mercredi 27 juin 2012

Une Nuit en Enfer

(This is where you sanity gives in)



Le bon côté de ce blog, c'est que je peux commencer chaque article avec l'image de mon choix pour orienter la lecture. Ainsi, je peux commencer cet article sur la nuit où j'ai fini échouée dans la rue à minuit avec cette image d'une jolie fille allongée pieds nus sur la route en petit caraco fleuri : c'est frais, c'est printanier, c'est poétique, c'est bohème, c'est un brin rock'n'roll, bref l'honneur est sauf. (Vive Google Images). 

En dépit de cette image, il va pourtant être difficile de faire de cet épisode fâcheux de ma vie un récit de pure bohème. Mais croyez-moi : je vais quand-même essayer très fort.
Il faut voir ça comme une aventure.
Une aventure un peu hard, mais une aventure quand-même.
Parce que finalement, tout ce qu'il reste une fois que c'est fini, c'est l'histoire.

Bref, venons-en aux faits.
Ce week-end, j'étais à Bruxelles, et j'ai, disons, euh, un peu perdu mes esprits. 
"Alors comme ça t'es folle, ma chérie ?" m'a demandé mon père hier soir, amusé, quand j'ai débarqué chez lui. (J'avais appelé mon frère quelques heures plus tôt pour hoqueter entre mes larmes que j'étais folle à lier, que j'avais de graves problèmes psychologiques, qu'il fallait m'interner).
Ca ne les a apparemment pas convaincus : ils m'ont accueillie, prise dans leurs bras, et m'ont écoutée leur raconter ma crise de folie avant de me gaver de blagues, de glace au cookie et de vin. (Home Sweet Home).


Mais je m'égare. Je repousse l'échéance de l'aveu terrible. (Et ça va pas être rigolo, hein, je vous préviens tout de suite. On est en plein SkyBlog, je la joue Journal Intime - je sais, c'est mal - du coup si ma vie vous vous en foutez - et je ne vous blâme pas - vous pouvez y aller tout de suite) (vous avez vu la vidéo de Lilo et Stitch, c'était le clou de ce post de toute façon, rien à regretter).

Ce week-end, donc, je suis allée à Bruxelles. Bruxelles où habite Gilles.
Oui, Astro s'appelle Gilles. Comme tous les belges, semblerait-il. 
J'ai dormi à Saint-Gilles, où tous les bars, tous les restaus, toutes les boutiques s'appellent "Gilles quelque chose", j'ai été recueillie dans la rue par un Gilles, bref il y a des Gilles partout (c'est à devenir folle, tiens). On se serait crue dans Being John Malkovitch (la scène où John Malkovitch rentre dans sa propre peau et se retrouve dans un restau où tous les gens sont lui et parlent en Malkovitch - sauf que là ils parlaient en Gilles).

La veille de mon week-end à Bruxelles, il (Gilles, pas Malkovitch - vous suivez que dalle, dites moi) m'a envoyé un mail pour me proposer qu'on s'y voie (mec, tu m'ignores depuis des mois et tout à coup youhou, viens on va boire un coup ?). J'ai évidemment eu le réflexe de dire non : pas la force, trop tôt, pas le courage, pas une bonne idée... Il a dit ok. Laconique.
Mais il m'avait écrit !
Ca a ouvert plein de vannes, et j'ai très vite été assaillie d'une folle envie de lui parler. Donc il voulait bien me parler, finalement ? Le voile du silence était levé ? On allait pouvoir discuter ? J'allais peut-être pouvoir avoir des réponses, comprendre, me sentir mieux, have closure, tout ça ?
A l'idée que j'allais enfin pouvoir interagir avec lui, tout s'est embrouillé dans ma tête : je ne savais plus ce que je voulais dire, si j'étais en colère ou non, si je le détestais ou non, si je voulais faire comme si de rien n'était ou non, en fait ça changeait un peu toutes les heures. Je suis une fille sensée, pourtant, mais c'est difficile de réagir intelligemment à une situation à laquelle tu ne comprends rien.
Alors j'ai écrit un premier message. Je ne sais même plus quoi. Puis un deuxième. Puis un troisième. Il n'a pas répondu. A aucun d'entre eux. Je crois que c'est là qu'un certain nombre de connections ont sauté dans mon cerveau. Je n'ai pas supporté qu'il recommence à m'ignorer juste après m'avoir relancée. Ca m'a rendue hystérique. La colère, le sentiment d'injustice et d'impuissance, c'était horrible. Je suis pourtant normalement une fille rationnelle et intelligente. Mais je crois que c'est une histoire de cercle vertueux et de cercle vicieux : quand on me traite comme un être humain doué de raison et digne de respect, je me comporte comme tel. Et inversement.
Bref, pour faire court, j'ai fini par envoyer un mélange indéfinissable de déclarations d'amour, de reproches, d'insultes et d'appels au secours en 24h chrono. Un record. Ou - en un mot - le pire truc imaginable. Hauts les coeurs ! Bravo Bayane ! Tu remportes la palme de la pire... euh... de la Pire (point final). ("Plus tard je veux être champion du monde" "Mais de quoi ?" "Ben du monde !").

