'amour ? Ce n'est que ça ? Ah ben oui, je comprends. Je me sens tout de suite beaucoup mieux, dis donc"). 
Du coup, à la suite de cette conversation, elle lui a - logique - donné l'adresse de mon blog : "Ben oui : comme je pense qu'il ne s'intéresse pas à toi parce qu'il pense que t'es folle, je me suis dit que, pour être sûres, on allait le lui confirmer ! Malin, hein ? De rien ! Allez, tchin !". 

Bref, la soirée continue comme elle a commencé. 
Tu es avec tes amies, tu bois, tu manges des petites verrines de riz au lait maison, tu mets ta main sur le ventre de ton amie pour sentir son bébé donner des coups de pied, tu meurs une deuxième (troisième ?) fois, puis tu éclates de rire en lisant la carte parce que 1) tu as bu, 2) tu as rarement été aussi mal à l'aise de ta vie, 3) tu viens de lire que pour la modique somme de 380 euros tu pouvais aller manger 50 grammes de caviar au comptoir. 
Plus tard, vous quittez le Ritz pour aller finir la soirée dans un karaoké chinois de Belleville (pour vous remettre de tout ce luxe). Tu te sens d'ailleurs tout de suite beaucoup plus dans ton élément, au milieu des ballons, des fauteuils roses et de tous ces gens qui beuglent sur Claude François. Tu n'as pas brillé lorsqu'il a fallu manger le mini fraisier dans les mini assiettes du Ritz avec la mini fourchette et le mini couteau (tu as mangé avec tes doigts), mais tu vas désormais pouvoir t'illustrer en chantant sur Patrick Bruel (l'Homme en restera forcément pantois). 

J'avoue, je me suis beaucoup amusée. Rien de tel qu'un bon karaoké à s'égosiller sur Indochine et Queen en buvant du mauvais vin pour oublier ce monde cruel fait d'Hommes fascinés par les robes dos nu des autres filles. 
Sauf que l'Homme n'a pas été séduit par mes vocalises pourtant si féminines sur "Bohemian Rhapsody", ni par ma démonstration de rap à l'ancienne sur "Nuit de Folie" de Début de Soirée (je jouais pourtant là mon dernier joker sur cette douce ballade qui invite si merveilleusement à la bagatelle, n'est-il pas ?).
Du coup, un peu plus tard, quand l'Homme a emmené Miss Dos Nu danser sur je ne sais plus quel slow à la con et que je les ai vus danser et s'enlacer au ralenti comme dans un mauvais clip des années 80 pendant que les chinois en furie tapaient dans leurs mains frénétiquement, mon coeur est allé se mettre la tête dans le four.
S'en est suivi un épisode fort désagréable. La reine de la soirée étant enceinte, nous avons quitté les lieux relativement tôt (avant que je ne puisse hurler ma détresse sur "Hit Me Baby One More Time" de Britney Spears, ce qui est tout de même fâcheux). 
Arrivés sur le trottoir, l'Homme, tout excité, nous propose d'aller boire un dernier verre. Or, tout le monde nous fait la bise pour partir et il apparaît bientôt que - horreur et damnation - je m'apprête à aller boire un verre seule avec le jeune couple qui torture mon âme à coups de petits sourires complices depuis le début de la soirée. Non mais plutôt mourir. Du coup j'essaye d'esquiver en bredouillant que "Non mais en fait je vais y aller aussi, hein". On ne me laisse pas m'en sortir aussi facilement : "AH BON ? MAIS POURQUOI DONC ?! JE NE COMPRENDS PAS ?!". J'essaye vaguement de dire discrètement à la Comtesse que "ben euh je vais peut-être les laisser seuls, tu vois, euh, bref". S'ensuivent de bruyantes protestations : "Ah mais non, mais tu rêves, jamais de la vie, tu te fais des idées !", "Bien sûr que non Bayane on ne va pas coucher ensemble elle et moi, quelle idée ! Viens donc boire un verre avec nous !".
Je me suis donc vue dans l'obligation mortifiante d'aller finir la soirée avec ces deux jeunes gens qui avaient besoin d'une tierce personne pour ne pas s'avouer trop ouvertement qu'ils voulaient finir la nuit ensemble. (Pas de problème, les mecs, j'adore assurer ce genre de transition pour autrui ! Santé !). 

Une petite heure plus tard, on a quitté le bar. 
Miss Dos Nu vivait, étrangement, juste à côté. Ils m'ont donc déposée au métro (mais, l'Homme habite le 14ème et nous étions dans le 19ème ?! Pourquoi n'a t-il pas pris le métro avec moi ? Je me le demande) où j'ai quand-même pu placer pathétiquement que - ce qui par ailleurs était vrai - je ne rentrais pas chez moi. J'allais en effet me consoler dans les bras de Johnny Blue Eyes, qui avait eu - lui - l'immense courtoisie de m'envoyer des sextos toute la soirée pour me rassurer sur mon sex appeal. (Merci Johnny. La patrie reconnaissante, tout ça).
J'ai donc dit que je ne passais pas la nuit seule (vas-y, raccroche toi aux branches avec tes petites pattes). Sur ce, l'Homme m'a mis la main sur l'épaule d'un air entendu pour me souhaiter une bonne soirée et m'annoncer, en bon camarade, que "Bon ben nous on y va, hein". Je les ai donc vus s'éloigner à pied en direction de chez elle. Avant de disparaître dans la bouche de métro, j'ai vu l'Homme mettre sa veste sur les épaules de Miss Dos Nu parce qu'elle avait froid, et mon âme a vomi. 

Après cette soirée de win absolue, j'ai donc rejoint Johnny Blue Eyes. Sauf qu'en fait finalement on a été chez moi. Il était deux heures du mat'. Johnny Blue Eyes est arrivé, il m'a sautée (bien, cela dit), puis il m'a tourné le dos et il a ronflé toute la nuit avant de partir tôt le lendemain matin sans même prendre le petit déjeuner parce qu'il devait aller "nourrir son chat". 

A Bad Hair Day, donc. 
A Bad Hair Life ?



Ou devrais-je plutôt dire : une nuit de folie.


4 commentaires:

  1. Très embêtant. Je suis au travail, morte écroulée de rire derrière mon écran. Etrangement, mes collègues ne comprennent pas ce qui m'arrive, mais comme cela fait plusieurs semaines qu'ils ne me comprennent plus, ils ne me posent même pas de question.

    C'est bien dommage que tes journées "sans" me fassent tant rire...peut-être parce que c'est du vécu aussi ?

    Bad time for single women, Bayane ! Keep the faith (comme dit si bien Bon Jovi)

    A.

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  2. Oui, bon c'est vrai que pour aller dans ce genre de truc mondain faut être un peu tapée quand même, mais tu m'as fait de la peine, parce que tu devais être toute jolie (quand on se sent moche avant d'aller dans "le monde", c'est bien qu'on réalise qu'on ne sera pas à sa place et au niveau de proutitude esthétique des convives).

    ET puis il n'a aucun goût ce type, quelqu'un qui bafouille c'est craquant (je suis très craquant, d'ailleurs tout le monde m'évite).

    Bref, je m'insurge, tu étais la reine du bal, sauf que tu t'étais trompée de fête!

    Je n'ai pas ri du tout en fait, celà dit c'était drôle dans la formulation, sauf que c'était triste tout à la fois...

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  3. "mon coeur est allé se mettre la tête dans le four."
    Excellent! (joli sens de la formule au passage) On en redemande.

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    1. Dis, STP, je me demandais : tu m'as trouvée comment ?
      Je suis curieuse.

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