Pour ne rien arranger, j'ai vu Calamity, qui m'a payée une dizaine de verres de vin en me racontant des trucs atroces au sujet de Gilles et moi avant de repartir :
- Non mais attends ma chérie si je te dis tout ça c'est pas pour te faire du mal, hein. C'est pour ton bien ! Tu préfèrerais que je te mente ?!
- Non là tout de suite dans l'immédiat je préfèrerais juste que tu crèves.
Quand elle est partie, j'étais anéantie.
To make a long story short, j'ai fini par faire une crise d'angoisse le lundi soir seule dans la rue. Je n'avais trouvé nulle part où dormir (tous les gens que j'avais contactés ne pouvaient pas m'héberger ou ne répondaient pas) et j'étais vidée, paumée, hagarde, et passablement saoule. Je me suis assise dans un coin et je suis restée là. Sans bouger. J'ai passé quatre heures sur mon coin de porte. La nuit tombait. Je crois que je ne m'étais jamais sentie aussi abandonnée de ma vie.
J'ai envoyé des appels au secours à Gilles (how dignified and attractive!) - ce même Gilles dont je venais d'apprendre qu'il n'en avait jamais eu rien, mais rien à foutre de moi - (logique implacable) -, mais il m'a ignorée (pour changer) : et moins il me répondait et plus j'avais l'impression que j'allais mourir sur place et plus je le suppliais de me répondre. Je l'ai littéralement supplié de me répondre. (Mon Dieu...).
Il n'a jamais répondu. C'était à prévoir.
Je suis une grande fille, pourtant. Je suis adulte, indépendante, j'ai de la ressource, je ne suis pas censée m'effondrer avec une telle violence juste parce qu'un garçon avec qui j'ai couché il y a cinq mois ne répond pas à mes messages. J'aurais pu me lever, aller à l'hôtel, trouver une solution. Et pourtant. J'étais paralysée. Tout à coup, j'étais seule perdue dans une ville étrangère, j'avais cinq ans et je voulais ma maman.

Sur ce, voilà une photo esthétique et bouleversante en noir et blanc pour donner une dimension tragique et émouvante à cet épisode de lose suprême : 


J'ai donc un peu vécu la vie d'une sans domicile fixe pendant quatre heures. (Enfin vite fait, quoi).
(Une scène de The Catcher in the Rye revisitée, plutôt. Ou de Moonpalace. La méga classe, en fait, finalement).
A un moment, un mec est venu me draguer (et on le comprend !) (quoique j'avais déjà ramassé un numéro de téléphone plus tôt dans la journée : à croire que je suis particulièrement attirante quand je pleure, hein). Je lui ai demandé de me laisser tranquille. J'ai répété plusieurs fois "Laisse moi tranquille s'il te plaît". Il a pris ça pour une invitation à me passer la main dans les cheveux et à me mettre la main sur la cuisse (certains hommes sont vraiment délicieux). Je me suis redressée et j'ai dit "Ne me touche pas !". Très fort. Plusieurs fois. Suffisamment pour qu'il s'en aille. Thank God.
Plus tard, un couple d'homos New Age est passé et l'un d'eux est venu s'asseoir à côté de moi et me faire la conversation. Il a proposé de m'aider à me lever et de me faire marcher sur cent mètres : c'était adorable de sa part mais j'ai dit non merci. (La peur de bouger. Un peu comme quand t'as trop bu et que tu penses que si tu bouges tu vas vomir : là j'avais l'impression que si je bougeais il se passerait un truc horrible). Il s'est assis à côté de moi et il m'a fait un grand discours sur la vie la mort et le devenir : il m'a dit qu'il ne fallait pas se prendre la tête, qu'il y avait des gens qui mourraient de faim dans le monde, que j'avais une belle âme, que mes yeux pétillaient d'intelligence, que Dieu m'aimait, que j'avais un beau sourire et une belle aura et qu'il ne fallait pas me laisser abattre, il m'a un peu parlé de feng shui, il m'a souhaité tout le bonheur du monde et puis il est parti. ("Mais c'est un vrai Lauzier, ton histoire !" m'a dit mon père).
La nuit tombait.
Et là, sur les coups de minuit et demi, Gilles est arrivé. Un autre Gilles. Un inconnu qui, étrangement (quoique bon, c'est la Belgique), s'appelait Gilles.
Il m'a dit qu'il ne fallait pas rester là, que c'était dangereux. (Je ne savais pas du tout où j'étais. Il s'est avéré que j'étais sur l'équivalent bruxellois des Champs Elysées, soit un endroit où il est fort déconseillé de traîner la nuit). Il m'a demandé si j'avais quelque part où dormir. S'il pouvait appeler quelqu'un. J'avais du mal à parler alors il s'est assis à côté de moi. Il m'a dit qu'il attendrait avec moi que je reprenne mes esprits, qu'il ne pouvait pas me laisser comme ça. (Il promenait son chien : "Elle s'appelle Bonnie. Pas Bonnie comme dans Bonnie and Clyde. Bonnie comme la fille de Scarlett dans Autant en Emporte le Vent". Wow. Là, j'ai su que j'étais sauvée !). On a attendu un certain temps en silence, on a parlé un peu, puis il m'a aidée à me lever et il m'a emmenée chez lui. Il a appelé sa femme qui m'a accueillie avec un verre de vin, une boîte de mouchoirs et des pâtes. Ils m'ont fait parler. Ils m'ont fait rire. Ils ont pris soin de moi. C'était un loft immense avec un piano à queue et des tableaux partout. Ils étaient incroyablement gentils. Ils ont appelé presque tous les hôtels de Bruxelles pour me trouver une chambre. Une fois ma chambre réservée, Gilles m'a emmenée à l'hôtel - en Porshe !
J'ai traversé Bruxelles de nuit en Porshe avec un chevalier des temps modernes.


Entre temps, mon amie Anna a appelé et il m'a finalement conduit à elle. J'ai donc fini saine et sauve, à deux heures du matin, sur le canapé d'un homme. (Pendant qu'ils gémissaient de plaisir dans la chambre à côté. Je crois bien qu'ils s'y sont repris à trois fois dans la nuit) (C'était le clou final de ma crucifixion).
Le lendemain, après quelques heures à pleurer et regarder le plafond, je suis allée prendre le premier Thalys pour Paris, et j'ai laissé cette histoire derrière moi.
............

Je ne sais pas très bien quelle est la morale de l'histoire.
A part que je suis folle, bien sûr.


Et qu'il existe des gens fantastiques sur cette Terre. (Et que Bruxelles c'est très joli mais je ne sais pas si je vais y retourner tout de suite tout de suite).
Enfin si : je pense que la morale de cette histoire c'est que je suis une fille certes un peu fragile (euphémisme bonjour) mais aussi très aimée et entourée, et que tout va bien se passer.
Je me suis mis dans un état irrationnel et disproportionné parce que quelqu'un m'a refusé son respect et sa tendresse mais il y a tellement, tellement de gens biens qui m'aiment et qui sont là pour moi.
Dans le Thalys, sur le chemin du retour, j'ai repensé à toutes ces petites et grandes attentions dont j'ai été l'objet, à tous ces gens qui ont été là pour moi dans ma vie et qui le sont encore.
(Attention : Cheesy time. Ready? Go).
J'ai repensé aux messages mignons envoyés par des amis à toute heure et à l'improviste ("Une pensée pour toi ma belle", "Bonne nuit petit chat", "Il est 22h22 : Fais un voeu"), j'ai pensé aux "Je t'aime" cachés dans mes boules de chaussettes ou glissés sous ma porte, j'ai pensé aux cadeaux surprise et aux apéros improvisés à toute heure du jour et de la nuit façon "cellule de crise", aux cafés qu'on m'a apportés le matin, aux tartines qu'on m'a beurrées, aux baisers déposés sur mon front et aux clopes déposés dans ma bouche et allumées pour moi quand j'étais en train de pleurer au téléphone, j'ai pensé aux kilomètres parcourus par des gens pour venir me rejoindre où que je sois dans les moments de détresse.
J'ai pensé à tous ces gens fantastiques que j'aime et qui m'aiment et je me suis dit que je n'avais pas le droit de me laisser abattre parce qu'un mec que je connais à peine ne s'intéresse pas suffisamment à moi pour répondre au téléphone quand je l'appelle. Ca n'a aucun sens.
Je ne peux décemment pas accorder plus d'importance à son rejet à lui qu'à leur amour à eux.
J'ai brièvement perdu le sens des réalités. Mais Gilles n'est rien. Il ne mérite pas que je me mette dans des états pareils. Un mec prêt à me laisser mourir en pleine rue ne mérite pas que je me mette dans des états pareils.
Gilles ne doit plus avoir d'importance. On ne parlera plus de Gilles. 
Voilà : la morale de l'histoire, c'est ça.

Et tout va bien se passer.



10 commentaires:

  1. Mais bordel, quelle idée de se mettre dans un état pareil, tu es tombé de toute évidence sur un con! Il est sans doute né con (c'est juste pour citer Brassens), a été élevé en con, a muri bien con, et vieillira très con!

    Si j'étais un de tes amis (je te rassure, je ne m'imagine en aucun cas être un ami, même éloigné par le cousin de la belle soeur du chien de la voisine du chef du témoin du meurtre de la brue du prof qu'a eu un jour le copain de cette fille que j'ai du rencontrer dans un supermarché un jour où j'achetais des fraises), oui si j'étais, mais je ne le suis pas donc disons simplement que tu es quelqu'un, à te lire, pour qui on remuerait tous les chiottes de la terre, en imaginant que tu ailles te perdre dans un lieu terrifiant rempli de mille dangers!!!!!!!!!!!

    La morale de l'histoire, c'est que tu es fragile, sensible, et que justement, du coup, tu prends toujours tout pour et sur toi, alors que 99,99% de la population est quand même un gros tas de sales connards.

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  2. C'est ce que je pense réellement tu sais!

    Plusieurs choses me viennent d'ailleurs à l'esprit, j'aime cet humour triste, il me touche terriblement, je m'en sens plus que proche il faut dire.

    Faire rire et en même temps toucher en donnant un véritable sentiment de colère au lecteur avec ses malheurs n'est pas donné à tout le monde.

    Ce qui me fait sourire en revanche, c'est ta remarque sur skyprout, 90% des blogs racontent plus ou moins intimement la vie de l'auteur, ses vacances, sa sexualité, ses passions, ses délires de pseudo romancier, cet esprit bobo du bon blog intello soit disant underground opposé au mauvais blog du prout kikouesque, je trouve ça très nul et suffisant!

    Ce n'est pas la plaforme éditoriale qui fait le blog, mais bien son auteur, non?

    Enfin, tout ça pour dire (c'est dur de l'exprimer sans donner l'impression de te faire de la séduction de merde, ce n'est pas du tout ce que je veux) que si un type bien passe, et qu'il pose le regard sur toi, t'observe un peu, bon sang, il craquera, c'est inévitable.

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    1. C'est très gentil tout ça, merci.
      Par contre je n'avais pas dans l'intention d'écraser qui que ce soit de mon mépris, je ne faisais que signaler que je sais que ce post n'est pas fun, qu'il dérape un peu en mode "journal intime" et que je m'en m'excuse. Je ne trouve en effet pas très honorable de raconter sa vie de façon aussi personnelle sur internet. C'est tout. Du coup je ferai beaucoup de blagues à l'avenir pour rattraper le coup.

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  3. Mais sur le net tout le monde raconte sa vie! Blague ou pas! C'est le grand déballage, après il y a les gens attachants et les autres! (je dis sur le net, mais partout, même les journalistes télé maintenant racontent leur vie aux invités!:d

    On s'en cogne que tu nous fasses rire, ou pas, c'est autre chose tu es devenue l'héroïne d'une sorte de roman à épisode plus ou moins vrai, je ne sais pas. Pourquoi avoir honte? Si tu en as besoin, si ça te fait du bien!

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  4. Mince j'ai raté un de tes articles :

    "THE END.


    THE END. Aujourd'hui est officiellement le dernier jour ou ..."

    J'ai eu peur que ce soit le dernier jour de ton blog.

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    1. Oui c'est bizarre j'ai remarqué moi aussi que quand je publie un article impulsivement et que je l'efface aussitôt (ça arrive), il reste toujours une trace sur Google. C'est contrariant. Tu as loupé "The End", donc. Et oui, ça annonçait la fin du blog. Mais c'était juste un caprice de fille en pleine crise de je sais pas quoi. Je l'ai effacé juste après. T'inquiète.

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  5. Jo-Tout -Court29 juin 2012 à 14:18

    Tant mieux, je ne veux pas que tu t'arrêtes d'écrire! ENfin c'est un caprice de lecteur!:)

    Mais j'aime bien tout ce que je trouve ici

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  6. Je sais pas comment tu es tombé sur mon blog perdu dans l'internet intersidéral, mais merci d'avoir laissé un commentaire ce qui m'a permis de découvrir TON blog et d'y passer un bon moment.

    J'ai moi aussi vécu ton tiraillement "dois-je raconter ma vie sur mon blog?", et je suis assez fier de moi, les 3/4 de mes articles parlent d'autres choses que de ma personne. Mais bon hein, si on ne parle pas de nous, qui le fera ? haha

    Bref, sinon article très sympa. :D Cool. Cool, cool, cool.

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    1. Hahaha. Ouais, t'as vu, ici c'est un blog où on se fend la gueule ! :)

      Je ne sais plus du tout comment je suis tombée sur ton blog mais j'y suis même "abonnée", figure-toi !

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